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« - Réfléchissez, dit Giuseppe. Vous êtes des flics, non ? Vous êtes censés protéger les gens comme moi.
C'est mal nous connaître, rétorque Donnie. »

Juillet 1991, au sud de Brooklyn. La quarantaine bien tassée, Donnie Parascandolo est un flic brutal, alcoolique et corrompu, qui vit seul depuis le suicide de son fils Gabe, alors élève en seconde. Accompagné de ses deux acolytes, Pags et Sottile, il joue les gros bras pour Big Time Tommy Ficalora, le chef de la mafia locale.

Cet après-midi-là, alors qu'il est en train de boire avec ses deux compères, il aperçoit Mickey Baldini, dix-neuf ans, ex-étudiant au look de « crust punk », avec ses écarteurs d'oreille et un trait tatoué sur le menton. Mickey est en train de fricoter sur le terrain de basket attenant avec la fille de la voisine de Donnie, Antonina Divino, quinze ans à peine et belle comme un ange. Donnie intervient, voit rouge et balance un coup de batte de baseball sur la tempe de Mickey.

Quelques bières plus tard, il décide d'accomplir une mission que leur a confiée Big Time Tommy. Il s'agit de rendre une visite « virile » à Giuseppe Baldini, père de Mickey et joueur impénitent lourdement endetté auprès de la mafia locale. Las. Donnie outrepasse les ordres et jette Giuseppe d'un pont. L'homme ne savait pas nager.

Bienvenue dans l'atmosphère toute particulière du sud de Brooklyn, le quartier où a grandi William Boyle. Dans cette « Little Italy » se côtoient depuis toujours des mafieux bas du front, des flics pourris, des veuves mélancoliques, des mammas italiennes aussi dévouées que possessives, des adolescents à la dérive.

« La cité des marges » multiplie les narrateurs dont les destinées sont inéluctablement appelées à s'entrechoquer. Les courts chapitres qui composent ce roman choral donnent ainsi successivement la parole à Donnie Parascandolo, Mickey Baldini, Antonina Divino, Ava Bifulco, une veuve bigote, Nick Bifulco, son fils velléitaire, Rosemarie Baldini, qui élève seule son fils Mickey depuis la mort de Giuseppe, et Donna Rotante, l'ex-femme de Donnie.

Ce découpage narratif confère au récit une forme de nervosité très cinématographique qui évoque « Short Cuts » de Robert Altman. Les narrateurs qui se succèdent constituent autant de focales sur une intrigue en forme de peinture virtuose du sud de Brooklyn.

William Boyle fait mouche en parvenant à créer une empathie quasi-instantanée pour ses personnages aussi cabossés qu'attachants. Il construit avec maestria un édifice narratif complexe, où s'entremêlent les destinées de ses protagonistes. Un exercice de funambule, un puzzle dont les pièces s'assemblent pour nous dessiner une fresque enlevée et foisonnante.

Et pourtant. Les ficelles qui tirent les marionnettes du théâtre new-yorkais imaginé par l'auteur sont un peu trop visibles. S'il excelle dans la construction de dialogues mordants, le style épuré de l'auteur n'offre que trop rarement ces phrases qui arrêtent le temps, ces moments de grâce propres à la littérature, ces instants où le roman délaisse son intrigue pour nous emmener dans un ailleurs inattendu, un lieu que l'on nomme poésie.

Lorsque l'on referme « La cité des marges », on a l'impression étrange d'avoir vu une saison entière des Sopranos. C'est sans doute la véritable réussite de William Boyle. Plonger son lecteur dans l'univers truculent et tragique de Donnie Parascandolo, le macho à l'état chimiquement pur, qui est paradoxalement le personnage le plus incarné du roman. Nous peindre un tableau virevoltant et teinté de la douce mélancolie qui traverse « This Is All I Ask ? », qu'interprète Sinatra dans « September Years ».

