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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Des effets de la férocité

« Je constate sans surprise que la voix de ma conscience possède le ton et les mots de ma mère. »

Ça débute par une virée à la neige, promesse exaltante d'un tête-à-tête entre un père souvent absent et son fils de huit ans. le père rêve de disputer une course de ski de fond en Suède et voudrait s'entraîner sur la piste rouge. Dans son sillage, l'enfant est silencieux et maladroit sur ses skis tout neufs. Soucieux de ne pas décevoir celui qu'il admire et redoute, il est prêt à tout accepter : les chutes, le froid, le mal de ventre et les désillusions. Tout plutôt que de pleurer.
« Ma mère déteste que je chialotte ̶ c'est comme ça qu'elle dit. Elle dit que c'est bon pour les filles et qu'elle ne supporte pas les pleureuses. Quant à mon père, il ne pleure pas, puisque c'est un homme. »
Mais la piste rouge se révèle plus dure que prévu et c'est la débâcle. le corps parle où ça se tait.
« Je suis vraiment un gosse insupportable, toujours dans ses pattes. Je suis un poids mort. »
Alex est un petit garçon ravagé. La culpabilité d'exister, déjà, le ronge.

Très vite, on sent que quelque chose fait obstacle à la rencontre entre l'enfant et son père. le discours maternel, hors champ, prend tout l'espace, il ordonne le monde et brouille l'image qu'Alex a de lui-même et de ce père, pourtant bienveillant, qui tente de se rapprocher de lui. Car la mère sait. Elle sait ce qui est bien pour son enfant. Elle sait ce qu'il est à défaut de savoir qui il est. Elle sait aussi que le père est mauvais et qu'elle doit protéger son fils. À n'importe quel prix…
« Je l'ai dit, la gentillesse dont il a fait preuve envers moi tout au long de la fin des vacances de Noël me dégoûte et me fait honte. Elle n'est pas digne de lui et je n'en suis pas digne. […]
Heureusement, mon père meurt quelques semaines plus tard. »



Avec une grande habileté, Manu Causse montre les effets sur l'enfant, d'un discours maternel plein de certitudes asséné à l'envi.


Porté par une belle écriture fluide, subtile et juste, « Oublier mon père » est un roman bouleversant sur l'emprise, la violence verbale et les effets du discours paranoïaque. Égocentrique, enragée et toute-jouissante, la mère est aussi une femme pathétique qui sombre lentement sous le regard aveugle de son partenaire de désespoir. La culpabilité qu'elle est incapable d'éprouver se déplace sur le fils qui poursuit vaillamment le sabotage de son existence, persuadé qu'il ne mérite pas mieux.
Mais c'est aussi un livre sur le langage en tant qu'il façonne les sujets et s'inscrit dans le corps. Terrassé par les excès de la langue maternelle, c'est par la langue, et dans une autre langue, qu'Alex va chercher à se soigner en France puis en Suède, sur les traces de ce père qui ne l'a jamais quitté.



Manu Causse, « Oublier mon père », Éditions Denoël 2018.
Rentrée littéraire sept. 2018

Lien : http://motcomptedouble.blog...
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L'auteur emmène le lecteur dans le Sud de la France et en Suède ou Alexandre, le narrateur, ne cessera de chercher son identité. Enfant fragile et anorexique, adolescent complexé, il grandit à l'ombre d'une mère autoritaire, sorte de Folcoche moderne, manipulatrice et violente et, à coup sûr, toxique. Son père, disparait dans un accident de voiture quand il a 9 ans.Alexandre va devoir se construire contre ce modèle paternel banni par la mère, et dans un mensonge initié et entretenu par la mère.
La quête identitaire du narrateur nous questionne sur notre propre identité, les limites floues entre mensonge et réalité et sur le poids délétère des secrets. Un roman réussi qui ne laisse pas indifférent.
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Fermer le roman de Manu Causse "Oublier mon père" ne signifie pas l'effacer de sa mémoire et passer à autre chose, loin de là. Il fait partie de ces écrits qui vous hantent longtemps après, vous interrogent, vous remuent, vous bouleversent.

