L'enfance est un état de convoitise et de peur où tout ce qui arrive pour la première fois, cadeau ou blessure, laisse une marque indélébile. (p; 12)
Bibliothèques
Les hasards de la vie m'ont un peu marié aux bibliothèques. Mon père était bibliothécaire et parlait quatre langues, ma mère les parlait avec la même aisance et était sans doute la plus piètre cuisinière à l'ouest de Suez. C'est dire que, dans mon enfance, le coupe-papier l'emportait sur le couteau à pain et que cette constellation familiale a fait de moi un grand bouffeur de livres et un voyageur à l'épreuve de n'importe quelle tambouille. (p. 63)
A quarante ans, Paul Klee écrit dans son " journal de peintre", "j'aimerais peindre et dessiner comme un enfant de six ans". Non seulement il y est parvenu mais, grâce à son bagage culturel, son immense réflexion visuelle et son humour, il a plutôt peint comme un enfant de six cents ans. (p. 20)
Là, j'avais vraiment envie de les rejoindre. J'avais beau être un cancre et voir chaque année mon ciel raturé de corrections à l'encre rouge et noirci d'examens à refaire, l'acquisition des connaissances m'est apparue, aussitôt que j'ai su lire, comme un processus aussi fascinant et naturel que la respiration pour un professeur de yoga ou le crawl pour un nageur de demi-fond. (p. 44)
Elle n'était pas seule dans son cas : dans les grandes demeures huguenotes et wilelminiennes, puritaines et victoriennes de la côte lémanique, ces oies blanches étaient légion à se marier sans savoir comment l'esprit vient aux filles. On s'en tenait résolument à la cigogne. Non seulement l'éros était un tabou absolu, mais une bonne partie de notre physiologie était lestée d'une charge négative, considérée comme une épreuve à supporter vaillamment et parfois comme "salaire du péché" (p. 38)
Préface--- en exergue, extrait poème de Nicolas Bouvier - "Le Dehors et le Dedans"
Une paume sale nous semblait suffire
pour ces sales larmes d'enfant
car nous ne savions pas
que nous étions déjà tombés dans la vie
tombés dans cette vie
si douce et si tuante
que personne jamais
n'en reviendra vivant.
Ce sont les grands-parents qui nous aménagent une enfance pendant que nous dessinons avec des crayons mal taillés des maisons bossues dont la cheminée toujours fume avec force même sous un soleil caniculaire (...) (p. 31)
L'enfance est un état de convoitise et de peur où tout ce qui arrive pour la première fois, cadeau ou blessure, laisse une marque indélébile.
Certains sont beaucoup plus égaux que d'autres. (citant Orwell)
Chaque âge a d'ailleurs sa forme de sottise mais, malgré la leur, les enfants ne tardent pas à percer celle des adultes. (p. 16)