L'intégrale de Dieu

Lorsque j'ai lu le titre de cet ouvrage historique et philosophique de Jean-Luc Cadranel, un des nôtres sur Babelio comme "Ulysse24", je dois avouer que j'ai eu un peu peur que l'histoire allait me dépasser largement. Puis, je me suis dit : si notre ami s'ingénie à écrire une oeuvre somme toute fort complexe, il n'y a pas de raison pour un lecteur expérimenté de ne pas au moins entreprendre une tentative de lecture. En plus, son roman est situé partiellement sur l'intéressante île de Rhodes, que j'ai explorée un été consciencieusement et dont je garde un excellent souvenir.

En octobre 1938, Vincente Genovese, 29 ans, rejoint son poste de chef de l'administration fiscale du protectorat italien de Rhodes. le jeune homme commence à avoir de sérieux doutes dans la sagesse du fascisme. Plus encore que Mussolini, dont il reproche sa "mégalomanie délirante", c'est Adolf Hitler qu'il a dans le collimateur et le risque d'une conflagration sans précédent dans l'histoire de l'humanité.

Il cherche la compagnie d'Alberto Behar, exploitant d'une société import-export, Juif et le père de sa main droite au fisc, Lucia, et son associé Mikis Stavros. Comme il est sûr qu'ils estiment eux aussi qu'il importe d'arrêter le "Diable" du Führer, ils leur propose de travailler pour les services secrets britanniques en passant des informations précises relatives au mouvement des bâtiments de guerre teutoniques près de l'île en Méditerranée orientale. Fort de leur accord, il se rend à Izmir en Turquie, où il rencontre un officier anglais, qui lui refile des codes d'identification et des fréquences radio à utiliser. de l'aide matérielle et technique lui est promis.

Et effectivement, en septembre 1941, deux émetteurs radios et une vingtaine de paire de jumelles de marine sont réceptionnés par Vincente et Lucia dans une crique près de l'impressionnante forteresse de Monolithos, construite par les Chevaliers de Rhodes, ou les "Hospitaliers" , à partir de 1476.

Entretemps la Grèce avait été envahie, en avril 1941, par les troupes nazies venues en aide à leur allié italien en grave perte de contrôle. L'armée grecque et les forces étrangères alliées ont été obligées de se replier sur la Crète.

Pendant qu'ils attendaient la livraison du matériel britannique, Lucia et Vincente observent la splendeur et l'immensité du ciel avec ses étoiles et s'aventurent sur une discussion métaphysique de l'univers et de la place de Dieu dans cet univers.

Alberto est également fasciné par le "Théorème de Dieu" et avec Vincente cette question fondamentale est approfondie en passant par la révolution copernicienne, les écrits de Victor Hugo, Albert Einstein et l'inévitable Emmanuel Kant. Ce qui me ramène des décennies en arrière, lorsque jeune étudiant en philosophie thomiste à l'université de Louvain, le professeur nous expliquait la signification profonde de l'oeuvre magistrale de Kant : "Critique de la raison pure" de 1781.
Pour être honnête un livre qu'on espérait surtout ne pas rencontrer à l'oral en fin d'année scolaire.

Je dois dire que j'admire le courage et l'effort de l'auteur d'aborder ces questions essentielles de notre existence dans un livre qui n'est pas un traité de philosophie, mais un récit de la dernière guerre mondiale dans un endroit merveilleux de notre vieille Europe. Et, à mon avis, l'auteur s'est bien acquitté de sa mission.

Je sais que Jean-Luc Cadranel a rejoint notre site de lecteurs fin janvier de cette année, mais malheureusement c'est aussi tout ce que je sais sur lui, à part le fait qu'il utilise une magnifique langue, sait construire un récit et rendre compréhensible des concepts hautement complexes, ce qui est loin d'être évident.

Je termine mon billet par la citation qui figure à la page 3 de l'ouvrage et qui est du grand Antoine de Saint-Exupéry, sortie de sa "Terre des hommes", parce qu'elle illustre parfaitement bien la mission que Jean-Luc Cadranel s'est en quelque sorte fixée : "Tu ne veux point t'inquiéter des grands problèmes, tu as eu bien assez de mal à oublier ta condition d'homme. Tu n'es point l'habitant d'une planète errante, tu ne te poses point de questions sans réponse : tu es un petit bourgeois de Toulouse. "