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Critique de Lutopie


Avis aux amateurs, aux curieux, qui oseraient jeter un oeil dans la chambre (mortuaire) d'un auteur (im)mortel.
Dellamorte Dellamore

La biographie fantasmée de la muse baudelairienne, Jeanne Duval, nous invite dans l'alcôve d'une chambre noire. Les négatifs déroulent la noirceur d'une relation malsaine, toxique, celle des Fleurs du Mal, tellement intense, qu'elle en est devenue (im)mortelle. le poète, cet artiste amateur de la Beauté, ce “connoisseur”, entretient sa muse, et considère cette femme comme son idole. Elle, elle se demande s'il ne fait pas d'elle un être ambivalent mi- profane mi- sacré : une prostituée, mais elle se laisse faire et réclame l'argent qui lui est dû ; elle se fait complice au coeur de la nuit, passive, léthargique, comme un chat au coin du feu, et les deux amants s'adonnent à la boisson et autres substances illicites qui invitent au voyage ces deux âmes en incandescence, comme en transe. Ils sont transportés dans ces paradis artificiels, ces terres exotiques, d'où vient Jeanne Duval. Nul ne sait d'où elle vient exactement, comme si sa vie ne commençait qu'à partir du moment où l'albatros la prend sous son aile. Cette femme, sublimée par la poésie de Baudelaire, immortalisée par lui, gagne encore en puissance sous la plume d'Angela Carter. Jeanne Duval, mystifiée par Baudelaire, est tout à tour dans la nouvelle : le fruit défendu, la Reine des Amazones, une princesse des Mille et une Nuits, une Courtisane des Borgias, La Reine de Saba, une Grande prêtresse vaudou, une Sorcière, la Déesse de Cythère, une Chatte , une Fille perdue, l'Incarnation de la Nudité Nue, un mythe moderne, un Sex-Symbol, mais le voile de la nuit la recouvre de sa dignité retrouvée. Carter reprend dans sa prose les poèmes de Baudelaire, “the veritable, the authentic, the true Baudelairien syphilis”. On redécouvre dans “Vénus Noire” : Sed non Satiata, Les Bijoux, La Chevelure, le Serpent qui danse, Parfum exotique, le Chat, etc. le cycle de la Vénus Noire.

Encore une biographie d'auteur fictive dans “The Cabinet of Edgar Allan Poe” où le spectateur assiste aux morts prématurées, sans cesse renouvelées, d'une actrice de tragédie, la mère d'Edgar Allan Poe. L'illusion théâtrale n'est que désillusion dans les coulisses du théâtre et le manoir gothique de Poe n'est qu'un décor en papier mâché. Alors que sa mère interprète Ophélie ou Juliette sur scène, Poe se trouve dans les coulisses de Berenice, de Ligeia, les revenantes de ses nouvelles macabres. La Vénus Noire, ici, c'est cette “star” de théâtre, l'étoile noire de la tragédie, de la vie d'E.A.P.
Et dans “Overture and Incidental Music for Midsummer Night's Dream”, A.C. prend quelques libertés avec Shakespeare, transporte le lieu de l'action en Angleterre, le pays de l'auteur. Exit le personnel Athénien, Carter ne s'intéresse qu'au personnel féérique, qui apparait comme au théâtre, selon quelques “ tricks of the light”. Elle s'intéresse pour recréer la magie shakespearienne au “green world”, convoquant pour agrémenter sa nouvelle, l'herbier du songe d'une nuit d'été. Mais qui est la Vénus Noire de cette nouvelle ? L'enfant adopté par Tit-tit-titania, qui se prénomme Golden Herm, parce qu'il est hermaphrodite, et recouvert d'or, comme une idole, il n'est plus seulement le “boy” de Shakespeare, il est bien plus que ça, il est Herm-Vénus et il raconte son “midnigt's nightmare”, de manière coquine comme seule un petit être ambigu, doublement sexué, peut le faire, de manière licencieuse, irrévérencieuse.

Angela Carter, l'auteur féministe de la femme Sadienne, n'est-elle pas l'irrévérencieuse, la licencieuse, par excellence ? Je ne dirai rien des autres nouvelles du recueil, parce que je n'ai rien à dire ( mon cerveau ayant été bien assez sollicité par la traduction, la langue de Carter étant soutenue et pleine de sous-entendus) mais je ne peux m'empêcher de laisser le passage le plus osé du recueil pour terminer ma critique :
Extrait du "Cabinet of Edgar Allan Poe" :
"It was the evening of the eighteenth century.
At this hour, this very hour, far away in Paris, France, in the appalling dungeons of the Bastille, old Sade is jerking off. Grunt, groan, grunt, on the to the prison floor ... aaagh ! He seeds dragons' teeth. Out of each ejaculation spring up a swarm of fully-armed, mad-eyed homunculi. Everything is about to succumb to delirium."
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