Citations sur Voyage d'hiver (34)
Alors, il comprit que c'était sans espoir, qu'il serait incapable de quitter Vienne, que la vie n'est pas le chemin, pas même la destination, seulement le voyage, et quand nous disparaissons c'est toujours à la moitié du trajet, quel que soit le lieu,
Pour son malheur, ce qui lui était échu, c'était un très dur voyage d'hiver, qui avait laissé son âme entièrement dévastée.
Et les yeux d'ambre écoutaient attentivement la méditation intime sur la mort, une des sonates les plus bouleversantes de la vie, selon une formule de Wesselényi qu'elle ne connaissait pas, une méditation intime sur la mort, écrite par un homme habitué à pleurer en si bémol majeur.
Je crois que le lecteur, quand il lit des nouvelles, doit être plus actif que lorsqu'il lit un roman. L'espace limité auquel je fais allusion précédemment oblige l'auteur à omettre, à supposer connues bien des vies antérieures, à résumer d'un trait toute une description morale ou physique......L'écrivain doit aiguiser son inventivité, mais le lecteur aussi. L'écrivain suggère le milieu, les curriculums, les paysages, l’atmosphère, et le lecteur les complète par sa lecture. Et comme on ne peut pas faire tout entrer, physiquement dans une nouvelle, l'écho que celle-ci produit, le souvenir de lecture vient compléter à l'intérieur de chaque lecteur la dimension morale de chaque nouvelle, à supposer qu'elle ne ait une.
Cela faisait vingt-huit jours qu'il vivait dans la bulle d'un rêve et il avait été assez bête pour ne jamais penser que les bulles de bonheur finissent toujours par éclater en multiples déceptions.
Jane a pris le billet et a disparu sans répondre à ma provocation, ce qui prouve qu'elle était réellement aussi pute que la poule qui a appris à nager pour se faire les canards.
Les dernières rédactions, les nouvelles versions de la plupart des quatorze nouvelles, m'ont apporté de nombreuses surprises. La plus spectaculaire est peut-être le constat que dans la vie toutes les choses sont en rapport les unes avec les autres. Je pensais que j'étais en train d'élaborer un recueil de récits totalement indépendants, car les atmosphères de chaque histoire réclamaient cette indépendance à grands cris. Mais le seul fait de les travailler, pendant ces derniers mois, dans une même durée, m'a permis de voir les fils, certains secrets et d'autres plus évidents, qui les relient tous entre eux. J'ai commencé à connaître, et d'une certaine façon à aimer, des personnages qui existaient bien qu'ils ne jouissent pas des mêmes avantages que les personnages de roman : car vivre dans une nouvelle, c'est comme passer toute sa vie dans un de ces hôtels japonais dont les chambres ressemblent à des caissons de décompression pour plongeurs. Mais ce n'est qu'une apparence. Les personnages des nouvelles, comme leurs histoires, se fondent beaucoup sur ce qu'on n'a pas pu dire d'eux, mais qui est là.
Ils ne furent pas déshabillés et rasés, comme les autres. On se contenta de les enfermer avec une autre famille de la même rue, dans une pièce minuscule, extrêmement froide et sombre, avec de petites fenêtres où on n’avait même pas pris la peine de mettre des barreaux, parce que les geôliers savaient qu’ils n’étaient plus des êtres humains et qu’ils avaient perdu, outre leur dignité, leur instinct de survie.
Ce furent des années pleines d’une activité frénétique dans l’école annexe, à étudier le violon, les langues, la sténo, la cryptographie et l’histoire, pour ne laisser aucun vide dans sa tête qui l’aurait conduit à se souvenir.
Promets-moi que… dans vingt-cinq ans -il regarda sa montre-, le 13 décembre à midi… nous nous retrouverons devant le tombeau de Schubert.
Un livre fermé et placé sur une étagère parle par sa reliure avec la même impuissance désespérée que le prisonnier, les yeux écarquillés, après qu'on l'a attaché et bâillonné.