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Citations sur Dictionnaire des délicatesses du français contemporain (9)

Tome 1, lettres A-H, extrait de la préface.

... la simple défense de la langue, de sa logique et de sa correction, passe désormais pour politique - et, en l'occurrence, réactionnaire, naturellement, discriminatoire. A même été forgé, puisque nous en sommes aux néologismes, mais celui-ci n'est pas de moi, il va sans dire, le terme de "glottophobie", pour désigner, et désigner comme une maladie, donc, un souci jugé exagéré de la langue, et son caractère discriminant. Passerait encore si étaient visées là les personnes qui ne peuvent s'empêcher de corriger les autres, et surtout désagréablement, quand elles estiment que ces autres viennent de commettre une faute de langage - c'est en effet un vilain travers. Mais il semblerait qu'aux glottophobes même in petto (j'avoue me sentir visé) on reprocherait de se faire une opinion des tiers, dans les rapports sociaux ou dans la vie professionnelle, en tenant compte, horresco referens, de la qualité de leur grammaire et de leur orthographe : voire de viser eux-mêmes à une amélioration constante de leur propre pratique. Bref c'est tout souci de la langue que voici incriminé comme discriminant, ce qui renverse toute la tradition française dont il était le coeur et peut-être l'essence. Mais discriminant il l'était bel et bien.

pp. 28-29
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Tome 1, p. 133, bouffe / bouffer.
Il se mène en France, ces temps-ci, un vaste combat contre la "mauvaise bouffe", officiellement, voire contre la "mal bouffe" ; et en faveur de la "bonne bouffe", c'est à croire. Dans les deux cas, néanmoins, il ne s'agit jamais que de "bouffe" - c'est-à-dire, si les mots ont un sens, et surtout les connotations qui les font exprimer plus qu'on ne croit leur faire dire, c'est-à-dire une version triviale, relâchée, argotique et vulgarisée de la cuisine, de la nourriture, et des arts de la table.

Qu'on se batte pour la bonne bouffe ou contre la mauvaise, la cuisine française, elle, a déjà perdu, de toute façon : car elle n'a jamais été rien d'autre qu'un art d'apprécier les saveurs, et de faire la différence, entre goûter un plat, un vin, un fumet, une façon de saisir, d'une part, et la simple fonction de se nourrir ; or la différence est la même, structurellement, entre la langue comme objet d'amour, de réflexion, de respect, d'interrogation et de choix, et le parler de consommation courante, tel qu'il est dicté par la facilité, la conformité, le relâchement, la complaisance au goût majoritaire du jour. Bien ou mal, qui "bouffe" ne mangera jamais que du rebut.
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Rajouter, ajouter.
Apporter un supplément à une déclaration, à un texte, à un objet, à une oeuvre quelconque, c'est lui /ajouter/quelque chose. /Rajouter/ ne conviendrait, éventuellement, que pour un supplément au supplément.

Les mêmes remarques valent bien sûr pour les substantifs ajouts et rajouts. La plupart du temps, on fait des ajouts, pas des rajouts. Les rajouts sont des ajouts aux ajouts.

p. 286
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Tome 1, p. 252, "De" (partitif avant un adjectif).

*Demain il y aura des nouveaux besoins (Martine Aubry, Antenne 2, 25 septembre 1999).
*On voyait des grosses larmes couler sur son visage.
*Il a des exceptionnelles qualités.

