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sur 3869 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Les petits hommes verts ? Non ! Une belle peau bronzée et des yeux comme des pièces d'or.
Des villes aux maisons de cristal, et puis des villes mortes, des canaux, des mers vides...
Pour un peu, je passerais bien mes vacances sur Mars imaginé par Ray Bradbury. Quoique.
Mars avant l'arrivée des hommes, c'était un paradis. Mars à partir des hommes, ce n'est pas loin d'être un enfer. Quoique.

C'est ce balancement continuel entre l'enfer et le paradis qui m'a bercée. Cette valse d'hésitation entre l'homme qui respecte et l'autre, l'insensé qui veut reproduire sur la planète inviolée ce qu'il a connu sur Terre. Et aussi cette oscillation entre le Martien fort et inhospitalier et le Martien fragile et disponible.
Tout se joue en quelques années, finalement. Entre l'arrivée des premiers colons, ou colonisateurs, comme vous voudrez, et la solitude, il n'y a qu'un pas, vite franchi par l'inconscience, des Martiens ou des Terriens.

J'ai été éblouie par l'univers de Ray Bradbury. Par son écriture poétique, qui tend des fils de dentelle entre les civilisations. Par les thèmes abordés, qui vont de la folie à la solitude, en passant par la famille, le racisme, le deuil, le respect...
Je quitte avec une grande nostalgie cet univers où l'homme est capable du meilleur comme du pire, où l'Autre, le Martien, nous renvoie à nos plus profondes interrogations.

J'ai adoré.
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Je retiens cette idée terrible d'une nouvelle colonisation. A l'image de toutes celles où les colonisateurs ont tout détruit sur leur passage, envahissant et pillant tout ce qui leur tombait sous la main. Faire de cette nouvelle colonie un monde à leur image. Bradbury a tout compris de l'Homme. Je suis sûr que si on envahissait une nouvelle planète, habitée par des gens accueillants comme ceux des Caraïbes au XVe siècle, le même carnage se répéterait.
Sur la forme, c'est parfait, efficace. Et même une certaine poésie se dégage de la description de ce monde de cristal qui tombe sous les coups des envahisseurs humains.
A méditer, pour essayer de changer quelque chose.
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Dans ce classique de la science-fiction qui laisse déjà transparaître le génie d'un jeune auteur, Bradbury met toute son inspiration à profit de la littérature en entreprenant de retracer la colonisation de Mars dans un style décalé, à travers des nouvelles fantastiques qui forment les Chroniques Martiennes. Dans ce tourbillon de créativité, d'émotions et de critiques à l'encontre de la stupidité humaine, on retrouve notamment les prémisses de l'histoire qui inspirera le chef-d'oeuvre Farenheit 451, écrit trois ans plus tard.

La force du livre vient d'abord de son excentricité dans le style d'écriture qui le différencie des récits habituels de science-fiction. Bradbury le dit lui-même en début d'ouvrage: il ne considère pas les Chroniques Martiennes comme appartenant au genre de la science-fiction mais comme un livre regroupant des « fables » et des « mythes ». Cela illustre bien mieux le ton décalé et parfois absurde de ses nouvelles. Elles n'ont rien d'ordinaire et cela offre au lecteur de nouveaux horizons de lecture, lui faisant presque découvrir un tout nouveau style de nouvelles.

Le style unique de Bradbury illustre la diversité des formes que peut prendre la science-fiction et témoigne de la richesse de ses sous-genres. Dans le cas de Chroniques Martiennes, la fiction prend une place prépondérante dans le récit laissant de côté la science. Bradbury use d’une écriture très poétique, très subtile, très peu descriptive, avec plus d’implicites et des dialogues rigoureusement dosés, évoquant plus la dimension fantastique d’une fable que d’une véritable nouvelle de science-fiction. Il ne s'attarde pas sur des enjeux politiques, économiques, scientifiques ou sociaux, et préfère l’émotion que l’on peut tirer du récit au prix de quelques incohérences narratives dues à des imprécisions ou plus à la volonté de ne pas s’attarder sur des détails superflus.

