Je regarde autour de moi et qu'est-ce que je cherche? c'est toujours elle que je cherche amoureux depuis cinquante millions d'années et je vois sur la plage une baigneuse hollandaise à qui un maître baigneur avec une gourmette en or montre pour lui faire peur l'essaim d'abeilles dans le ciel, et je la reconnais, c'est elle, je la reconnais à sa façon sans pareille de lever l'épaule au point de se toucher la joue avec.
Il n’y avait plus moyen de fixer un point de référence : la Galaxie continuait de tourner, mais moi je ne réussissais plus à compter les tours, n’importe quel signe enchevêtré avec les autres pouvait être le mien, mais il ne m’aurait servi à rien de le découvrir, tellement il était clair qu’indépendamment des signes l’espace n’existait pas, et peut-être même n’avait jamais existé.
Et pourtant je crois que, au moins les premiers temps de son séjour sur cet astre désert et oublié, il lui arrivera encore de continuer à discuter mentalement avec Ggge. Ce ne sera pas facile pour lui de s'arrêter. Je crois le voir, seul dans le vide, en train de parcourir l'étendue des année-lumière, mais se disputant toujours avec sa femme. Ces expressions "je te l'avais bien dit" et "la belle découverte !" qui ont commenté la naissance des étoiles, la course des galaxies, le refroidissement des planètes, ces "maintenant tu vas être contente" et "tu ne sais dire que ça" qui ont marqué les épisodes, les phases, les explosions de leurs disputes et des cataclysmes célestes, et ces "tu crois toujours avoir raison" et "parce que tu ne veux jamais m'écouter" sans lesquels l'histoire de l'univers n'aurait pour lui ni nom ni souvenir ni saveur, cette querelle conjugale ininterrompue, si jamais elle finissait un jour, quelle désolation, quel vide !
Une nuit, j'observais comme d'habitude le ciel avec mon télescope. Je remarquai que d'une galaxie distante de cent millions d'années-lumière se détachait une pancarte. Dessus, il était écrit : JE T'AI VU. Je fis rapidement le calcul : la lumière de la galaxie avait mis cent millions d'années pour me joindre, et comme de là-bas ils voyaient ce qui se passait ici avec cent millions d'années de retard, le moment où ils m'avaient vu devait remonter à deux cents millions d'années.
Avant même de contrôler sur mon agenda pour savoir ce que j'avais fait ce jour-là, je fus pris d'un pressentiment angoissant : juste deux cents millions d'années auparavant, pas un jour de plus ni de moins, il m'était arrivé quelque chose que j'avais toujours essayé de cacher. [...] Et voilà que d'un lointain corps céleste quelqu'un m'avait vu, et maintenant l'histoire revenait au jour.
Maintenant vous allez me demander ce que diable nous allions faire sur la Lune, et je m'en vais vous l'expliquer. Nous allions ramasser le lait, avec une grande cuiller et un baquet.
Notre destin était le plus, le toujours plus, et nous ne savions pas penser au moins, ne serait-ce que fugitivement ; dorénavant, nous irions du plus à l'encore plus, des sommes aux multiples aux puissances aux factorielles sans jamais nous arrêter ou ralentir.
J'arrivai à un endroit où les buissons m'empêchaient de voir. Je m'ouvris un passage : sous mes pieds je vis le vide. La terre s'arrêtait là ; et moi, je me tenais en équilibre sur le bord.
Continuer à m'occuper du passé était inutile ; jusque là, les choses étaient allées comme elles avaient pu ; je devais faire en sorte qu'elles aillent dans l'avenir.
- Assez, dit Pfwfp, changeons de jeu.
- Oui ! dis-je moi-même. Et si on jouait à faire voler des galaxies?
Nous étions étendus sur une berge en pente, tous les trois : le grand-oncle plutôt du côté de l'eau, mais nous-même à moitié dans l'eau, si bien qu'en nous voyant de loin, allongés tout à côté les uns des autres, on n'aurait pas pu dire qui était terrestre et qui était aquatique.