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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Quel drôle de bonhomme que ce Victor Bâton ! Narrateur - ce qui rajoute au malaise car difficile de se mettre à distance quand on s'adresse directement à vous - il évoque sa solitude et ses tentatives d'entrer en relation avec le reste du monde. D'amis, d'amours, il n'en a point. Revenu de la guerre trois ans plus tôt, son quotidien est ritualisé, dire que c'est le néant absolu dans sa vie n'est pas mentir …
Victor relate ses différentes rencontres et essais pour faire ami avec des inconnus mais comme il fantasme la relation avant même qu'elle ne débute, il est donc immanquablement déçu et insatisfait. Et pour cause, il semble parfois que ce que Victor recherche chez l'autre, c'est son propre reflet. Il n'aime rien tant que lui-même, s'écoute et s'observe sans cesse, aime son reflet dans les vitrines, se trouve plutôt parfait et se complaît dans la plainte. Qu'il s'agisse d'amour ou d'amitié, son absence totale de spontanéité et son souhait que tout se déroule conformément à ses désirs rendent impossible l'instauration d'un quelconque lien.
On passe ainsi d'une forme d'empathie dans les premières pages - misère, tant de solitude - à un rejet pur du personnage, odieux à bien des endroits. Qu'elles furent les intentions de l'auteur avec la création de ce personnage si ce n'est donner à voir, dans sa crudité, une humanité peu flatteuse, étriquée, autocentrée ; les personnes qu'il rencontre – Billard ou M. Lacaze, par exemple – sont intéressées ou distribuent leur pitié pour se donner bonne conscience dans un surplomb et une morgue absolue. Victor Bâton est seul et il ne peut en être autrement : pour recevoir, il faut un peu donner sans arrière-pensée et de cela il en est bien incapable quoiqu'il en dise.
Dans un style concis mais précis, on suit les aventures relationnelles calamiteuses de l'homme avec un certain malaise. Je suis du coup bien en peine de dire si j'ai aimé ce court roman malgré ses grandes qualités littéraires. Ce qui est certain, c'est que j'ai abandonné Victor Bâton à sa solitude avec beaucoup d'aise 😊.

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En 1924 est paru le premier roman d'un auteur qu'on a oublié depuis : Emmanuel Bove. Mes amis est un livre assez étrange. Son style est simple (phrases courtes, vocabulaire courant...), mais ce qui s'y passe vaut le coup d'être lu.
En une phrase, on pourrait résumer le livre ainsi : c'est un homme qui est très seul et a comme idée fixe d'avoir des amis.

La solitude est le thème central de ce livre. La particularité est que le narrateur est très peu attachant : il se regarde beaucoup, calcule ses faits et gestes ; ses rapports avec autrui manquent de spontanéité. Victor Bâton est centré sur lui-même. Son désir de rompre la solitude est quasiment vain pour de nombreuses raisons : il s'entiche très (trop) vite ; son imagination s'emballe. Quand il croise une femme, il se voit déjà vivre en ménage avec elle.

Le roman est construit en chapitres qui portent le nom des amis potentiels. A la lecture, on se dit que, si cet homme est si seul, cela s'explique. Jamais naturel, il se dédouble en présence d'autrui : "celui-ci m'aime", "celui-là va m'aimer", "je suis comme ci", "je dois lui paraître cela". Il est pris aussi de pulsions qui lui portent préjudice : par exemple, à la gare de Lyon, il rencontre M. Lacaze, un industriel qui lui donnera rendez-vous le lendemain chez lui. Cet homme aime aider les pauvres et, quand Victor Bâton a refusé la pièce qu'il lui tendait pour le payer de son aide (il lui avait porté sa valise, à sa demande), M. Lacaze a été intrigué par un tel individu. Au rendez-vous du lendemain, il lui donne cent francs pour qu'il s'achète un complet et se présente à son usine pour obtenir un travail. Il faut dire que Bâton a du mal à trouver un emploi car il est blessé de guerre et reçoit une petite pension. Quant à faire de M. Lacaze un ami, il a quand même compris que ce ne serait pas possible. L'idée lui vient un soir, subitement, d'aller attendre la fille de l'industriel à la sortie du Conservatoire. La jeune fille de bonne famille l'ignore mais répète tout à son père. Dans la tête de Victor Bâton, il s'est dit qu'il pourrait lui plaire. le narrateur se voit toujours mieux qu'il n'est en réalité car à nous, lecteurs, il paraît sale et égocentrique.