Bradbury décrit la colonisation future de Mars à travers plusieurs histoires indépendantes mais qui se rejoignent, mettant en scène un florilège de personnages, et s'étalant sur plusieurs années voir décennies. Il offre au lecteur la vision d'un décor tout à fait exceptionnel et lui fait découvrir le visage de Mars et de ses habitants d'un angle tout à fait peu ordinaire. Malgré le peu de crédibilité scientifique du récit, et quelques passages peu compréhensibles, Bradbury fait jouer tout son talent et se montre parfois poète. On se plait à lire les descriptions qu'ils nous fait de la vie paisible qui règne sur Mars, mais cela jusqu'au jour où l'homme intervient.

C'est là que transparaît la dimension critique de l'oeuvre, une dénonciation sous-jacente à l'histoire principale, qui se fait à l'encontre de l'homme, qui partout où il passe ne sème que son ignorance, laissant derrière lui les traces de ses pires vices. Seuls quelques individus tentent de s'opposer à la décadence mais ils sont pris pour des fous par les autres. Les Martiens sont anéantis, dépouillés de leur planète, que les Terriens s'approprient mais qui n'est pas la leur. Même la Terre finit par sombrer dans la guerre, une guerre nucléaire annihilatrice, car, tendit qu'il s'enlise dans les abysses d'une société entièrement formatée, sans livre, sans fantaisie, sans imagination, l'homme semble n'être porteur que de destruction partout où il passe.

Mars qui était vue comme une terre d'espoir, une nouvelle Amérique, où les hommes pouvait fuir la décadence de la Terre, se révèle n'être qu'un mince échappatoire, car rien n'échappe aux griffes de la décadence. En effet la créativité des individus est menacée partout où elle est, même lorsqu'elle pense être en sécurité. Les hommes croyaient assurer la pérennité de l'humanité en colonisant Mars, mais la stupidité leur a fait tout perdre: La Terre et Mars. Il s'en est fallut de peu pour que la civilisation humaine s'éteigne, mais une fois encore elle est sauvée par un mince groupe de personnes sensées qui se font les gardiens de l'humanité, et qui à eux seuls font avancer le progrès.
Mais les hommes sont incorrigibles car c'est ce même progrès qui se veut être le garant de l'humanité, qui aux mains de l'homme, irresponsable, le fait courir à sa propre perte.

Les nouvelles restent néanmoins très divertissantes, caractérisées par leur ton humoristique, décalé et parfois absurde, donnant du rythme à la narration. le livre est très agréable à lire grâce à un style remarquable et Bradbury réussit à ne pas rendre le récit trop sérieux, malgré tout les messages qu'il souhaite faire passer. On y retrouve un certain coté émotionnel même, le récit étant parfois dominé par les sentiments. Et Bradbury réussit à nous attacher à ses personnages et surtout à ses Martiens, si fascinants et si tendres, qui par-dessus tout autres raisons, nous font aimer Chroniques Martiennes.
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Ceux qui ne lisent jamais de science-fiction manquent quelque chose…

En fait, il ne s'agit pas vraiment de science, car sur cette planète Mars on peut débarquer sans scaphandre, avec juste un taux d'oxygène un peu faible. Avec aussi de belles fusées en cigare et même des fusées personnelles qu'on peut conserver dans son garage, mais qui permettront le moment voulu d'aller passer des vacances sur mars.

Ce n'est pas un roman, mais une série de chroniques, qui racontent des moments de la colonisation de Mars, où tout ne se passe pas comme prévu. Ave des Martiens qui ne réagissent pas comme on l'aurait cru et qui prennent des formes auxquelles on ne s'attend pas non plus.

Les chroniques sont aussi prétexte à de jolies réflexions sur l'humain, sur la société étasunienne, sur la consommation, mais aussi sur l'art, la littérature ou l'écologie. Des thèmes qui demeurent toujours d'actualité, même si le livre a d'abord été publié dans les années 50.

Un livre fascinant, à déguster à petite gorgées, pour prendre le temps d'en apprécier toutes les saveurs…
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Après ma lecture du célèbre Fahrenheit 451 que j'avais bien aimé sans que ce soit pour autant un coup de coeur, j'étais curieuse de connaître les autres écrits de Ray Bradbury.
L'organisation par Stellade d'une lecture commune m'a donc donné l'occasion de découvrir les Chroniques martiennes.

