Brassens a 32 ans quand il écrit
la Tour des miracles. Sa notoriété n'en est qu'à ses débuts, mais il a déjà réussi à s'extraire de l'anonymat grâce à Patachou qui lui a donné sa chance dans son cabaret. Son nom commence à être connu. Il publie donc en 1953 cette Tour des miracles que, malgré l'immense admiration que je porte à
Brassens depuis ma jeunesse, je n'avais jamais lue.
Plus qu'un roman proprement dit, c'est un texte manifestement influencé par le mouvement surréaliste mais où
Brassens ajoute sa touche personnelle. Il y a du
Rabelais, du
Vian, du Jarry dans ce roman finalement inclassable où l'univers de
Brassens, celui de l'impasse Florimont où il vivait avec Jeanne (celle de la superbe chanson éponyme) et Marcel, se décline tout azimut. Il y a les copains (Corne d'Auroch par exemple), la vie en groupe, l'anarchie, un délire potache, du Grand-Guignol, de la scatologie en barre, le refus du conventionnel, la paillardise, la joie de choquer le bourgeois, etc.
Le style est bon.
Brassens écrit bien, c'est indéniable. Il maîtrise parfaitement la langue française et le texte coule avec fluidité et s'anime avec des saillies parfois étonnantes. Pourtant, ce n'est pas
le Brassens que j'aime. Ses
chansons sont plus rigoureuses, plus encadrées par la versification, plus poétiques et plus sensibles. Il touche juste dans les
chansons, moins ici où des développements lassent un peu. On est presque toujours dans le registre du marché de Brive-la-Gaillarde ou du Gorille (que j'aime beaucoup par ailleurs), mais très rarement dans celui où sa poésie se fait plus profonde et plus délicate.
Je suis content de l'avoir lu quand même… (parce que
Brassens, c'est quand même un type étonnant et tellement attachant).