En cette première semaine de vacances, j'ai terminé, d'un souffle, ce livre
Exils et enracinements , premier opus de
Marlène Casciaro .
Dans cet ouvrage, l'auteure retrace le parcours migratoire de sa famille sur trois générations et sur trois continents: Salvatore et Francesca ont quitté la Sicile pour Alexandrie au début des années 1900, ils continuèrent leur périple jusqu'à Tunis où une communauté italienne avait pris naissance.
La deuxième génération des Casciaro s'épanouit dans le joyeux melting pot culturel du Bardo de Tunis et y traversa la deuxième guerre mondiale. Toutefois après la guerre, l'indépendance du pays rend le climat incertain pour les exilés. Sauveur, le petit-fils de Salvatore et Francesca quitta la Tunisie avec sa jeune femme Antoinette pour Marseille avec pour tout bagage une seule valise. La famille s'agrandit mais Sauveur poursuivait un rêve depuis de nombreuses années : s'établir à Montréal. Il réussit à convaincre Antoinette à traverser l'Atlantique et après un premier et douloureux échec, la famille parvient à s'installer définitivement.
Marlène Casciaro décrit les choix individuels et familiaux parfois si difficiles, la tension qu'ils engendrèrent dans le couple tout en insérant le périple familial au sein d'enjeux beaucoup plus larges du XXème siècle : le Risorgimento en Italie, l'indépendance de la Tunisie, la guerre d'Algérie et la Révolution tranquille au Québec.
Exils et enracinements est un livre qui rejoint les préoccupations actuelles sur l'immigration en abordant les enjeux liés à recherche d'une terre d'accueil et qui ne concernent pas toujours ou pas seulement les motivations économiques. La famille Casciaro est en quelque sorte une famille de nomades, d'apatrides. Sur quelle base, dans ce cas élire un pays où établir sa famille? La langue française dont Sauveur, le père de l'auteure, est un ardent défenseur semble avoir jouer un rôle central.
Le récit aborde - avec beaucoup de pudeur - les joies et les difficultés de l'intégration qui diffèrent d'une personne à l'autre. Un des passages qui m'a beaucoup touchée est celui où Antoinette, si réticente à immigrer, se retrouve prise dans la tempête du siècle, un jour de 1971, et qui parvient à la traverser et à rentrer chez elle en toute sécurité, galvanisée par un inconnu qui lui empoigne le bras en répétant : « On va l'awoir l'affaire! On va l'awoir l'affaire!
La façon d'être accueilli en terre d'accueil, les rencontres que le hasard met sur notre chemin peuvent jouer un rôle déterminant dans notre enracinement.
En filigrane, on peut lire dans ce récit un hommage à Sauveur Casciaro qui a poursuivi son rêve, vivre l'Amérique en français avec détermination et qui a transmis cet héritage à ses enfants.
C'est un livre qui a interpellé mon âme de fugueuse qui s'est baladée sur trois continents avant de trouver sa place sur la planète.
Récit captivant mais peut-être un peu trop court ?