Sensiblement convaincante, l'histoire racontée par
Albert Camus laisse pourtant tout le temps à distance. Meursault est un homme compliqué plus que complexe qui rêve, comme d'un idéal de romantisme, de faire sienne la doctrine du « Carpe Diem ». Il aimerait être sans attaches ni ambitions, parce qu'il espère que le seul moyen d'être heureux consiste à être dénué de tout ce qui fait une existence conventionnelle. Et pourtant, s'il parvient à quitter sa famille et ses amours, ses tâches professionnelles et ses occupations quotidiennes, il n'arrive jamais à prendre du recul quant à lui-même, dans le sens où il est contraint de vivre malgré tout.
La description de cette souffrance intellectuelle et psychologique semble authentique et pourtant, du début à la fin de
la Mort heureuse,
Albert Camus donne l'impression de nous raconter l'histoire d'un homme malheureux parce qu'il n'arrive pas à vivre l'instant présent, et pire encore : dont la seule satisfaction est d'être malheureux parce qu'il n'arrive pas à être heureux ; voire se contemplant être heureux d'être malheureux parce qu'il ne peut pas l'être… assez agaçant. La forme du roman n'est sans doute pas adaptée pour ce thème. Trop démonstratif,
Albert Camus aurait peut-être mieux fait de s'exprimer directement plutôt que de passer par l'intermédiaire d'un personnage chancelant, théorisé jusqu'à l'abstraction même dans ses sentiments les plus intimes.