Un homme devenu conscient de l'absurde lui est lié à jamais
Un homme est plus un homme par les choses qu'il tait que par celles qu'il dit.
Plus la vie est exaltante et plus absurde est l'idée de la perdre.
L'artiste au même titre que le penseur s'engage et se devient dans son oeuvre.
Si le monde était clair, l'art ne serait pas.
Nous vivons sur l'avenir : "demain", "plus tard", "quand tu auras une situation", "avec l'âge tu comprendras". Ces inconséquences sont admirables, car enfin il s'agit de mourir. Un jour vient pourtant et l'homme constate ou dit qu'il a trente ans. Il affirme ainsi sa jeunesse. Mais du même coup, il se situe par rapport au temps. Il y prend sa place. Il reconnaît qu'il est à un certain moment d'une courbe qu'il confesse devoir parcourir. Il appartient au temps et, à cette horreur qui le saisit, il y reconnaît son pire ennemi. Demain, il souhaitait demain, quand tout lui-même aurait dû s'y refuser...
J'en vois d'autres qui se font paradoxalement tuer pour les idées ou les illusions qui leur donnent une raison de vivre (ce qu'on appelle une raison de vivre est en même temps une excellente raison de mourir).
Un homme sans espoir et conscient de l'être n'appartient plus à l'avenir.
La première et, au fond, la seule condition de mes recherches, c'est de préserver cela même qui m'écrase, de respecter en conséquence ce que je juge essentiel en lui. Je viens de le définir comme une confrontation et une lutte sans repos.
(p.51)
Pourquoi faudrait-il aimer rarement pour aimer beaucoup ?