« Beautiful girls, walk slower when you walk by me.
Lingering sunsets, stay a little longer with the lonely sea
Children everywhere, when you shoot at bad men, shoot at me. »

« Vous les jolies filles, ralentissez le pas quand vous passez près de moi
Vous les couchers de soleil, tenez encore un peu compagnie à la mer.
Vous les enfants, quand vous tirez sur les méchants, tirez sur moi. »

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Explorer les fêlures et la mélancolie des êtres ; sonder les âmes de ceux qui sont temporairement en marge des chemins de vie habituels ; placer ses personnages sur l'étroite ligne de crête qui permet de basculer dans le rebond ou dans la chute… William Boyle n'est jamais aussi bon que lorsqu'il laisse libre cours à son humanité littéraire.

Comme hier dans Gravesend ou Tout est brisé, il renoue avec ces thèmes dans La Cité des marges, traduit par Simon Baril, confirmant - à qui en douterait - son extraordinaire talent de conteur lorsqu'il s'agit de raconter la vie des gens simples.

Simple, Donnie ne l'est pourtant pas. Ex-flic et bras armé d'un caïd local du Brooklyn rital, il bascule un matin dans le meurtre en poussant un peu trop loin le zèle de la correction initialement demandée. Une légère bavure vite maquillée en suicide, sans grande conséquence. Jusqu'à ce que deux ans plus tard, la conjonction des hasards fasse ressortir l'affaire, et appelle à la vengeance.

La conjonction des hasards, ce sont des femmes et des hommes inconnus les uns des autres jusque-là, qui vont finir par se croiser. Loin de la théorie des six degrés de séparation, une rencontre devient un lien vers le passé, qui en génère une autre et ainsi de suite. Jusqu'au drame.

Et c'est là que Boyle donne son meilleur, dans l'approche de ces « marginaux » dont la vie peut, ou va basculer, notamment des femmes et des mères : Donna, l'ex-femme de Donnie, qui ne se remet pas de la mort de son fils mais qui retrouve l'espoir d'un avenir avec Mickey ; Ava, mère méritante qui va croiser la route de Donnie, peut-être pour le meilleur ; Antonina, en pleine bascule entre vieille ado ou jeune adulte ; Et même Nick, bouffon obsessionnel et auteur putatif persuadé d'être à deux pas du moment de gloire qui lui est nécessairement promis.

Toute cette galerie de personnages forme un microcosme attachant, placés chacun à des moments charnières de leur vie, où s'ouvre – même faiblement – la lueur d'un autre possible. C'est dans ce moment qu'ils sont faibles, hésitants ou fanfarons. Et c'est dans ce moment qu'ils sont beaux, magnifiés et attachants. Et c'est là que Boyle est grand.

D'autant plus qu'il renoue ici avec les codes appréciés de ses premiers romans : un quartier qu'il affectionne et qu'il décrit avec l'amour aveugle de l'enfant nostalgique ; des bagnoles dont les noms – Brougham, de Ville, Cutlass Ciera – font rêver le petit frenchie amateur de chromes US ; des références (Hunter S Thompson, Mean Streets, Carrie, Frantic, Nick Cave, This Mortal Coil, Gang of Four, Patti Smith…) de son panthéon littéraire, cinématographique et surtout musical, lâchées au détour d'une phrase.

Lire Boyle, c'est avoir l'impression d'être invité à passer un moment avec lui, dans sa famille, sans jamais avoir le sentiment de déranger. Alors assieds-toi, sors un vinyle de Garland Jeffreys et mets New York Skyline en fond. Tu peux maintenant savourer La Cité des marges.
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On dit de William Boyle qu'il est le Balzac américain tant la galerie de ses personnages offre une étude des moeurs et sentiments dont sont capables les hommes.

Resserrées à Brooklyn, et plus particulièrement dans le quartier Gravesend (où l'auteur est né, a vécu de longues années et travaillé en tant que disquaire), les intrigues de Boyle relèvent, il est vrai, davantage de la Comédie humaine que de simples histoires de polars. L'auteur tresse un écheveau de destins, de vies d'hommes et de femmes que son imagination de romancier fait s'entrechoquer, se croiser, se lier.