Je dois bien avouer que les premières pages ne m'avaient pas vraiment emballée, je me disais que si c'était comme ça pendant tout le roman, j'allais certainement abandonner.
Et puis, il s'est passé quelque chose : Bradbury m'a surprise alors que je ne m'y attendais pas du tout. Il m'a même fait rire. J'ai finalement poursuivi ma lecture avec un intérêt et un enthousiasme croissants au point qu'une fois la dernière page tournée j'étais totalement emballée. Les Chroniques martiennes sont un coup de coeur et je les préfère de très loin à Fahrenheit 451.

Les Chroniques martiennes sont ce que l'on appelle un fix-up c'est-à-dire un ensemble de nouvelles qui peuvent être indépendantes mais qui ensemble forment un tout cohérent et racontent une histoire.

L'histoire ici racontée est celle de la colonisation de Mars par les terriens. Bradbury nous narre, non sans humour, les déboires des premières expéditions terriennes sur la planète rouge ainsi que l'accueil pas toujours chaleureux que leur réservent les martiens.
S'en suivent des nouvelles traitant de l'installation des premiers colons qui, pourtant n'oublient pas leur bonne vieille planète d'origine en proie à des guerres incessantes et dévastatrices poussant de plus en plus de personnes à vouloir partir.

A travers toutes ces nouvelles, Bradbury traite de nombreux thèmes qui participent tous à une critique de l'humanité et de sa force de destruction.
L'arrivée massive des colons terriens amenant avec eux le virus de la varicelle décime la population martienne, on y voit là une analogie avec l'arrivée des colons espagnols en Amérique et ce qui est advenu des populations amérindiennes.
On ressent aussi fortement le traumatisme des guerres du XXème siècle. En effet, dans les Chroniques martiennes, la Terre est en guerre perpétuelle, une guerre qui aboutit à son entière destruction comme l'illustre une des nouvelles dans une grande métaphore. Bradbury fait le récit de la destruction de la dernière maison encore debout sur Terre comme s'il s'agissait de la planète elle-même.
L'auteur critique également le racisme et la ségrégation dont sont victimes les populations noires d'Amérique à l'époque d'écriture du recueil.
On retrouve aussi le thème majeur de Fahrenheit 451 dans la nouvelle intitulée Usher II, référence aux nouvelles d'Edgar Allan Poe : la défense de la littérature, de la liberté d'expression et la critique de la censure. Dans cette nouvelle, Bradbury rend hommage à de grands auteurs et donne une bonne « leçon de littérature » au représentant de l' « Hygiène Morale ».

Bien que les aspects scientifiques ne soient pas du tout crédibles (les connaissances sur Mars à l'époque n'étaient pas les nôtres), Bradbury construit un univers entier avec force descriptions dans lequel on finit par s'immerger complètement et avec plaisir.

J'ai adoré ce recueil pour son humour, son univers magique, sa richesse et pour les messages qu'il diffuse.
C'est un chef d'oeuvre de la SF qui restera assurément parmi mes préférés et dont je recommande chaudement la lecture !

