Citations sur Bestiaire magique (8)
Le chien a sa dignité, d’accord. Mais cette dignité appartient à la sphère des affections et non à celle de l’honneur. Le stupide sentiment de l’honneur, dont on faisait si grand cas jadis, cette adoration insensée de soi-même, est une totale inconnue pour le chien. Le chien s’aime beaucoup moins lui-même que nous ne le faisons, d’où sa supériorité sur l’homme.
"Loup, petit loup..., disent-elles, quel mal t'avons-nous fait ? Oh! pour affligé, désespéré que tu sois, pourquoi viens-tu flairer à ma porte ? Oh loup, panthère, fauve, il n'y a pas de pain ici, pas de poulet, ici il n' y a ni viande ni mets d'aucune sorte. Pourquoi viens-tu flairer, oh! loup ? Essaie donc à la porte voisine..."
On raconte qu'un fameux chien allemend, nommé Rolf si nous ne nous trompons pas, qui s'exprimait donc en langue germanique et désignait les lettres par un battement de pied, ayant à répondre à la question: "Qu'est ce que l'homme?" inscrivit: "Une part de l'âme universelle."
Cette bête là, ça n'a jamais été un poisson, c'est bien pis, lui c'est le poisson des poissons qui refont surface une fois par siècle, mon grand-père et mon arrière-grand-père m'en parlaient quand j'étais enfant, le poisson des poissons, le commandant, le roi de tous les poissons, et le massacrer est un péché, c'est ça qu'ils me disaient, le massacrer est une grande calamité.
Aussi mieux vaut-il qu'il navigue dans les profondeurs, et qu'il consumme là-bas les années inutiles dans sa recherche désespérée de son utopique âme soeur. Sincèrement, cela nous fait beaucoup de peine, d'autant qu'il ne mourra peut-être jamais.
Extrait du "serpent de mer désassorti" p48
Autour de cette archaïque balle déglinguée sur laquelle nous consumons tant bien que mal nos jours (quelque peu écrabouillée aux pôles, s'il faut en croire les livres) voyage, poussée par ces mystérieuses forces dont on nous parle dans les journaux et qui donc doivent être réelles, voyage une petite boîte, un minuscule habitacle, un chenil comme on n'en a jamais vu, avec à l'intérieur un chien.
On voudra bien me pardonner si, à cette terrible nouvelle, mes pensées coururent ingénument tout au contraire vers mes deux chiens, animaux bourgeois et démocrates, authentiques exemples d'une génération effrontée et perdues, aux âmes pourtant candides et affectueuses.
Tragi-comique fut le sort du deuxième, un crapaud herculéen qui, suite à une délicate opération chirurgicale, se retrouva transormé en femelle, de façon expliquée par Jean Rostand dans une étonnante petite brochure ; "la vie des crapauds"...pour en mourir ensuite, de chagrin et de honte, après avoir pour la première fois été fécondé.