Comme dans son précédent roman, L'amitié est un cadeau à se faire, William Boyle débute son récit par un acte violent commis par un protagoniste qui aura des conséquences sur tous les autres ; Comme Rena et son coup de cendrier sur la tempe de son voisin dans le roman précité, ici, c'est le coup de batte de base-ball asséné par Donnie, le flic corrompu, sur le jeune Mickey, suivi par l'élimination expéditive et cruelle d'un débiteur qui va précipiter le carambolage humain deux ans plus tard.

Trois hommes, Donnie, Nick et Mickey, et quatre femmes Ava, Rosemarie, Donna et Antonina : sept personnages forts, que le destin, la brutalité de la vie au sein de ce quartier pauvre et gangrené par la mafia et la délinquance vont se faire télescoper. Si certains se connaissent, sont mère et fils, ex-conjoints, amants, ou tout simplement voisins, d'autres n'étaient pas faits pour se rencontrer hormis des hasards malheureux et des alliances mal choisies.

William Boyle les connaît ces personnages pour les avoir fréquentés, côtoyés. S'il décrit leurs violences, leur détresse, leurs vices, il empreint toujours leur psychologie de beaucoup de douceur et d'empathie.

Le talent de l'auteur nous fait éprouver l'immense chagrin de Donnie d'avoir perdu son petit garçon, la solitude de Donna et sa touchante renaissance dans les bras d'un jeune homme qui pourrait être son fils, les provocations d' Antonina, adolescente sans repères, le quotidien solitaire d'Ava, les rêves chimériques de Nick pour devenir quelqu'un et sortir de son quartier.

Aucun manichéisme dans ce roman bouleversant, formidablement construit et parsemé de références à la musique et au cinéma. A lire avec en bande-son l'album Nebraska de Bruce Springsteen et les mélodies de Neil Young.

En somme, plus je découvre cet auteur, plus j'aime le lire. Éteindre la lune sera le suivant, j'ai hâte !





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William Boyle fait flirter ses personnages avec les frontières, avec les marges du titre – limites de l'amour, du désir, de la justice, de la vendetta. Il crée une galerie de protagonistes qui fait osciller son nouveau roman entre mafia, flics corrompus et effluves suaves des foyers tenus par les mamas italiennes. Suspense et humour satirique se relaient pour faire de la cité des marges un thriller savoureux (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2021/09/12/la-cite-des-marges-william-boyle/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Tous les ingrédients sont réunis dans cette comédie noire pour produire un roman passionnant.
Des personnages haut, très haut en couleurs, des dialogues acérés, un contexte géographique près de Brooklyn, des flics pourris, des âmes perdus et beaucoup de fantômes.
L'auteur nous présente plusieurs acteurs de l'intrigue qui vivent à proximité, qui se connaissent de loin et dont les histoires vont se percuter et même drôlement se percuter.
C'est bien écrit, c'est sombre, c'est triste mais je suis restée de marbre car tout cela manquait d'un petit quelque chose pour déclencher un plaisir de lecture.
Comme quoi de bons ingrédients ne suffisent pas à faire un grand plat.
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Petite virée dans un Brooklyn à la fin des nineties quartier, on est si proches de Little Italy qu'on en sent clairement le parfum.

Casting composé de flics plus que pourris, de personnages au bout du roll's, de mamma comme n'en fait que l'Italie, de mafia aussi omnipotente que flippante et de personnages à la marge du rêve américain, y'a de quoi faire.

Composé d'abord comme un roman noir à la facture classique, William Boyle prend un temps précieux et un plaisir certain à implanter des personnages cabossés par la vie dans un décor pittoresque à en être palpable. Fin psychologue et observateur perspicace de ses contemporains il dresse des portraits convaincants humains, et de destinées tantôt branlantes tantôt obstinées et inamovibles.

