Il était loin d’ignorer la soif de vengeance qui animait Lord Kirkhampton, qui avait été si souvent circonvenu et défait par cet homme plus jeune que lui ; peut-être en était-il mieux averti encore que son maître.
Car les amis du marquis ne manquaient pas qui, peu désireux de lui annoncer personnellement les mauvaises nouvelles ou de le mettre en garde contre ses ennemis, préféraient le faire par l’intermédiaire de M. Barnham, lequel avait su se faire apprécier de chacun.
Bon nombre d’entre eux, il est vrai, avaient servi dans le même régiment que cet homme dévoué, avant qu’une blessure reçue sur le champ de bataille ne l’obligeât à se retirer dans la vie civile.
Les jeunes beautés de la bonne société, celles que chantaient et célébraient ses amis, ne cachaient pas que c’était lui qui les attirait le plus. Qu’il entre dans une pièce et toutes les femmes n’avaient plus d’yeux que pour lui, leurs douces lèvres déjà consentantes, prêtes à recevoir ses baisers.
Mais il aimait le monde du spectacle, car là, les choses étaient nettes, sans problème ni ambiguïté. Comme l’avait dit un jour un joyeux drille de ses amis, le marquis n’avait qu’à paraître « pour se choisir le plus beau fruit à l’étalage ».
La fortune lui avait toujours souri. Partout et toujours, c’était lui le vainqueur, il gagnait les courses, remportait les prix, acceptait comme s’ils lui étaient dus applaudissements et félicitations. Brusquement il avait l’impression de se retrouver nu, dépouillé de toute protection, tel l’aveugle dans la tempête. Et il ne savait que faire.
C’était peut-être ses mains, justement, qui l’avaient attiré en premier. Elle savait s’en servir avec infiniment plus de grâce que toutes les autres danseuses.