Devant les adjectifs, surtout les adjectifs au pluriel comme les noms qui les suivent, la bonne règle exige DE et non pas DES : "de grandes âmes, de hautes espérances, de vilains petits canards, d'illustres visiteurs, d'exceptionnelles qualités, de méchantes gens, de douloureuses concessions, de faibles arguments, de nouveaux besoins".
Si l'adjectif suit le nom, il n'y a pas élision de l'article, et donc on dit DES (pour DE LES) :
"des gens méchants, des visiteurs illustres, des concessions douloureuses, des besoins nouveaux, des arguments irrecevables, des larmes grosses comme des billes".
Lorsque l'adjectif fait corps avec le nom et qu'ils forment ensemble une sorte de syntagme figé, on traite le tout comme un nom, et dans ce cas-là on peut mettre DES :
"des jeunes gens, des jeunes filles, des premières vendeuses, des bons mots". Molière écrit cependant "de bons mots" ("et dans tous ses propos / On voit qu'il se travaille à dire de bons mots", Le Misanthrope). Même dans ce cas-là, DE est toujours possible. Mais d'une part il relève d'un niveau de langue assez recherché, d'autre part il introduit une nuance de sens. Après DE, l'adjectif est mieux reconnu dans sa fonction propre, on insiste sur lui davantage. "Des jeunes hommes" désigne un groupe d'adolescents et d'hommes jeunes, seulement pour parler d'eux, dire qu'ils sont là. "De jeunes hommes" insiste sur leur jeunesse, par exemple pour l'opposer à des hommes moins jeunes.
Lorsque l'adjectif est lui-même précédé par un adverbe tel que "très" ou "assez", l'exigence d'écarter DES au profit de DE est absolue : "de très jeunes gens, de très jeunes hommes, d'assez bons résultats, de très bons mots."
Si l'adjectif et le nom qui le suit sont au singulier, la règle classique exigeait DE comme pour le pluriel. Personne ne dit plus "de bon vin", "de bon pain", "de bonne musique", "de médiocre café". "De bon pain, sorti de l'usage, est aujourd'hui archaïque et prétentieux ; au pluriel, au contraire, "des grosses larmes" reste populaire ou très négligé". (Albert Dauzat, Le Génie de la langue française).
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Tome 1, p. 135. "Bouquin".
Au XIX°s, un bouquin était un vieux livre, et bouquiner voulait dire chercher de vieux livres (sur les quais, par exemple). "[S]es bouquins refermés sur le nom de Paphos" (Mallarmé). De nos jours un bouquin c'est n'importe quel livre, et bouquiner veut dire lire (un livre). Il s'agit de semi-argot en voie d'institutionnalisation, qui peut irriter en tant que familiarité sclérosée.

Plus peut-être qu'à l'anglais book ou à l'allemand Buch, auxquels il est lointainement mais indubitablement apparenté, bouquin fait penser à bouc ou à bouquetin. Pour ceux d'entre nous qui dans livre entendent toujours un lointain écho du Livre, et y voient quelque chose de sacré, ou du moins d'éminemment auguste, bouquin sonne chaque fois comme une vague profanation, un peu répugnante qui plus est.

Il serait sans doute poli de l'éviter pour parler à un auteur de son propre livre : "Et pour vot' prochain bouquin, vous avez déjà une petite idée, ou bien ... ?" Mais comme toujours c'est une affaire de contexte. Un auteur qui désigne ses ouvrages comme des polars, par exemple, ne s'offensera certainement pas qu'on les appelle des bouquins. Nombreux sont les écrivains, d'ailleurs, qui font usage de ce dernier terme pour les volumes qu'ils publient. Mais c'est leur choix à eux, peut-être entraîné par la modestie ; mieux vaut leur en laisse la responsabilité, et ne pas prendre soi-même l'initiative d'un mot qui dans bien des esprits demeure assez péjoratif.

"Là où quelque part j'ai voulu être bien clair, dans mon bouquin, c'est sur comment la régulation des marchés elle est basée en fait sur un malentendu total, mais alors total."
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Tome II, p. 384, tord, tort.
Il y a des modes, en matière de fautes ; ou des épidémies, si l'on préfère, des raz de marée, des tsunamis. Tout à coup, vers la fin de la deuxième décennie du XXI°s, je ne dirais pas tout le monde, mais enfin un nombre considérable de personnes, s'est mis à écrire "tord" pour "tort", dans "avoir tort", devenu ainsi, très bizarrement pour les témoins demeurés sur les hauteurs épargnées, *avoir tord.