Il a une patte et le coup de main qui va avec pour nous mitonner une sauce qui si elle sent bon l'Italie et rappelle le Gang des rêves de Lucia di Fulvio, avec un peu plus de lucidité car ici le rêve américain n'existe plus : il y a comme un petit relent empyreumatique, ce petit arrière-goût de noirceur qui bien qu'annoncé d'entrée s'atténue peu à peu pour revenir après un solide tiers du livre. Transformée la fresque colorée en roman noir à tendance dramatique.

Si j'ai admiré l'adresse avec laquelle l'auteur tisse l'écheveau des destinées de ses personnages via l'utilisation d'une langue simple et directe, et l'inclusion trop importante à mon goût de références cinématographiques et musicales, le name dropping ici est un peu fatiguant, et rappelle la manière d'Easton Ellis sans son intensité. L'auteur au final déploie un schéma narratif classique au service d'une intrigue un peu convenue même si elle réserve de belles surprises on sent qu'il manque un petit quelque chose pour exhausser la saveur de la lecture. La réflexion sur les thèmes abordés est uniquement laissée au lecteur et le roman semble un peu trop classique, ne sortant pas du lot par une plume racée, foisonnante ou lyrique je ressors de cette lecture avec de la curiosité sur le reste de l'oeuvre de l'auteur mais une petite réserve sur sa capacité à m'émerveiller.
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Pour son premier roman, William Boyle endossa le numéro 1000 de la collection Rivages avec Gravesend, qui emprunte son nom à un quartier de Brooklyn où l'auteur a passé toute son enfance. Il s'agissait là d'une des dernières découvertes de François Guérif pour Rivages, ceci avant qu'il n'intègre la maison d'éditions Gallmeister que William Boyle rejoindra plus tard. Roman noir par excellence, Gravesend soulignait déjà le talent d'un auteur accompli qui parvenait à restituer l'atmosphère d'un secteur méconnu de Brooklyn au rythme d'une tragédie qui prenait forme peu à peu autour des personnages qui peuplaient le quartier. Sur la couverture de Gravesend figure la photo de la devanture décatie du Wrong Number, un bar d'habitués qui devient l'un des points centraux de la Cité Des Marges, dernier roman de William Boyle qui nous offre une nouvelle immersion au sein du lieu où il a grandi en se remémorant la période des années 90.

Un soir de juillet 1991 à Brooklyn, Donnie Parascandolo donne une leçon au jeune Mickey Baldini qui draguait une fille du quartier. Dans la foulée, ce flic brutal et corrompu décide de s'en prendre à Giuseppe, le père de Mickey qui doit plus de 25'000 dollars à Big Time Tommy, un caïd du quartier. Outrepassant les règles de l'intimidation et se moquant bien de récupérer l'argent de cette dette de jeu, Donnie emmène Giuseppe au Marine Parkway Bridge pour le balancer froidement dans les eaux du détroit de Rockaway. le meurtre prend l'apparence d'un suicide, affaire classée, ceci d'autant plus que nul n'oserait inquiéter un flic de l'envergure de Donnie. Mais bien des années plus tard, Mickey apprend ce qu'il est réellement advenu de son père et prend une décision qui va bouleverser sa vie ainsi que celle de son entourage dans un enchevêtrement de conséquences qui vont également bousculer l'existence de nombreux habitants de ce quartier italien où tout le monde se connaît pour le meilleur comme pour le pire.

