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sur 62 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"La dislocation", Louise Browaeys, RL2020, Harper Collins.

Elle ne sait plus qui elle est, n'a plus de prénom, de famille, de passé, d'histoire. Tout s'est effacé à la suite d'un choc posttraumatique entrainant une dislocation de ses fonctions psychiques. Une étrange maladie psychiatrique qui ne touche que les femmes engagées avec virulences dans des causes écologiques.

C'est K qui le lui apprend. Il est le seul à savoir. Créateur de BD, père isolé, ami d'enfance de notre amnésique, il a pour ordre de la part des médecins de l'amener à recouvrer la mémoire seule, au fil des jours, de ne pas trop en dire, afin de ne pas provoquer un nouveau choc irréversible. Il ne la lâchera pas, mais elle va très vite se sentir étouffée.

Pendant 300 pages, nous sommes dans la peau de cette femme, acide, impertinente, libre de toutes contraintes passées, qui reconstruit son histoire si elle daigne revenir, dort à la belle étoile quand ça lui chante, crève quelques pneus de voitures et scie parfois des poteaux électriques.
Elle écrit, beaucoup, fait des rencontres insolites, va voir la mer à Saint-Brieuc, y reste.

Elle redécouvre son corps, le plaisir sexuel, seule ou avec d'autres, et commence à comprendre que son enfance et son adolescence ne se sont pas déroulées dans ce monde. Mais alors où ?

Génial! Vraiment génial! J'ai dévoré ce livre, cette plume, cette femme meurtrie, ses réflexions féministes et écologiques, les personnages secondaires, l'imagination de l'autrice… Je me suis laissé perdre dans ses errances, identifiée, attachée.
Chose rare, j'ai englouti ce roman actuel, à la frontière de l'anticipation, en 3 jours tout en ayant des journées de travail de 12 heures.

Un premier roman par une femme d'exception, sur une femme profondément blessée dans sa chair et dans sa Terre, pour nous les femmes.
Et les hommes? Oui, quelques élus sensibles au sujet peuvent le lire.
Lien : https://carpentersracontent...
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C'est l'histoire d'une jeune femme qui est « vide, oui vide comme un pot, aussi creuse qu'une huître de troisième catégorie échouée sur la plage un soir de tempête ». Elle a perdu la mémoire suite à une psychose schizophrénique post partnum, mais même ça elle n'en a plus le souvenir.
Elle en a oublié son prénom, d'où elle vient, bref tout ou presque ! En revanche, elle ne sait plus vraiment pourquoi mais elle crève les pneus de voiture, voue une haine féroce aux médecins et note dans des carnets les mots qu'elle ne connaît pas. Un homme, Camille, l'accompagne, lui apporte son aide pour réapprendre à vivre « normalement ». Il semble bien la connaître mais, sur les conseils des médecins, ne peut rien lui dire de son passé. Elle doit y arriver par elle même.
C'est cette quête de la mémoire à laquelle on assiste. Et cela donne un récit à l'écriture sans filtre, un peu naïve et tellement rafraîchissante (que ce soit pour parler d'une expérience sexuelle, de ketchup ou d'un magasin de bricolage).
Le tout est subtilement (enfin pas tant que ça mais c'est un sujet à part entière de cette quête) ponctué de bonnes actions écologiques pour sauver (ou tenter de) la planète (ampoules à LED ou fluocompactes, récupération plutôt qu'achat neuf ...).
Certains passages sont de la poésie à l'état pur « j'apprendrai que désir est un croissant de lune. Il apparaît, il disparaît » ou plus loin « je collerai à toi les prairies sans fleurs de ma mémoire ».
Bref, un premier roman étonnant, surprenant et percutant.
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Je remercie Babelio pour m'avoir proposé ce livre dans le cadre d'une Masse Critique privilège et Harper Collins France pour me l'avoir adressé. J'en suis d'autant plus ravie que j'avais rencontré les deux premiers auteurs de la Collection Traversée en début d'année 2020 et que j'avais beaucoup aimé le concept de cette collection.

Cette jeune femme dont on ne connaît pas le nom, car elle-même l'a oublié, narre l'exploration du monde en général et de son monde intérieur post-internement psychiatrique, à la recherche de son histoire disparue.
Car la mémoire lui fait défaut et même son appartement lui est étranger : elle se reconstitue petit à petit un vocabulaire, consigne dans un carnet les nouveaux mots qu'elle apprend.
Elle a cette volonté farouche de vouloir retrouver son passé que ses proches se refusent à lui dévoiler. Camille, dit K, un père isolé qui semble être un ami d'enfance, en fait partie. C'est lui qui la conseille, lui apporte des livres qu'elle délaisse ou crayonne le plus souvent. C'est également lui qui insiste pour qu'elle reprenne une vie amoureuse. Lasse de sa vie morne, la jeune femme se laisse convaincre.
Et c'est ainsi que débute le tourbillon des sens au gré des rencontres charnelles, dont Wajdi, vendeur dans ces magasins de bricolage qu'elle affectionne tant.