Lien : http://booksandfruits.over-b..
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Pour relire ce texte de Bradbury que j'ai beaucoup aimé il y a tellement longtemps, il fallait un moment de pause un peu spécial. le temps comme arrêté, pour un voyage dans l'espace-temps et l'univers de cet auteur. Il nous parle essentiellement des Terriens, de leurs relations à l'autre, de nostalgie, de clairs de Terre et de littérature, même si on circule en fusée et que ça se déroule dans un futur pas si lointain que ça, pour nous humains du 21ème siècle. Notre planète va disparaître détruite par la guerre, et les Terriens sont des exilés inquiétants sur Mars, les rencontres avec les habitants sont pleines de malentendus et lourdes de menaces. En cela, Les chroniques martiennes c'est l'anti "guerre des Mondes". Ma "nouvelle" préférée c'est Usher II, dans laquelle un certain Stendhal achète la fameuse maison Usher, un bel hommage à Edgar Poe à la puissance de la création dans laquelle Bradbury s'inscrit comme héritier . Une infinie tristesse et un grand pessimisme émanent de ce texte magnifique qui n'a pas vieilli, même si depuis sa publication, on sait qu'on a de bonnes chances de disparaître en raison des menaces qui pèsent sur notre environnement, en plus de nos conflits incessants . Une belle redécouverte, un grand classique, un texte d'une grande poésie, de la science fiction sobre sans sabre laser, ni effets spéciaux, très humaine en somme.
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Ne lisez pas cette critique, elle est inutile pour apprécier ou non Chroniques martiennes..C est pour moi le Livre qui m a ouvert à la littérature, à la lecture..un dimanche après midi dans une chambre d un appartement haut perché aux environs de Paris. Une p.... de révélation, un peu comme celles de Philip k Dick, que j ai découvert par la suite..et Céline, Camus, et....un petit billet nombriliste donc...peut être aussi pour dire que Ray Bradbury avait trouvé la clé de mon cerveau réfractaire...Merci à lui. Merci, oui.
Voilà voilà...(désolé)
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Je ne sais pas si il y a de l'or sur Mars, ce qui est sûr cependant, c'est que le recueil Chroniques Martiennes de Bradbury contient quelques pépites...

Toujours difficile de se confronter à un vieux classique, peur de trouver sa réputation usurpée, peur d'y trouver une odeur entêtante de naphtaline. Mon auteur phare - Robert Charles Wilson - disait de Bradbury que c'était un écrivain pour enfant, sans aucune condescendance ni méchanceté. Alors moi qui ait gardé mon âme d'enfant, j'avais envie de voir cela de plus près.

Sur l'odeur de naphtaline, les différentes nouvelles préférant s'attarder sur l'imaginaire, nous n'y trouvons pas d'éléments datés techniquement. L'histoire contée reste intemporelle, et le style rappelle une époque, sans que cela soit rédhibitoire.
Même si nous sommes très loin de la véracité scientifique, nul doute que nous sommes dans la littérature qui questionne, qui interroge, qui fait réfléchir a l'histoire passée et à notre présent pour mieux appréhender le futur. La colonisation de Mars de Bradbury fait penser immédiatement à la colonisation des Amériques, mettant en bas des millénaires de civilisation pour mieux ancrer la sienne. Mais ce serait dommage de ne s'arrêter qu'à cela.

Des textes poétiques, d'autres plus mars à mars, comme celui où des visiteurs terriens foulent le sol martien et ne rencontrent que des habitants qui s'en foutent, la mégère pense à ses biscuits au four et à la propreté de son sol, le voisin les corrige sur leur voyage de 100 millions de km qui n'en fait au final que 80 à cette période de l'année. Alors qu'ils pensaient à une arrivée grandiloquente, avec tambours et trompettes, voilà qu'ils arrivent en parfait quidams. Quel accueil !

"- On pourrait peut-être s'en aller et revenir plus tard, proposa un des hommes d'une voix morne. On devrait peut-être décoller et réatterrir. Leur donner le temps d'organiser une réception.
- C'est peut-être une bonne idée », murmura le capitaine au comble de l'accablement."

Certains textes auraient leur place dans la série La Quatrième Dimension, de par l'étrangeté qui s'en dégage, le parfum années 50-60 et la chute qui prend souvent à rebours tout en laissant une part d'irrésolue. Les chutes m'ont souvent beaucoup plus, me prenant souvent à rebours.

La nouvelle Usher II, hommage à Poe et qui peut se lire comme une suite de Fahrenheit 451 est toujours d'une grande actualité. Magnifique de colère rentrée face à l'humanité et son besoin de politiquement correct.

N'étant pas très fan des nouvelles, et pour les raisons que j'évoquais au dessus, Chroniques martiennes m'a démontré que j'avais tort. C'est un recueil intemporel, parfois mordant, souvent lucide sur notre humanité et humanisme. Les textes d'inspirations plus poétiques m'ont passé au-dessus de la tête, mais la majorité vaut clairement qu'on s'y attarde.
Faites le lire à vos enfants, et n'oubliez pas de leur voler pour le lire à votre tour.
Lien : https://lechiencritique.blog..
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Il est de ces lectures dont on se souvient pendant des années.

