Citations sur Le diable sur les épaules (40)
Il y a des moments dans la vie qui restent inoubliables. Les années passent mais pas leur saveur, qui semble même se bonifier avec le temps. Avec de la chance, et un brin de lucidité, on peut se rendre compte que l'on vit de tels moments alors même qu'on est en train de les vivre.
Il se tenait debout, un peu en retrait, les jambes collées au parapet qui bordait le cimetière. Il était pâle. Il fixait le cercueil qui avançait lentement vers lui. Elle ressentit une sorte de trac lui étreindre la poitrine. Elle détourna les yeux pour éviter d'attraper les siens.
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Je lis aussi le plus possible, afin de combler tout le retard que j'ai pu prendre... J'attends que Camille ait terminé sa journée. Il m'arrive de m'ennuyer mais ça ne me gêne pas vraiment. J'aime assez m'ennuyer en fait, cela permet de mettre un peu les choses à leur place.
Par les nombreuses fenêtres de la pièce, il pouvait coiffer du regard toute son entreprise, au sein de laquelle on s'activait dans tous les coins. Mais il ne restait pas terré dans sa vigie, il descendait régulièrement parmi ses ouvriers et, quand le travail ne lui convenait pas, il n'hésitait pas à tomber la veste pour montrer ce qu'il voulait. C'est aussi pour cela qu'on le respectait.
Et lui ne disait rien. Sans aucune émotion visible, il écrivait le titre de la leçon du jour au tableau. A peine pouvait on remarquer qu'il serrait les dents à se les briser les unes contre les autres.
Il n'y avait pas de monstres issus des enfers ces jours-là, pas plus qu'il n'y en avait pour vider Edmond Duhamel de son sang. Il n'y avait que des hommes, comme vous et moi. Des hommes tellement aveuglés par la rancune et la peur qu'ils ont renoncé à contenir leur bestialité et ont cessé, durant ces moments-là, d'être des hommes.
Il ne pria pas. Il ne priait plus depuis qu'on ne l'obligeait plus à le faire. La chose religieuse lui était désormais étrangère. Elle lui rappelait trop sa famille, sa mère, son beau-père, les cours de catéchisme interminables du jeudi, la messe du dimanche matin, le ventre vide, parce qu'un quignon de pain ou un morceau de sucre pouvait vous expédier en enfer, aux vêpres du dimanche après-midi si sombres, les coups de fouet du père supérieur de l'école Notre-Dame parce qu'il avait osé rire pendant qu'on se prosternait devant une statue de la Vierge....
Des hommes tellement aveuglés par la rancune et la peut qu' ils ont renoncé à contenir leur bestialité et ont cessé, durant ces moments-là, d être des hommes.
Il leva bien haut un exemplaire de "l'éveil du Tarn". A la une, on lisait en gras: "meurtre sauvage à la Vitarelle-du -Théron" et, en dessous en plus petit: " la victime a été dépecée. la terreur pour tout un village".
Voilà ce qu'on nous a donné à feuilleter dans le journal du jour.
je sais que vous êtes nombreux à avoir lu l'article et le portrait que l'on dresse de notre petite communauté. Nous sommes paraît-il, à peine civilisés, sauvages, isolés du monde qui nous entoure........
Il ne sut pas ce qu'il fallait lire dans ses yeux mais il sut que la colère dans les siens était déjà morte.
Un autre feu le consumait toujours.
Rien ne parvenait à l'éteindre.
Peu importe qu'elle soit sincère ou pas, sa seule présence lui suffirait.