Citations sur Laura Antonelli n'existe plus (20)
Vous savez, l’Italie ce n’est pas toutes ces cartes postales idylliques qu’on vend aux touristes du monde entier, ce n’est pas ce que les gens croient, c’est aussi le juge Falcone, Aldo Moro, le général dalla Chiesa… et sous les soleils palermitains l’ombre régnante de la mafia.
D’après lui, ce n’était ni le sexe ni l’argent qui gouvernaient le monde mais la laideur, tous ces gens laids qui font payer aux autres leur rancœur, leur amertume, leur incapacité à s’inscrire dans des rapports harmonieux de séduction, en réaction ils s’acharnent à détruire tout ce qui est beau, envoûtant, attrayant, tout ce qui les renvoie à leur propre disgrâce. « Regardez combien de gens moches, très moches chez les juges, chez les tyrans, les dictateurs, avait-il ajouté, pour moi, ce n’est pas sans rapport. »
Il m’apprit l’existence de deux ou trois cahiers dans lesquels l’actrice aurait consigné ses mémoires. Greenberg souhaitait les récupérer. Il ignorait si c’était pour enrichir le scénario, pour les adapter à l’écran ou s’il s’agissait d’une requête personnelle. Seule certitude, autrefois, Greenberg en pinçait pour l’actrice. « En tout cas, il compte sur vous pour mettre la main dessus. »
C’était un de ces êtres nonchalants au teint hâlé qui donnent l’impression d’être toujours en vacances ou d’en revenir. Il avait débuté dans le milieu du cinéma par de la figuration quand la Rome artistique, chic et tapageuse se retrouvait le soir au Piper, une discothèque en vogue de la Roma bene. Le Piper.
Regardez-les, ils sont là du matin au soir à scruter la mer, ses moindres remous. Ils font tellement partie du paysage que personne ne les remarque et rien ne leur échappe, ça n’empêche pas les noyades…
Les gens n’entrent jamais par hasard dans nos vies, ils viennent combler un vide, une attente. Il y avait une intelligence dans tout ca. Un jour ou l’autre, et peu importe les voies qu’il emprunte, le passé se rappelle à vous, il faut savoir l’accueillir comme l’heureux présage d’un changement.
Je me revois gauche, silencieux, intimidé par sa beauté, craignant de les déranger. Ils sont assis côte à côte, face à moi, elle a retiré ses gants et posé sa main sur le genou de Thierry qui lui parle du pensionnat. « Ne t’inquiète pas, lui murmurait-elle à l’oreille, tout finit par passer. » Ils devaient se revoir, le temps d’un week-end, avec l’acteur français dans une villa des bords de Marne.
Elle avait vu son intimité piétinée, profanée, jetée en pâture à l’opinion. Depuis, elle traversait une sorte d’éclipse et refusait tout contact avec le monde extérieur. Elle demandait, comme Garbo avant elle, qu’on la laisse « être seule ».
Ils seraient allés à l’essentiel au plus près de son opacité, dans le nu de son intimité, là où je butais sur des impasses dans mon entêtement à vouloir saisir ce qu’au-delà de sa réclusion, dans son austère abandon et sa foi retrouvée, elle cherchait à nous dire. Je n’étais pas le mieux armé pour mener ce lent travail de reconstitution. Mais c’est là, dans ces zones grises, que j’avais le plus de chances de la rencontrer.
Avec le temps tout se dilue, se flétrit et s’efface, les êtres et les saisons et le pourquoi des choses comme sous l’effet d’une lente amnésie. J’ai beau fouiller ma mémoire, ordonner autant que se peut mes souvenirs, j’ignore encore ce qui a pu m’entraîner aussi loin dans cette histoire.