Canada, Ontario. 1919. Niska, une vieille indienne vivant seule dans les bois retrouve son neveu Xavier, rescapé de la guerre qui a ravagé l'Europe. Celui-ci, y a perdu sa jambe et son meilleur ami Elijah, et se trouve sous l'emprise de la morphine qui peut l'aider à surmonter les fantômes qui le torturent.
Il leur faut trois jours pour redescendre la rivière jusqu'à chez eux, trois jours durant lesquels les voix de Niska et Xavier vont mêler leurs souvenirs, chacun témoignant de leurs choix et de leur volonté de vivre.
Mon avis
De la première guerre mondiale, je n'avais qu'une vague idée de soldats tristement photographiés dans des tranchées plus noires que blanches, survivant dans une boue de 4 ans. Puis, j'ai lu le "Voyage au bout de la nuit".
Avec
le chemin des âmes, nous sommes ces soldats, d'abord confiants, parfois enthousiastes, puis fatigués de cette guerre qui ressemble à un voyage fantôme où l'on croise des monstruosités : regards béants, membres arrachés et gueules cassées.
Pourtant, ce n'est pas le sang qui gicle à chaque page, c'est le feu du chasseur devant son pire ennemi : la peur, la mort, l'adversité, où qu'elle soit, quelque soit sa forme.
Elijah et Xavier, deux indiens Cree s'engagent dans l'armée canadienne pour aller en découdre en Europe. Ce sont des chasseurs. Ils iront au bout d'eux-même, de leurs forces, de leurs convictions, pour sauver leur âme.
Une histoire poignante, qui parle de la survie, la douleur, la drogue, la mort (donner la mort, supporter la mort), la patience, la solidarité.
"Le blessé gémit toujours ; il bredouille. je crois qu'il s'est mis à parler une langue secrète ; je crois que déjà, il s'entretient avec l'esprit qui l'emmènera sur
le chemin des âmes, celui qu'on met trois jours à parcourir.(p 132)"
Où l'on découvre la force de caractère des personnages : Niska, la rebelle qui refuse de vivre comme les blancs, les wemistikoshiw, et qui préfère être affamée au fond des bois que maltraitée dans un orphelinat sordide. Niska, la sauvage qui devient malgré elle la sorcière, la devineresse, crainte des hommes, mais qui peut prédire où se trouvent les animaux qui sauveront les tribus affamées.
"Je conduis Neveu à la rive. J'ai laissé le canoë à une bonne marche d'ici, au pied des rochers. je lui dis qu'il vaut mieux qu'il m'attende; que je vais chercher l'embarcation. Il ne répond pas ; il s'assoit lourdement sur les rochers. Je m'éloigne le plus vite possible. Je n'aime pas le laisser seul. Je suis bête de m'inquiéter : ces dernières années, il a affronté plus de périls qu'on ne pourrait en connaître durant cent vies. Mais je m'inquiète quand même. (p 18)"
Puis, Xavier, le jeune indien qui suit son ami de toujours, Elijah, qu'il verra sombrer dans la guerre et dans la morphine.
"Je fais semblant de dormir quand il fouille dans son sac pour y prendre une seringue : il lui en faut un peu pour calmer ses nerfs, faire taire les douleurs qui ne le quittent plus, désormais. (p 356)"
Xavier et Elijah, deux amis inséparables, finissent par s'écarter l'un de l'autre : Elijah est obsédé par l'envie de tuer le plus d'ennemis possibles, tandis que Xavier cherche à en finir et désire plus que tout rentrer au pays.
Une histoire inspirée de celle de Francis Pegahmagabow, soldat dans la première guerre mondiale, tireur d'élite, éclaireur, l'un des plus grand héros canadiens.
Avec ce superbe récit, l'auteur tisse une puissante histoire, pleine de douleurs, d'exaltations qui nous plongent dans la nature sauvage et rude de la nation Cree et celle, factice mais terriblement réelle de la sauvagerie des hommes.