Citations sur Fay (21)
- Bon, je pourrais te faire visiter Biloxi en voiture, si tu veux. Tu pourrais demander s’il y a du boulot. Dans le coin, de toute façon, ça sera le salaire minimum. Sauf si tu veux faire du strip.
- Du strip ? dit Fay. Qu’est-ce que c’est ?
Reena leva les yeux au ciel, puis les ferma et secoua la tête. Elle but une nouvelle longue gorgée de bière.
- Merde, tu viens du fin fond de la cambrousse, pas vrai ?
- Oui.
- Il savait pas que je partirais avant le moment où je suis partie, conclut-elle.
- Tu n’as pas de nouvelles de lui ?
- C’est pas possible que j’en aie. Il sait pas où je suis.
- Tu vas essayer de le joindre ?
- Je peux pas, dit-elle. C’était de gros ennuis.
Il eut un rire bref et dit :
- Merde, qu’est-ce que tu as fait, tué quelqu’un ?
Elle ne répondit pas et il se tourna vers elle, la regarda, peut-être sous un jour nouveau.
Et quand elle se mit en appui sur les bras pour voir, elle le vit qui se dirigeait vers eux, une coque de bois verni poussant une petite vague douce devant lui, une belle femme à la barre, la peau sombre, pas noire. Fay s’assit.
- Qui c’est ?
Il se pencha et posa sa bière sur le sable.
- Un problème, dit-il simplement.
Au loin, dans l'eau, des silhouettes noires et lisses apparaissaient et disparaissaient, humides et luisantes, dans la faible houle et elle les identifia parce qu'elle les avait vues à la télévision chez Sam. Des dauphins. Debout, immobile, elle les regarda pendant quelques instants, se demandant s'ils avaient un endroit qu'ils pouvaient appeler leur foyer.
Elle ferma les yeux et sentit un baiser tendre sur sa joue. Puis la porte se ferma, la chambre fut plongée dans le noir et dehors, derrière la fenêtre, dans la nuit, une chouette hulula, mais c’était un son ancien et familier, un son du plus profond des forêts, quelque chose qu’elle avait déjà entendu.
- C’est quelque chose d’horrible. Pas vrai ?
Sam baissa la tête et regarda ses pieds pendant quelques instants. Puis, il regarda le père dans les yeux. Ce n’était pas si dur. Il n’avait probablement pas vécu une vie parfaite, lui non plus. Mais la souffrance présente dans ce regard était difficile à voir en face. La colère était toujours là, au fond, mais il y avait désormais, en lui, une plaie qui ne guérirait jamais, béante, impossible à dissimuler. Et Sam restait là, immobile, à écouter ses sanglots. Il ne pouvait rien faire. Seulement écouter, la tête baissée.
Dans certains endroits, on lui disait qu’elle était trop petite pour travailler, dans d’autres, on la laissait faire. Son père lui disait qu’ils mangeraient mieux si elle travaillait, donc elle le faisait, mais elle ne mangeait jamais mieux.
Fay reviendrait dans quelques instants ; elle était un peu comme un chien. Il pensait l'avoir cernée. Il suffisait de la caresser de temps en temps pour qu'elle se sente bien.
(...) prendre deux billets, pour Key West, par exemple. Ou pour San Francisco où ils pourraient se promener dans les petites rues en pente pleines de boutiques, marcher parmi une foule de gens hétéroclites. Ils pourraient prendre un taxi, aller au stade, passer un après-midi à regarder un match de base-ball, manger des hot dogs avec de la bière dans des gobelets en carton, et elle verrait du pays. Il avait plein d’argent. Il pourrait en dépenser un peu pour elle.
Elles étaient parfois comme ça. On savait très bien que quelque chose les tracassait, mais elles ne voulaient pas dire ce que c’était. Il fallait le leur arracher. Il fallait montrer qu’on s’intéressait à elles.