Missing, Tome 4 : Sanctuaire

La chambre de Mme Wilkins se trouvait à l’étage de la ferme minuscule dans laquelle elle et son fils vivaient. La pièce lui correspondait bien – rose et crème, jolie. Quelques photos de Rob bébé étaient accrochées au mur, et j’ai pris le temps de les admirer après avoir ramassé son tablier sur le lit. Voilà la tête qu’aurait notre enfant, ai-je songé. Pour peu que nous en ayons. Ce qui devrait attendre que j’aie un métier entre les mains. Et que Rob m’ait demandée en mariage, bien sûr. Ou, du moins, que nous soyons vraiment sortis ensemble.

En arrivant à l'hôpital, j'ai constaté que deux entrées s'offraient à moi. Une réservé aux ambulanciers et divers véhicule d'urgence, l'autre aux particuliers.

Naturellement, j'ai emprunté celle des pros. Je me voyais déjà en train de m'arrêter en dérapant devant, comme dans les films, tout le personnel (alerté par les crissements des pneus) déboulant pour nous porter secours. Sauf que ça ne s'est pas déroulé exactement comme ça. Le chemin avait beau être dégagé et salé, il restait pas mal de glace. Si bien que, au lieu de d'exécuter un merveilleux dérapage contrôlé devant les portes, je les ai carrément franchies et me suis arrêtée à l'intérieur.

-Toi, tu brise le coeur de mon frère, ai-je ajouté tout doucement, et je te brise les dents, pigé ?

Elle se raidie, puis se détendue. Elle ne semblait pas offusquée. Plutôt heureuse.

-Ne t'inquiète pas, a-t-elle marmonné en reniflant un peu et en prenant le main de Douglas. Il n'y a pas de danger.

Mon frangin a paru anxieux, en revanche.

-De quoi ? a-t-il demandé, soupçonneux. Qu'est-ce que tu as encore balancé, Jess ?

-Rien, ai-je éludé en me rasseyant sur le lit.

Des coups ont été frappés à la porte, et ma mère est rentré, suivie de mon père, de Michael, de Claire, de Ruth et de Skip.

-Nous sommes juste passés pour voir si tu avais envie de manger au restaurant... a commencé ma mère.

Elle s'est toutefois interrompue en m'apercevant penchée près de Rob.

-M'man ? ai-je lancé en souriant et sans me relever. P'pa ? Permettez-moi de vous présenter mon amoureux. Rob.

— Je viens d’opérer un homme qui m’a confié qu’il te devait la vie.

— Hum, ai-je marmonné en rougissant comme une tomate. Le Dr Krantz. Il va bien ?

— Oui. J’ai réussi à sauver sa jambe. Un des garrots les plus… intéressants qu’il m’ait été donné de rencontrer, à propos.

— Hum, ai-je modestement répondu. J’ai eu une bonne note à mon exposé, en sixième.

- Q-qui êtes-vous ? a-t-il bégayé. Q-que voulez vous ?

- Je suis Luke Skywalker, et je suis ici pour te sauver.

Notre relation posait problème, et il allait falloir régler ça. Et si nous nous invitions chez Oprah afin d’y consulter le médecin chauve qu’elle a toujours sur son plateau ? J’entendais déjà Rob balancer : « Docteur, ma petite amie a honte de moi. Elle refuse de me présenter à sa famille. » Ha ! « Mon copain ne me fait pas confiance ! rétorquerais-je aussitôt. Il refuse de m’avouer ce pour quoi il été arrêté. Et de m’emmener au mariage de son tonton Randy. » Ben, tiens ! Nous deux chez Oprah. Ça ne risquait pas d’arriver. C’était aussi improbable que d’entendre Karen Sue Hanky énoncer une phrase intelligente

Soudain, des gloussements se sont fait entendre. De l’autre côté du champ cotonneux de neige artificielle, j’ai aperçu mon ennemie jurée, Karen Sue Hanky, entourée de ses copines. Ces gourdes nous mataient en pouffant comme des malades.
Je ne vois pas pourquoi ma mère s’est mise autant en colère en voyant le geste que je leur adressais, même s’il y avait des tas de bambins autour de nous. Ils ignoraient sûrement ce que ça signifiait. Ce qui n’était pas le cas de tatie Rose, apparemment
-Non, Jessica, m’a-t-elle lancé, glaciale, quand je me suis justifiée. Le signe de la paix se fait avec deux doigts, pas avec le seul majeur. Ils ne vous apprennent donc rien, à l’école, de nos jours ?