Les Chroniques Martiennes se composent de courts récits se déroulant sur une vingtaine d'années et décrivant la colonisation de Mars par les terriens. Avec Ray Bradbury la technologie est au second plan. Vous n'aurez pas de batailles intergalactiques, de pistolasers ou de monstres visqueux. le coeur du récit, ce sont les hommes.

Au travers de ces histoires, l'auteur nous offre un miroir de notre société, de notre perpétuelle ambiguité à vouloir à la fois préserver et détruire ce qui nous entoure. L'appropriation de terres inconnues, la destruction de la nature, la méfiance de l'étranger, la ségrégation raciale, la religion, les autodafés... Les Chroniques martiennes font tour à tour rire, sourire, rêver, réfléchir. Chaque histoire porte son ambiance, délivre son message, et on se surprend à penser « Bien vu ce scénario, comment l'auteur a-t-il pu l'imaginer et le mettre aussi bien en scène ? ».

La SF vous laisse de marbre ? Essayez les Chroniques Martiennes.
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Classique parmi les classiques, Chroniques Martiennes de l'écrivain américain Ray Bradbury fête dignement les vingt ans d'existence de la prestigieuse collection Lunes D'encre chez Denoël dans un écrin rose du plus bel effet.
Régulièrement cité parmi les livres incontournables de la science-fiction, Chroniques Martiennes s'apparente au fix-up de nouvelles puisqu'il rassemble en réalité vingt-huit nouvelles dont certaines ne font à peine qu'une seule page et font office d'introduction/interlude entre les histoires principales.
Autre surprise de taille pour le lecteur : Chroniques Martiennes n'est pas réellement de la science-fiction, un fait confirmé par Ray Bradbury lui-même qui préfère désigner son oeuvre comme de « la mythologie à l'état pur » dans sa propre préface. Peu importe le genre cependant puisque la découverte de ces contes et légendes venus de la planète rouge ne laissera aucun lecteur indifférent.

Écho(s) de la Terre
Après une introduction passionnante de Tristan Garcia, Chroniques Martiennes s'ouvre sur la vie ordinaire…des Martiens !
Prenant à contre-pied les attentes du lecteur, Ray Brabury invente sa propre vie martienne, suppose qu'il existe déjà des vies, une culture, des mégalopoles et des traditions martiennes. L'homme arrive en retard et contemple une civilisation radicalement différente…ou presque.
Dans sa première nouvelle, Ylla, le couple martien présenté ressemble de façon troublante au couple américain moyen de l'Après-Guerre (et c'est plutôt logique quand on sait que les nouvelles contenues dans la présent ouvrage ont toutes été écrites entre 1945 et 1950). Avec des principes assez similaires à la morale américaine de l'époque, les Martiens deviennent une image décalée des américains, une autre évolution inattendue de l'american way of life qui aurait réussi.
Les Martiens de Ray Bradbury ont « la peau cuivrée, les yeux pareils à des pièces d'or, la voix délicatement musicales » et pourtant, Mr et Mrs K., les premiers Martiens qui nous sont présentés, ressemblent à s'y méprendre dans leur comportement à un couple américain ordinaire.
De façon tragi-comique, Ray Bradbury amène l'homme (enfin surtout l'américain) sur la planète Rouge dans des fusées tout droit sorties de l'âge d'or avant de leur faire subir plusieurs mésaventures fatales qui retardent d'autant le contact avec le saint-Graal représenté par Mars. Successivement avec Ylla, Les hommes de la Terre et La Troisième Expédition, Ray Bradbury s'amuse par un ton léger à contrarier les plans des explorateurs et à repousser la terrible échéance où l'humanité sera en capacité d'occuper Mars.