On boit des verres au Wrong Number, on mange des hot dogs chez Nathan, on se fait une toile à l'Alpine Cinéma et on se balade sur la promenade du bord de mer de Coney Island, c'est ainsi que William Boyle décline son Brooklyn des années 90 qu'il saisit avec une aisance peu commune pour nous immerger dans ce décor urbain d'une communauté italienne où se côtoient flics véreux, truands malfaisants autour desquels gravite toute une cohorte de petites gens plus ou moins paumés. Pour ce disquaire, amateur de rock indépendant, les nombreuses références qui jalonnent La Cité Des Marges sont avant tout musicales avec un hommage appuyé à Bruce Springsteen et son emblématique album Nebraska. Mais William Boyle fait également de nombreuses allusions au cinéma, dont celui de Scorcese et à quelques romans classiques comme ceux de Herbert George Wells et de Mary Shelley. Une somme de détails et de lieux emblématiques nous permettant de nous fondre au sein de cet environnement dans lequel évolue toute une galerie d'hommes et de femmes issus de la communauté italo-américaine qui se croisent régulièrement tout en cherchant un sens à leur existence qui prend parfois la forme d'une longue pénitence. Roman choral par excellence, où les chapitres prennent les noms des différents protagonistes qui jalonnent le récit, La Cité Des Marges fait référence à cette cohorte d'individus qui sont à la limite de la rupture et que William Boyle dépeint avec force de tendresse et d'humanité pour nous entraîner dans les méandres de rencontres qui vont virer à la tragédie au gré d'une construction narrative habile recelant tout un lot de situations surprenantes qui ne manqueront pas de déstabiliser le lecteur. Comme enchaînés au quartier tous aspirent à tourner la page, quitter les lieux, à se débarrasser du fardeau qu'ils traînent derrière eux, à l'instar de Donnie Parascandolo le flic véreux et de son ex-femme Donna Rotante que tout sépare depuis la mort de leur jeune garçon, de Mickey Baldini et de sa mère Rosemarie qui doit rembourser les dettes de jeu de son mari défunt et d'Ava Bifulco et son fils Nick, professeur minable qui s'essaie en vain à l'écriture. Il en résulte une intrigue où la morale s'efface derrière la détresse ou le désarroi de personnages doté d'une propension à tout dissimuler derrière un masque d'apparence qui se désagrège peu à peu pour révéler la part d'ombre que chacun porte en lui. Et c'est cette part d'ombre que William Boyle parvient à mettre en perspective au gré des interactions entre les différents protagonistes qui va brouiller leurs relations respectives dans une mise en abîme qui se révélera bouleversante, et forcément tragique.

Avec des dialogues qui sonnent toujours juste, La Cité Des Marges permet à William Boyle de mettre en scène, au coeur de Brooklyn, toute la complexité d'histoires d'amour rédemptrices sur fond de vengeances dramatiques au travers du quotidien d'hommes et de femmes tentant vainement de donner du sens à leur existence. Un roman noir lumineux.

William Boyle : La Cité Des Marges (City Of Margins). Editions Gallmeister 2021. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Simon Baril.

I'm On Fire de Bruce Springsteen. Album : Born In The USA. 1984 Bruce Spingsteen.
Lien : https://monromannoiretbiense..
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La cité des marges est un polar très noir qui rentre bien dans la catégorie du dirty realism, courant littéraire paru Outre Atlantique dans les années 1980-90, un genre qui s'intéresse à la vie peu reluisante de petites gens, avec leur parler, qui peut être cru, dans une écriture dépourvue de toute joliesse. C'est curieux, mais j'ai constaté que plusieurs écrivains contemporains nord américains refusent cette étiquette qui pourtant colle bien à leur style.

En tout cas, en ce qui concerne ce roman, je trouve que l'étiquette lui va comme un gant. Voici un roman très fort situé dans le Brooklyn natal de l'auteur, dans les années 90 du siècle dernier, qui nous décrit Little Italy et ses gens sous forme de roman choral avec 7 personnages hauts en couleur, magnifiquement travaillés.

Au centre du récit et personnage autour duquel tourne l'intrigue : Donnie Parascandolo, ex-flic exclu du Corps après l'agression d'un supérieur, devenu gros bras d'un minable parrain du quartier; Donnie est alcoolique et passablement agressif et suite au décès de son fils unique, sa femme Donna l'a quitté. Malgré la noirceur et la violence de ce personnage, on ressent de l'empathie pour lui parce que c'est un paria et qu'il est en train de se suicider à petit feu, il est au bout de lui même.

Les autres personnages autour de Donnie sont : son ex femme, Donna, qui vit à quelques mètres, non remise de la perte de son fils; Rosemarie et Mikey Baldini, mère veuve et fils un peu déboussolé; Ava et Nick Bifulco, mère veuve, directrice d'EPHAD et fils nul, professeur de lycée, qui pense faire fortune en écrivant un livre sur Donnie, le flic ripou; Antonina Divino la Lolita du quartier qui a l'air de savoir ce qu'elle veut; Ralph Sottile, un autre ex flic ripou, un personnage émouvant qui va s'attacher à Antonina en souvenir de la fille qu'il a rêvé d'avoir un jour.

