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Critique de JIEMDE


JIEMDE
18 septembre 2021
Explorer les fêlures et la mélancolie des êtres ; sonder les âmes de ceux qui sont temporairement en marge des chemins de vie habituels ; placer ses personnages sur l'étroite ligne de crête qui permet de basculer dans le rebond ou dans la chute… William Boyle n'est jamais aussi bon que lorsqu'il laisse libre cours à son humanité littéraire.

Comme hier dans Gravesend ou Tout est brisé, il renoue avec ces thèmes dans La Cité des marges, traduit par Simon Baril, confirmant - à qui en douterait - son extraordinaire talent de conteur lorsqu'il s'agit de raconter la vie des gens simples.

Simple, Donnie ne l'est pourtant pas. Ex-flic et bras armé d'un caïd local du Brooklyn rital, il bascule un matin dans le meurtre en poussant un peu trop loin le zèle de la correction initialement demandée. Une légère bavure vite maquillée en suicide, sans grande conséquence. Jusqu'à ce que deux ans plus tard, la conjonction des hasards fasse ressortir l'affaire, et appelle à la vengeance.

La conjonction des hasards, ce sont des femmes et des hommes inconnus les uns des autres jusque-là, qui vont finir par se croiser. Loin de la théorie des six degrés de séparation, une rencontre devient un lien vers le passé, qui en génère une autre et ainsi de suite. Jusqu'au drame.

Et c'est là que Boyle donne son meilleur, dans l'approche de ces « marginaux » dont la vie peut, ou va basculer, notamment des femmes et des mères : Donna, l'ex-femme de Donnie, qui ne se remet pas de la mort de son fils mais qui retrouve l'espoir d'un avenir avec Mickey ; Ava, mère méritante qui va croiser la route de Donnie, peut-être pour le meilleur ; Antonina, en pleine bascule entre vieille ado ou jeune adulte ; Et même Nick, bouffon obsessionnel et auteur putatif persuadé d'être à deux pas du moment de gloire qui lui est nécessairement promis.

Toute cette galerie de personnages forme un microcosme attachant, placés chacun à des moments charnières de leur vie, où s'ouvre – même faiblement – la lueur d'un autre possible. C'est dans ce moment qu'ils sont faibles, hésitants ou fanfarons. Et c'est dans ce moment qu'ils sont beaux, magnifiés et attachants. Et c'est là que Boyle est grand.

D'autant plus qu'il renoue ici avec les codes appréciés de ses premiers romans : un quartier qu'il affectionne et qu'il décrit avec l'amour aveugle de l'enfant nostalgique ; des bagnoles dont les noms – Brougham, de Ville, Cutlass Ciera – font rêver le petit frenchie amateur de chromes US ; des références (Hunter S Thompson, Mean Streets, Carrie, Frantic, Nick Cave, This Mortal Coil, Gang of Four, Patti Smith…) de son panthéon littéraire, cinématographique et surtout musical, lâchées au détour d'une phrase.

Lire Boyle, c'est avoir l'impression d'être invité à passer un moment avec lui, dans sa famille, sans jamais avoir le sentiment de déranger. Alors assieds-toi, sors un vinyle de Garland Jeffreys et mets New York Skyline en fond. Tu peux maintenant savourer La Cité des marges.
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