Enoch sent une vague de tristesse s'abattre sur lui. Il en frissonne, se concentre pour ne pas se laisser submerger. Il ne veut pas pleurer - s'il pleure, personne ne comprendra. Alors il choisit la haine. Pour ces gens qui demandent à des militaires de tirer à vue sur des embarcations pleines et promènent la dernière panthère nébuleuse de la planète comme s'il s'agissait d'un labrador.
Les exogènes, ce sont les migrants. La façon de les nommer a changé il y a une quinzaine d'années. L'aspect scientifique, froid, a permis de mettre à distance les émotions coupables de ceux qui acceptent que des milliers d'entre eux coulent à pic entre leur continent et le nôtre. Enoch continue de dire migrant ou exilé, même si ça énerve le Commodore.
- Qui a les moyens de bien vivre le réchauffement climatique ? Qui a les moyens de s'en foutre ?
- Les riches, maman. C'est pour ça que j'ai envie de
l'être.
Vous êtes l'avenir. Vous tous. N'oubliez pas que vous avez tous les droits parce que vous avez tous les devoirs.
Il n’en parle presque jamais mais elle sait que s'il ne lui a pas donné la vie, comme à Adelis, il l'a arrachée à la mort. Et ça revient quasiment au même... en mieux
On ne choisit pas sa famille et Enoch n'est pas idiot au point de cracher dans la soupe. Il sait qu'il a de la chance, simplement il aimerait la partager, cette soupe.
Au début, il y a Nolane, son chagrin et son courage, ses poings prêts à cogner. Elle n'a aucune idée derrière la tête pour l'instant, sauf celle de survivre et de venger son frère. C'est déjà beaucoup, et c'est surtout le début de quelque chose.