Puisque la mémoire fait défaut, le corps n'est plus que sensations. La narration se fait autour de cette recherche émotionnelle, dont la finalité est d'identifier une personnalité qu'elle ne reconnaît pas. On explore avec elle le quartier dans lequel elle habite, ses efforts pour sortir de son appartement rassurant.
Puis son voyage vers Saint-Brieuc, ses rencontres et ses réflexions chaotiques issues de son cerveau malade.

C'est, dans les trois premiers quarts du livre, pathétique et joyeux à la fois : triste du fait de cette recherche d'identité mêlée de flash-back, assortie d'épisodes dépressifs, et joyeux par l'humour qui transparaît dans les réflexions et le regard que la narratrice porte sur cet univers qu'elle redécouvre : identité sexuelle, volonté écologique, vacuité de l'existence.

Puis la découverte de ce qui a engendré cette maladie, « la dislocation », entraîne le lecteur dans la certitude que ce qui se joue dans le présent de cette femme résulte probablement de l'éducation toute particulière qu'elle a reçue.

L'écriture est riche, enlevée, le lecteur se laisse porter par cette jeune femme en quête d'elle-même. Il est happé par la description de son état d'esprit et de ce combat entre ce qu'elle pense être : « J'attendais du respect, de la pondération, de la pudeur. J'étais une femme presque mûre, en âge de régner sur une famille nombreuse. » et les émotions qui la submergent : « Et en même temps j'étais déjà vaincue, adolescente, subjuguée par la beauté insultante et l'étrangeté de ce garçon. ».

Aux confins d'une sensibilité exacerbée et d'un esprit malmené, l'auteure ingénieure agronome signe le portrait d'une femme marquée par l'urgence écologique, la sauvegarde de la terre et sa propre impossibilité de faire face à tant de responsabilités. Une femme, une mère, des pensées profondes qui se croisent et interpellent : pourquoi tant d'acharnement à vouloir perpétuer une humanité vouée à disparaître avec son hôte ?

Si j'excepte les passages un peu « crûs» des rencontres sexuelles, la poésie, la richesse du vocabulaire et le regard porté sur le monde vivant par cette spectatrice hors d'elle m'ont énormément plu.

lirelanuitoupas.wordpress.com
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2016 - Paris Montreuil. Notre protagoniste se réveille petit à petit d'une torpeur médicale, shootée aux médicaments, et ne possédant plus aucun souvenir de sa vie passée. Même son prénom, représentant son identité antérieure, est perdu dans les méandres de sa mémoire effacée. Point de départ : tout recommencer. Réapprendre à vivre, à parler, noter les mots, les oublier, recommencer, appréhender la vie, rechuter... Nous suivons la rémission de cette jeune femme, accompagnés de l'ami K, toujours patient, guidant, aidant ; mais aussi mystérieux, cachotier, discret. Autant à elle qu'à nous, il attendra avant de nous expliquer qui elle est. Car l'auteure détient ce pouvoir génial de nous cacher la vérité, de nous donner envie de continuer la lecture pour que nous puissions découvrir au fur et à mesure les morceaux éparpillés de l'anamnèse de notre personnage principal, nous privant de notre place omnisciente nous accompagnant dans la plupart des livres. Et c'est grisant.

Sous les couverts de personnages secondaires bien développés, chacun apportant son édifice à l'histoire, notre jeune femme saute (sans mauvais jeu de mots) de portes en portes, d'expériences en expériences pour réactiver sa mémoire. Elle redécouvre la vie, toile vierge qui attend d'être peinte et touchée à nouveau, remplie d'amour, de haine, d'avis, de pensées. Béatrice, Jean-François, Wajdi, Camille, tant de personnes qui l'aident tant bien que mal dans cette sorte de rite initiatique, de nouvelle adolescence, faisant regermer dans son esprit les graines de l'envie, libérant enfin les feuilles de ses connaissances, participant activement à la thérapie comme à la rechute de sa dislocation. Elle est psychique sa dislocation, médicale en un sens ; mais elle vient aussi de la famille, du discours, du coeur, comme se plait à nous le définir l'auteure en tout début de livre (et c'est nécessaire à la compréhension et à l'interprétation de l'oeuvre de manière générale).