Victor Bâton se met intérieurement en scène. C'est vraiment étrange d'avoir cet accès direct à sa conscience. L'écriture parvient à nous faire ressentir ce qui se passe dans cet esprit ordinaire et dérangé, car il s'agit bien d'une folie ordinaire, qui n'a rien de dangereuse pour autrui, mais qui enferme le héros dans une solitude de plus en plus profonde.
C'est vraiment ce qui m'a plu dans le livre, cette précision psychologique, cette perception des vices humains, vus de l'intérieur.
Lien : http://edencash.forumactif.o..
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Mes amis est le premier roman d'Emmanuel Bove. le roman connut un beau succés au moment de sa parution en 1924 avant de tomber dans l'oubli avec son auteur, mort praméturément en 1945. Il raconte la quête de Victor Bâton. Bénéficiant d'une maigre pension de guerre, il ne travaille plus et erre dans la ville de Montrouge portant un regard sans complaisance sur lui-même et sur le monde qui l'entoure. Pourtant, il clame son envie de se faire des amis : "La solitude me pèse. J'aimerais à avoir un ami, un véritable ami, ou bien une maîtresse à qui je confierais mes peines. Quand on erre, toute une journée, sans parler, on se sent las, le soir dans sa chambre." p. 50

Malheureusement, il va gâcher tous les balbutiements de relations qui pourront s'ébaucher entre lui et les autres, comme si finalement, il préférait sa solitude aux autres, préférant se plaindre, être plaint et se croire victime de l'injustice des autres, plutôt que d'assumer une véritable relation, qu'elle soit amicale, amoureuse ou professionnelle. Victor Bâton est un personnage qui se fait d'abord une idée des choses et voit selon son idée, selon le sentiment que lui inspire cette idée. Il souffre d'un trop plein d'imagination.

"Un homme comme moi, qui ne travaille pas, qui ne veut pas travailler, sera toujours détesté.

J'étais, dans cette maison d'ouvrier, le fou, qu'au fond, tous auraient voulu être. J'étais celui qui se privait de viande, de cinéma, de laine, pour être libre. J'étais celui qui, sans le vouloir, rappelait chaque jour aux gens leur condition misérable." p. 168

Avec ce roman où il ne se passe rien, Emmanuel Bove bouleversa la littérature française : son écriture, alliant subtilement densité du style et simplicité formelle, se double d'une ironie mordante qui a traversé les années. Il a renouvelé la pratique du roman psychologique de l'époque en cernant la vérité de tous les jours, S'il revient au devant de la scène actuellement, selon François Ouellet, c'est à cause de :

"Le narcissisme individualiste de notre société, profondément viciée par la perte des certitudes et une valorisation des rapports égalitaires au profit d'une posture victimaire s'exerçant au détriment de la responsabilité citoyenne. (...) Anti-héros postmoderne, qui rachète sa défaite, son impuissance à vivre, par sa grandeur d'âme et la beauté de sa solitude, Bâton luit comme une étoile au firmament des névrosés fin de millénaire."
Ce que j'ai moins aimé : j'ai toujours quelques difficultés avec les anti-héros en littérature ...

Lien : http://www.lecturissime.com/..
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Voilà un auteur que je ne connaissais pas et, pourtant, celui-ci a été découvert par Colette, a eu droit à une critique dithyrambique de la part de Sacha Guitry, la critique de l'époque l'a comparé à Proust et Dostoïevski, etc.

Quelle chance que, durant le temps de vacances, ce livre me soit tombé dans les mains au détour d'une libraire à Lons-le-Saunier car, comme l'écrit Jean-Luc Bitton dans la préface, "J'envie le lecteur novice qui n'a pas encore ouvert un livre d'Emmanuel Bove".

Ce livre est, donc, le récit de Victor Bâton, étriqué dans sa petite vie, inactif éternel qui ne quitte sa chambre de bonne que pour se promener et manger, chaque jour, néanmoins au "restaurant". Chaque partie de ce livre est consacrée à un personnage, personne dont Bâton espère gagner l'amitié avec plus ou moins... ou pas de succès.

Le style est magistral: entre densité et simplicité, Bove nous transcrit avec une sublime réalité ce triste quotidien de ce personnage au grand idéal amical au coeur d'un Paris des années '20. A noter que l'emploi de l'imparfait du subjonctif n'affecte absolument pas le récit, loin de le rendre désuet... il le sublime!

Les deux derniers paragraphes du livre sont juste indescriptibles - et, pour vous laisser le plaisir d'en profiter au maximum, je me retiens de vous les livrer ici.

Une réelle découverte et un bon moment de lecture!

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