Souviens-toi des Amériques
Rapidement, on comprend que ces expéditions correspondent à des échos de la découverte des Amériques par les Européens et que les Martiens sont condamnés à jouer le rôle des Amérindiens. Cette impression se confirme avec la nouvelle suivante, …Et la lune qui luit, où Ray Bradbury change radicalement de ton pour livrer sa perception schizophrénique sur l'homme blanc en Amérique. Pris entre la fierté de son peuple et les horreurs qu'il a commise, l'auteur américain analyse avec cynisme et froideur le sort réservé à Mars et constate l'hécatombe provoquée par les colons.
Mars, objet de tous les fantasmes depuis toujours, devient un nouveau cycle de destruction et d'erreurs, reproduisant la marche sanglante et virale qui laisse les Martiens agonisant. Avec ces diverses expéditions, on comprend que Ray Bradbury n'a en effet pas de véritables intentions science-fictives puisque pas grand-chose là-dedans ne relève de la science mais plutôt du merveilleux et du fantastique. Entre les collines bleues et cette atmosphère légèrement moins riche en oxygène, Mars par Bradbury tient plutôt du conte et du rêve, quelque part entre poésie cristalline et prose mélancolique.

Le début d'un autre monde
Après cette première parenthèse tragique et sublime, la colonisation commence bel et bien et le lecteur assiste à des vagues de plus en plus hautes qui ébranle le sol Martien avec une seule obsession : faire table rase du passé pour construire une Amérique 2.0. Entre les fantômes des Martiens et après cette dernière Rencontre Nocturne, l'Américain s'approprie la planète rouge et exporte ses us et coutumes à commencer par la religion (dans Les ballons de feu), les histoires d'amour (dans Les Grands espaces, grand texte mélancolique sur ses racines que l'on redécouvre) et les hommes en quête de liberté (dans Tout-là haut dans le ciel, superbe récit de la libération des noirs américains opprimés en quête d'une nouvelle existence).
Dans tout ça, Ray Bradbury se fait amer : les hommes n'ont pas changé avec le voyage, la censure sévit toujours et les idées sont de plus en plus rares.
Dans Usher II, brillant texte comico-horrifique multi-référencé, l'américain constate l'impact de la bien-pensance américaine sur la littérature et s'attaque déjà aux brûleurs de livres (il y reviendra plus longuement dans son célèbre Fahrenheit 451). Mars la belle devient Mars la brisée et la quête pour un ailleurs ressemble à une répétition de la triste histoire américaine.

Une fin nucléaire
Puis, dans une dernière partie, Chroniques Martiennes s'inquiètent (déjà) de la menace nucléaire et rappelle la folie autodestructrice de l'homme pour un épilogue inattendu et mélancolique en diable où Ray Bradbury convoque des visions poétiques à base de Martiens survivants sur des sablenefs et de robots abandonnés pour conclure que, l'un dans l'autre, Mars est plus belle sans l'homme…à moins que celui-ci ne se décide véritablement à recommencer et s'essaye à élever ses enfants dans une autre optique que son consumérisme effréné et mortifère.
Si les derniers voyageurs terriens arrivent sains et sauf sur Mars tandis que la Terre continue de brûler, c'est pour prendre conscience que plus rien ne doit être comme avant et que Mars ne doit jamais devenir une autre Planète Bleue.
C'est avec une grande surprise que l'on comprend, une fois le livre refermé, que Ray Bradbury n'invente pas ici une exploration scientifique de Mars mais bien une suite de contes pour graver la légende Martienne dans les esprits. Image en décalé de la société américaine de l'époque et critique à peine voilée d'un mode de vie humain qui finit par détruire et oublier, Chroniques Martiennes chante une poésie discrète derrière les ruines des villes abandonnées, qu'elles soient Martiennes ou Terriennes.
Et l'on comprend que la prochaine expédition, toujours, n'attendra que le lecteur pour prendre les airs.

Aussi culte que merveilleux, Chroniques Martiennes oublie la science pour la poésie et la légende. Ray Bradbury jongle entre comique et tragique, grotesque et mélancolique, invitant à s'interroger sur nos failles et nos rêves avant le voyage, le vrai, celui qui ira saluer les Martiens survivants qui attendent qu'un jour, l'homme surmonte ses peurs et ses failles.
Lien : https://justaword.fr/chroniq..
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