Le récit débute en Suède. Alexandre, le narrateur, nous raconte son histoire, sa vie, à coup de retours en arrière. Il est très jeune lorsque son père disparaît prématurément et il reste seul avec sa mère, colérique, sans chaleur, d'un autoritarisme forcené. Cette dernière le somme d'oublier ce père, doux et gentil. Ils s'installent tous les deux dans un collège de la banlieue de Tarbes où elle a obtenu un poste de documentaliste. L'enfant reste maladroit, peu communicatif. Harcelé par ses camarades, il traîne une existence douloureuse, ponctuée de "crises" jusqu'à la perte de connaissance, crises liées à des maux de tête insupportables dont personne ne comprend la cause. Ce n'est que petit à petit que l'auteur révèle les secrets de cette vie cassée.

Est-ce parce mon second fils porte le prénom du narrateur ? Est-ce parce que lui aussi est désormais un homme ? Est-ce parce que je me pose souvent des questions sur la mère que j'ai été ? Mais les difficultés d'Alexandre à trouver sa place dans le monde des "grands" m'ont particulièrement touchée. Ce récit pose la question essentielle de la construction de soi, de la responsabilité des parents dans le bonheur – ou non – de leurs enfants, de l'aide apportée à leur envol. Il étudie avec beaucoup de finesse et d'empathie le côté obscur de la vie, les conséquences d'un manque d'amour et de la perte d'un être cher. Il décortique les sentiments, la difficulté de l'enfant à admettre la nocivité de sa mère pourtant toxique.

Le style, sans fioritures, l'écriture, sobre et très simple facilitent la lecture et les pages volètent à vive allure. J'ai aussi trouvé, et beaucoup aimé, au détour d'une phrase, un mot vraisemblablement local, et régulièrement employé dans le roman : "chialotter" jusqu'ici absent de mon vocabulaire habituel. Son côté imagé, délicieux, suranné, adoucit la tristesse latente. La construction, m'a, par ailleurs, semblé intéressante qui, par chapitres alternés, nous fait voyager de France en Suède, nous parle d'un enfant puis de l'homme qu'il est désormais. J'ai aimé tout le travail autour de la photo, passion paternelle qui dévoile Alexandre à lui-même tel un cliché sortant de son bain de révélateur. le final, inattendu, synonyme d'une nouvelle naissance se révèle plein d'espoir.

Un roman, véritablement poignant.

Lien : https://memo-emoi.fr
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Un livre recommandable, une histoire bien ficelée, bien pensée servie par une maîtrise de la langue précise.
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Alexandre, 9 ans, voit son père disparaître de sa vie du jour au lendemain. Sa mère, autoritaire, colérique et mythomane est alors son seul modèle pour se construire. On suit sa vie et ses déboires, toujours les mêmes erreurs qui se répètent, toujours les mêmes sensations de vide et de mal-être.

Alexandre passe le plus clair de son temps a essayer de disparaître, à faire ce qu'on lui dit, à supposer que la vie doit être ainsi.
« J'écoute la voix de la sagesse. Après tout, mon beaux-père, comme ma mère de son vivant, sait mieux que moi où se trouve mon bonheur. »

Parsemé d'épisode d'anorexie, de crise d'hallucination, de séjour en hôpital psychiatrique, Alexandre est un homme brisé par les mensonges de sa mère. le passé le rattrape constamment et il dégringole de plus belle.

« Je ne peux m'empêcher de penser que tout ça, c'est ma faute ; que c'est moi qui leur ai transmis ma disgrâce, mon incapacité à être heureux. Que je suis contagieux. »

Ce n'est que sur le tard, lorsqu'il aura appris à regarder en arrière, à comprendre son passé qu'Alexandre réussira à vaincre ces vieux démons. C'est sur les traces de son père disparut, celui là même qu'il a apprit a détester auprès de sa mère, qu'il renaîtra.

Après avoir fermer ce livre, je me suis senti à la fois apaisée et triste de quitter Alexandre.
Au final, je n'ai pas grand-chose à dire sur ce roman, tellement j'ai été porté par la narration ; malmenée par l'histoire, aux côtés du protagoniste et bouleversée par ses péripéties.
C'est un roman qui fonctionne très bien et je garde encore en moi ce sentiment de plénitude, qu'atteint le personnage, en haut des montagnes de Suède. Je le relirais sans aucun doute !
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