Simone Veil et ses soeurs était dans ma PAL depuis quelques semaines. Si je connaissais
Simone Veil, je ne connaissais rien de ses soeurs et je n'avais pas lu le livre de
Dominique Missika. C'est l'histoire de la famille Jacob, racontée à partir des des souvenirs de Simone et de Denise, de leur perception de la guerre et de leur vécu dans les camps.
J'ai donc découvert la vie de la famille Jacob à partir de 1939 et son parcours sur plus de 70 ans. Les enfants Jacob ont eu une enfance insouciante étant dans une famille aisée et aimante. Leur vie pouvait ressembler à un long fleuve tranquille. La famille pouvait profiter d'une bonne situation du père de Simone et déjà partir en vacances. les enfants Jacob pouvaient s'adonner au scoutisme, aux jeux et aux séjours à la mer.
Mais l'entrée en guerre en 1939 va bouleverser leurs vies et leurs destins, elle va les marquer à jamais et renforcer leurs personnalités. Peu à peu la situation de la famille Jacob va se dégrader, leur père, architecte de formation, ne trouvant plus de contrat du fait d'être juif. Et pourtant, il a fait confiance au maréchal Pétain, vainqueur de la Marne. Il devra se rendre à l'évidence, constater les méfaits de la collaboration sous le régime de Vichy et comprendre trop tard le péril pour les juifs de France.
Très vite, Denise va rejoindre la clandestinité et la Résistance. Simone et les autres membres de la famille restent à Nice pensant que la vie sera plus tenable. Simone sera arrêtée avec sa mère et sa soeur Madeleine en 1944 en même temps que leur frère Jean. Après être passées par le camp de Drancy et séparées de leur frère, elles seront déportées au camp de Auschwitz-Birkenau en Pologne.
En parallèle, Denise sera arrêtée alors qu'elle passe des armes. Elle sera emprisonnée, torturée et déportée au camp de Ravensbrück en Allemagne.
Simone et Denise vont raconter, se raconter ce qu'elles ont vécu chacune de leur côté. le témoignage des deux soeurs est poignant, plein de vérité et de sincérité. Simone décrit simplement comment elle, sa soeur et sa mère ont vécu dans le camp d'extermination, le combat qui fut le leur pour survivre dans la dignité et se soutenir mutuellement. Simone nous permet de pénétrer dans son quotidien. Si celui-ci est fait d'horreur, Simone décrit les choses avec humanité. On sent sa grandeur d'âme et sa compassion pour les siens et les autres. Elle nous fait comprendre la difficulté de vivre avec le doute sur le lendemain et le fait de ne pas savoir ce que sont devenus son père, son frère et sa soeur Denise.
Denise va vivre un enfer différent car elle n'est pas pas dans un camp d'extermination. Elle sait que sa mère et ses soeurs ont été arrêtées.
À leur retour de déportation, les deux soeurs auront un traitement différent, Denise étant considérée comme une grande résistante, la part belle étant faite aux résistants par rapport aux déportés juifs. Ceci va fortement marquer Simone qui fera en sorte que l'on n'oublie pas celles et ceux qui sont morts dans les camps, les déportés raciaux ("l'oubli est pire que la mort"). Elle incarnera la mémoire de la Shoah. Bien malgré elle, Denise fait de l'ombre à ses soeurs, car au sortir de la seconde guerre mondiale, on apporte plus d'importance aux résistants qu'à ceux qui ont réchappé des camps de la mort et qui étaient emprisonnés du fait de leur religion, du fait d'être juifs.
Les deux soeurs survivantes, Simone et Denise, se racontent mais font aussi revivre leurs parents, leur frère Jean et leur soeur Madeleine. Mais elles font aussi revivre tous les autres pour que l'on oublie pas. Ce sont deux exemples, deux modèles.
J'ai particulièrement apprécié le découpage du scénario et l'alternance entre les scènes au coin du feu où les deux soeurs évoquent le passé, reconstruisent le passé et les flash back où le graphisme simple, épuré traduite l'atmosphère des camps. Malgré leur déchéance, les personnages restent dignes, surtout à travers les expressions des visages. Les couleurs évoquent parfois les tons des photos d'autrefois. Certaines scènes sont particulièrement poignantes comme les marches dans la neige. J'ai aimé le parallèle entre ces marches de la mort et les marches du souvenir des deux soeurs évoquant le passé. La neige comme un malheur supplémentaire puis la neige comme un bonheur pour les enfants.
J'ai lu ce roman adapté en BD avec beaucoup d'émotions et j'ai découvert des éléments de la vie de
Simone Veil que je ne connaissais pas. Je connaissais son action comme ministre de la santé puis comme présidente du Parlement Européen et son parcours de déportée. Je ne m'étais pas penché sur son engagement pour la Shoah et je ne savais rien de Denise.
Cette BD met en scène deux grandes dames mais aussi tous ceux qui sont passés par les camps ou par la résistance. Excellent support pour aborder le thème de la Shoah.
On ne sort pas indemne d'une telle lecture et on comprend mieux l'entrée au Panthéon du couple Veil, unis dans la vie et unis pour l'éternité.