Et c'est avec un doux cynisme, mêlant poésie et rudesse que Louise Browaeys fait parler ses personnages de sujets qui lui tiennent à coeur, dénonçant à travers les nouveaux yeux de sa malade, sortant des codes de la bienpensance et nous hachant avec son lyrisme nu, râpant mais si plaisant. La femme à sa simple place de nourricière, l'état de la société en général, l'avis de K sur l'avenir et la peur qu'il a d'y projeter son enfant ; la vision que l'on se fait du malade, que l'on regarde comme un objet, une plante verte qui n'est bonne qu'à se faire arroser de traitement en projetant notre savoir de médecin, paternalisme insupportable encore prégnant. Et l'on oublie une chose essentielle, c'est qu'il s'agit avant tout d'humain, de personnes pensantes, qui ont des désirs, des peurs, des convictions : car avant d'être malade, on est quelqu'un. Dans cet esprit là, j'ai d'ailleurs beaucoup aimé le personnage de Leonora, une infirmière qui n'a pas froid aux yeux et qui permet très certainement à notre protagoniste de se sentir encore "présente" dans ce monde glacé de l'hospitalisation.

Beaucoup de choses m'ont plu dans ma lecture, comme l'abord de l'écologie, de questions féministes, société ostracisée et théorie du complot ; mais c'est la touche artistique de Louise Browaeys qui rend ce tout si plaisant. Chaque phrase semble pensée, décortiquée, taillée pour le récit, et nous offre une profondeur telle qu'elle s'ancre dans notre esprit, faisant de ce livre un page-turner assurément. le récit est tragique, entrecoupé de quelques touches d'humour cyniques qui ont tout à fait leur place dans la réflexion de notre personnage. Et c'est avec tristesse que j'ai tourné la dernière page, chamboulée par les messages, émue par la tournure, angoissée par sa puissante réalité. Nous sommes un peu tous disloqués à notre propre manière, baladés par les événements de la vie...

C'est avec une grande conviction que je vous invite à lire ce must-have de la rentrée. La plume est brillante et le message bien porté. Quelle réussite que ce tout premier roman !
Lien : http://thereadingsession.fr/..
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Elle sort de l'hôpital. Elle. L'encéphalogramme de ses souvenirs est plat. Complètement plat. Elle ne se souvient même pas de son nom. Amnésie totale. Les psychiatres – elle les hait de tout son être – disent que la situation est peut-être réversible. Mais peut-être pas. En tous cas, tous s'accordent pour dire que le choc traumatique a dû être d'une intensité colossale pour que les dégâts psychiques soient si importants.

Elle. Elle n'a plus rien. Elle est dépossédée de tout. Elle pourrait bien découvrir son nom en le lisant sur sa carte vitale, mais elle veut s'en souvenir seule. C'est son défi personnel. Pour le reste, elle compte sur les quelques personnes qui l'entourent. Il y a K, son ami et ange-gardien ; Wajdi, qui lui fera voir la vie autrement, qui la marquera à jamais. Et puis, il y a Emilie, qu'elle rencontre alors qu'elle a décidé de partir pour la Bretagne. Avec eux, elle va tenter de se reconstruire, de recoller les morceaux et, peut-être, enfin, de retrouver la mémoire.

La dislocation est un roman inclassable, je crois. L'atmosphère est particulière, comme ouatée. A l'image des souvenirs de cette femme anonyme, qui tente de se raccrocher à la vie, comme elle peut. Plein d'espoir et d'humanité, ce roman ne manque pas non plus d'humour. Sa singularité ne vous laissera pas indifférent, j'en suis certaine.

Louis Browayes met en avant des personnages atypiques, à la fois hors du temps et hors du commun. Pourtant, en mêlant habilement féminisme, écologie et tragédie, l'auteure signe ici un premier roman plus que jamais ancré dans l'air du temps.

J'ai beaucoup, beaucoup aimé.
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Coup de coeur pour ce roman de la rentrée littéraire 2020 qui traite à la fois de la quête d'identité, d'écologie, de dépression et de féminisme. Également d'autres thèmes comme la vengeance, la maternité, l'embrigadement, les mots, la mémoire, le corps, les transmissions de génération en génération figurent au coeur du livre.
Louise Browaeys met en scène une héroïne qui ne se souvient pas de son passé après un long séjour en hôpital psychiatrique et évidemment cette amnésie crée une énigme pour le personnage et le lecteur. Mais sa colère, son engagement écologique resteront ce qui lui reste de plus ancré. Ce livre est à la fois étrange, fascinant, curieux et superbement écrit. L'auteur possède une plume poétique, puissante, onirique et bouleversante.
Le retour au réel de l'héroïne sera complexe car elle est victime d'une « dislocation psychique ». Sa mémoire reviendra sporadiquement par bribes puis via le récit que lui en fait Camille.
J'ai lu ce roman très rapidement tant je voulais savoir de quoi il en retournait. Il m'a tenu en haleine tel le suspens d'un polar... Ce roman soulève des questions profondes sur l'avenir de la planète fortement d'actualité. L'auteur a fait le choix de corréler la dislocation psychique de son héroïne à la dislocation de la terre liée aux marées noires, à la fonte des calottes glaciaires, à la disparition d'espèces ...
Bref un roman atypique qui ne passera pas inaperçu en cette rentrée littéraire.
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