Rares sont les auteur.es qui allient si intimement le fond et la forme.
Joël Casséus fait partie de ce cercle d'ambitieux. Une ambition délicate, dangereuse même dans ce cas précis, lorsque le sujet abordé est si dur.
Joël Casséus, avec ce nouveau roman, continue l'exploration de ces zones de non-droit, ces zones hors de notre monde si confortable, ces zones que nous rangeons sous le tapis pour maintenir notre équilibre éthique (non, ce n'est pas une dystopie, malheureusement, c'est bien réel), où l'Homme lutte désespérément pour ne pas devenir une bête, en s'usant dans des tâches avilissantes, dans un quotidien où la violence et l'absence d'horizon règnent.
On ne sait réellement quelle guerre, quel massacre, quelle époque, quel lieu nous sont imposé.es, mais qu'importe. le schéma serait de toute façon le même.
Dans
Demi-Ciel, qui s'inscrit dans le "cycle" initié par
Crépuscules, l'écriture est plus directe, même si elle reste à dompter. L'écriture de
Joël Casséus me fait penser à un morceau de jazz. Chaque personnage y a son rôle à jouer, sa propre voix, sa partition. Mais le lecteur doit s'user sur les mots, phrases et motifs que déploie l'auteur. Récurrences, répétitions, confrontation de points de vues, tout cela contribue à la cohésion de l'histoire, qui n'est aucunement simple à raconter. Comment dire la lutte, la survie, l'angoisse et la peur permanentes? Comment dire le mur, les fosses, la terre, le
demi-ciel? Comment dire l'abandon, comment dire l'Autre? Comment continuer quand l'attente d'un massacre vous ronge chaque jour un peu plus ?
Ce qui frappe c'est la radicalité de l'écriture, elle aussi extrêmement âpre, peu généreuse, et pourtant extrêmement organique, sensorielle. C'est un mélange totalement déroutant, et c'est pourquoi la lecture est plus lente, comme une dissection, comme si l'acte de lecture consistait à retirer la rouille d'un bel ouvrage. On sait que le chemin pour y arriver n'est pas glamour, mais qu'il en vaut la peine. Il faut user son regard sur le texte de
Joël Casséus pour en saisir la véritable richesse, la beauté qui s'y cache.
On trouve dans cette oeuvre naissante une touche McCarthyenne, on pense à La Route, bien que La Route semble presque bien douce face à l'âpreté de ces zones abandonnées, rouillées, anxiogènes, où les menaces sont multiples et omniprésentes.
Joël Casséus réussi à maintenir le cap, à continuer son exploration sans perdre le souffle fort présent dans
Crépuscules, tout en gagnant même en efficacité. Un auteur a découvrir pour les lecteurs téméraires.