Tous ces personnages habitent le quartier, certains se connaissent, d'autres vont se croiser de façon fortuite ou provoquée. Tant d'interactions entre tous ces personnages, feront que l'atmosphère va s'envenimer et à partir de là le roman se transforme en tragédie grecque avec plein de mammas italiennes pleurant toutes les larmes de leurs corps.

La fin de ce roman noir est ouverte, c'est une satire assez féroce et très sociale, décrivant un milieu particulier. Et au coeur du livre, se trouvent la perte de l'innocence et la douleur qui suit la disparition d'êtres chers. Une lecture qui secoue.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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Une histoire construite comme une tragédie classique, hormis le prologue et l'épilogue, l'action se déroule sur 2 jours dans un quartier italien de New-York. Les flics sont véreux et travaillent pour un mafieux local. Les femmes plus âgées sont endeuillées et préparent des pâtes à la sauce à la viande ou écoutent des disques. Les jeunes hommes sans père sont perdus.
Le lecteur est omnicient par rapport aux personnages, ce qui ajoute au plaisir de la lecture de ce livre extrêmement bien construit et rythmé.
L'envie de raconter doit s'effacer devant le risque de divulgacher les multiples rebondissements, les couples qui se créent, les règlements de compte qui tournent mal.
L'amour, la vengeance, le désir de rédemption lient tous les nombreux personnages. Aucun n'est sacrifié par l'auteur mais nous aurons tous nos préférés.
J'aime beaucoup le duo composé de Ralph Sottile, un flic mélancolique et d' Antonina Divino, une belle lycéenne qui n'a peur de personne. Les scènes violentes alternent avec d'autres plus tristes comme celle bouleversante où Donnie Parascandolo parle à son fils derrière une porte.
L'auteur s'offre même une mise en abyme sur le métier d'écrivain via le personnage de loser de Nick Bifulco qui a l'idée du livre que nous sommes en train de lire ! En effet il pense avoir trouvé un excellent personnage en la personne de Donnie et un bon décor en utilisant le quartier italien où tous se côtoient et se croisent. L'épilogue laisse quelques personnages en suspens, au lecteur d'imaginer ce que les protagonistes survivants vont devenir.
Un beau roman noir.
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Après avoir oublié ce roman dans ma PAL de septembre pour le Challenge Gallmeister, j'ai oublié d'en faire une critique… décidément !
Pourtant ça a été pour moi une super découverte de William Boyle. J'aime beaucoup cet univers italo - new-yorkais entre mafia et flics ripoux. Moi qui ne suis pas une grande connaisseuse de romans noirs j'ai complètement accrochée à cette lecture.
Comme son nom l'indique, l'histoire se déroule dans une ville « à la marge » (Brooklyn, dans le quartier de Gravesend si connu de Boyle puisqu'il y a grandi, Coney Island…) avec des personnages à la marge également, chacun dans leur genre … une galerie de portraits qui semblent vivre au tournant de leurs vies, là, juste devant nos yeux.
L'ex-flic bourru un peu trop porté sur la bouteille qui est finalement moins insensible qu'on pourrait le penser, le prof paumé qui a tout mais reste dans les jupes de maman, cette veuve qui a du mal à reprendre pied …

L'histoire commence par un règlement de compte qui dégénère… un « petit » débordement qui aurait pu passer inaperçu dans cet univers mafieux et corrompu. Mais c'était sans compter sur les rencontres du destin, qui, de fil en aiguille, vont changer le cours des événements…

J'ai beaucoup aimé l'écriture de William Boyle qui nous entraîne dans cet univers que l'on s'imagine fort bien. Jusqu'au bout, on se demande comment tout cela va se terminer … je vous laisse lire du coup !
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