Il s'agit d'une minisérie en 8 épisodes, initialement parus en 2005. le scénario est de
Joe Casey, les dessins et encrages de
Scott Kolins, la mise en couleurs de Morry Hollowell et Wil Quintana. Ce tome contient les épisodes 1 à 8 (ainsi que "Avengers classic" 1 à 6, pour ces derniers voir le commentaire de Tornado).
L'histoire tout le monde la connaît : au début de l'ère Marvel, 5 superhéros se sont unis pour déjouer les plans de Loki. Il s'agissait de Thor (Donald Blake), Hulk (Bruce Banner), Iron Man (Tony Stark), Ant-Man (Hank Pym) et Wasp (Janet van Dyne). Peu de temps après, Hulk quitte l'équipe, mais laisse Rick Jones en tant que mascotte (ou faire-valoir). L'équipe découvre le corps cryogénisé de Captain America (Steve Rogers) qui est intégré aux Avengers. Ils affrontent différents gugusses allant de Baron Zemo aux Maîtres du Mal (Masters of Evil), en passant par Namor, Kang, le comte Nefaria. Arrivé à l'épisode 16 de la série de 1963, tous les membres originaux sont partis et ont été remplacés. Oui, mais dans les coulisses, il a bien fallu que quelqu'un se préoccupe de choisir une base pour cette équipe (le manoir Stark), que quelqu'un rédige une charte de membre ratifiée par les superhéros, prenne contact avec les autorités officielles pour bénéficier d'autorisation d'intervention, etc. Toujours dans les coulisses, peut être que tous les membres n'étaient pas convaincus de la même manière de la pérennité de l'équipe, de sa viabilité, ou de l'intérêt de se former une équipe.
Joe Casey est connu pour ses projets très personnels (
Butcher Baker, le redresseur de torts ou The milkman murders) et pour quelques histoires de superhéros, elles aussi sortant de l'ordinaire (telles Vengeance ou Wildcats Version 3.0, Tome 1 : Imposition des marques). Avec cette histoire, il a pour objectif de raconter les premières heures de l'équipe des Avengers, non pas sous l'angle de leurs aventures (comme dans la série originelle), mais en tant qu'organisation naissante. Casey a l'élégance de concevoir son récit de telle sorte que le lecteur n'ait pas besoin d'avoir lu les premiers épisodes des Avengers pour comprendre les enjeux ou les sous-entendus (The Avengers : L'intégrale : 1963-1964). Au fil des pages, il est possible de découvrir les réponses à tout un tas de questions de base. Qui a rédigé la charte des Avengers ? Comment un dieu (Thor) a-t-il pu accepter de s'associer à de simples mortels ? Pourquoi Rick Jones est-il resté associé à cette organisation ? le gouvernement a-t-il accepté d'emblée la bénévolence de ce groupe de superhéros ? Quel atout a permis aux Avengers de convaincre l'agent gouvernemental James Murch d'accorder une priorité absolue à l'équipe ? Dans quelles conditions Captain America s'est-il intégré à l'équipe ? Quelles conséquences a eu sa présence sur les autres membres ? Qui a vraiment convié Clint Barton à s'associer avec les Avengers ? et bien d'autres encore.
En 2005,
Brian Michael Bendis a déjà propulsé la série "New Avengers" en tête du classement des ventes, devant celles consacrées aux X-Men (mais le film Avengers n'est même pas encore un projet en développement ; il est sorti en 2012). "Earth's mightiest heroes" est donc un projet guidé par une volonté d'étendre les origines "historiques" de l'équipe, sans les renier, tout en les modernisant pour les nouveaux lecteurs. L'approche de Casey est risquée à plus d'un titre. Pour commencer, il doit entrelacer son récit avec les épisodes existants, tout en livrant une histoire autonome. C'est tout à son honneur de constater qu'il y arrive sans difficulté apparente. Vous connaissez déjà les épisodes originaux, vous avez droit à toutes les coulisses de l'exploit, sans avoir l'impression de redite bourrative. Vous ne connaissez pas les épisodes originaux, vous avez une histoire qui forme un tout. Il est vrai que la narration a quand même un peu de mal à intégrer harmonieusement les affrontements contre les différents supercriminels. Il s'agit à chaque fois de brèves évocations qui permettent d'assurer la jonction avec les épisodes originaux, mais qui manquent d'intérêt. le lecteur peut avoir l'impression que l'évocation de ces combats ne sert qu'à introduire un peu d'action dans un récit où les enjeux se règlent autrement que par les poings.
D'un coté, Casey se conforme servilement au cahier des charges qui lui impose de respecter scrupuleusement chaque point de continuité. La majeure partie du temps, ils sont amalgamés harmonieusement au récit, le nourrissent et l'enrichissent. Plus rarement, ils apparaissent pour ce qu'ils sont : un rappel d'un point de détail, sans autre raison d'être qu'une cohérence absolue avec la continuité. D'un autre coté, Casey construit un récit intéressant sur l'investissement et l'implication nécessaires pour créer une équipe, instaurer un esprit d'équipe, se faire une place officielle au milieu des pouvoirs en place. Casey développe ces points avec grande aisance, mais il ne se limite pas à cet aspect. Il met en valeur l'âme de l'équipe par le bais d'un personnage qui fournit une approche émotionnelle irrésistible. du coup, ce qui aurait pu n'être que l'historique un peu froid d'une organisation devient l'évolution d'un individu complexe, aux motivations en évolution, permettant une forte implication du lecteur.
Scott Kolins dessine avec un trait un peu sec des cases regorgeant de détails, sans tomber dans l'hommage passéiste. Il ne modifie pas son style pour se rapprocher de celui de 1963. Il conserve celui qui lui est propre, en reproduisant les apparences des superhéros de l'époque (du joli slip violet de Hulk, aux différents modèles d'armure vintages d'Iron Man). D'un coté, cette approche établit un lien visuel avec les comics initiaux, de l'autre elle permet à Kolins de dessiner de façon moderne, en profitant pleinement de l'apport d'une mise en couleurs par infographie. Au fil des séquences, il est possible d'apprécier l'apparence de brute épaisse de Hulk, la richesse de la décoration des pièces de l'hôtel particulier des Stark (la magnifique chambre de Captain America), la présence imposante et régalienne de Thor, et d'une manière générale la personnalité de chaque superhéros. C'est l'une des grandes réussites visuelles de cette histoire : l'adéquation entre les dialogues et le langage corporel des personnages. Alors que chaque scène se situe dans l'univers partagé traditionnel de Marvel (univers 616), le lecteur constate l'incrédulité, puis le doute d'Iron Man quant au caractère divin de Thor dans son attitude. Il prend conscience par le biais d'informations visuelles du désarroi d'Hank Pym par rapport à la qualité des individus qu'il côtoie au sein de cette équipe. Si vous connaissez la suite du parcours de Pym (en particulier The trial of Yellowjacket), il s'agit de moments très émouvant.
À partir d'un concept un peu austère (raconter les débuts des Avengers vu sous l'angle de la naissance d'une organisation),
Joe Casey et
Scott Kolins construisent un récit où l'émotion l'emporte sur l'aspect didactique, pour une histoire poignante d'une manière inattendue. Il reste qu'à quelques moments les obligations de respect de la continuité et l'évocation des criminels combattus alourdissent la narration, plus qu'elles ne la nourrissent.
Joe Casey a eu l'occasion de raconter la suite de l'historique de cette équipe dans Earth's mightiest heroes : Les plus grands héros de la terre II dessiné par
William Rosado et encré par
Tom Palmer (2007).