Bien entendu, la faute est certainement aussi ancienne que les deux mots. Mais jusqu'à une époque récente elle n'était commise que par des enfants, ou par des gens qui n'en omettent aucune. En effet, il faut avoir peu de pratique de la langue, et avoir peu réfléchi sur elle, pour aller confondre le verbe Tordre, plier, ployer, courber, dévier, déformer, avec le substantif Tort, antonyme de Raison ; à moins qu'il ne faille au contraire en avoir un instinct très sûr et très profond, "tort" venant bel et bien du latin "tortum" et du latin classique "tortus", qui est tordu, de travers, de "torquere", tordre. La première hypothèse est plus vraisemblable, la seconde est plus agréable, comme il arrive : d'ailleurs il est assez probable que le participe passé, adjectif et substantif "tordu" ait joué un rôle, pour installer la confusion dans les esprits : ont tort les tordus, ceux qui voient les choses de travers. Gribouille pourra toujours soutenir qu'il procède en érudit à un retour aux sources. En attendant qu'il convainque ses juges, néanmoins, ses correcteurs et ses lecteurs, il n'en passera pas moins pour un âne.
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Tome II, "race", p. 264.
... Les Français n'existeraient pas, si ce n'est d'après leurs papiers, parce que personne n'aurait jamais su donner d'eux une définition qui satisfasse tout le monde, et surtout qui englobât tous les aspects de la question, ou du concept. Il ne faut pas dire "les Arabes", quand on parle des musulmans, parce que tous les Arabes ne sont pas musulmans. Il ne faut pas dire "les musulmans", quand on parle des Arabes, même en France, parce que tous les musulmans ne sont pas arabes, il s'en faut de beaucoup. Ces arguties usées et usantes, qui supposent toujours l'autre imbécile, ou très ignorant, ou de mauvaise foi, procèdent d'un très profond malentendu sur la nature et la fonction des définitions. Il faudrait définir le mot "définition". Les procédés d'obstruction du débat supposent, ou affectent de supposer, que la définition est première, dans un mot, et même dans la chose qu'il désigne ; que la définition est une espèce de loi fondamentale et principielle, qui pose une fois pour toutes et sans équivoque ce que sont les mots et les choses, lesquels vont devoir se conformer docilement à elle, ou renoncer à s'échanger, voire à exister. Mais la définition n'a jamais été cela... la définition n'a jamais été première. Elle n'a jamais précédé ce qu'elle définit. Au contraire, elle court éternellement après les mots et les choses, en essayant de les circonscrire comme elle le peut, le plus précisément et étroitement qu'elle en est capable. Cependant elle n'y parvient jamais tout à fait : sinon la carte serait aussi grande que le territoire, la quatrième de couverture aussi longue que le roman, l'abyme aussi large que l'écu. Il y a toujours du JEU, Dieu merci : la littérature, par exemple, ou le style, ou l'humour ; et, même quand ils sont couronnés de succès, les efforts de la définition pour coïncider exactement avec ce qu'elle définit sont incessamment menacés par les remises en cause, les malentendus, les incidents frontaliers.
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Tome II, p. 256, "Race".
... Tirant de l'atrocité du génocide des Juifs sa légitimité, son assise morale et son pouvoir idéologique, né ou rené du farouche et ô combien justifié "plus jamais ça !" jeté à la face des camps de la mort, l'antiracisme, en une cinquantaine d'années, a fini par bâtir une société, la nôtre, où la Shoah ne peut plus être enseignée, dans beaucoup d'écoles, et que les Juifs doivent fuir par milliers, car ils n'y sont plus en sécurité. A Berlin même, c'est à l'antiracisme qu'est due la présence par centaines d'immigrés ou de descendants d'immigrés qui manifestent en criant "Mort aux Juifs !", comme aux temps de la Nuit de Cristal. A ceux qui s'étonnaient naguère encore qu'il ait fallu distinguer racisme et antisémitisme, l'histoire a fini par apporter une explication ironique et cruelle, bien dans sa manière : c'était afin que les antiracistes pussent être antisémites. Et souvent ils ne s'en privent pas : c'est à se demander si cet adjectif, "antiraciste", n'est pas en train de devenir un nom de code pour "antisémite", comme le fut longtemps et le demeure, en une majorité d'occurrences, "antisioniste".
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(Abréviations)
Les chaînes publiques et même les discours ministériels ont rendu presque officiel *sécu, pourtant spécialement disgracieux. *Info ne vaut pas beaucoup mieux. Le citoyen et l'auditeur pourraient parfaitement considérer qu'ils ne sont pas dans un degré suffisant d'intimité avec une chaîne publique de radio ou de télévision, ni elle avec eux surtout, pour qu'elle leur prodigue des *infos sur la *sécu. L'Etat n'a pas à être familier ; car si l'Etat est familier, toute familiarité est menteuse.
p. 33
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