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Critique de KiriHara


Maximilien Heller, avec ce titre patronymique, Henry Cauvain nous conte les aventures d'un héros qui en rappellera un autre bien plus célèbre.

Henry Cauvain, si vous ne le connaissez pas, est un écrivain français né en 1847 à Paris et mort à Lausanne en 1899.

L'auteur a écrit plusieurs romans, mais c'est avec son tout premier, "Maximilien Heller", qu'il aurait pu accéder à une notoriété bien plus grande.

En tout cas, un autre écrivain est devenu mythique grâce à un personnage très très proche de celui inventé par Cauvain.

Effectivement, si je vous parle d'un enquêteur grand et fin, ayant des capacités intellectuelles supérieures, alternant des moments de lassitudes avec d'autres d'hyperactivités, très observateur, solitaire, qui n'hésite pas à se droguer dans des moments d'inactivité, qui se déguise pour faire avancer ses enquêtes. A qui pensez-vous ?

Et si je rajoute que ce personnage n'a pour seul ami qu'un docteur et que c'est ce dernier qui relate ses aventures, qu'il est un grand amateur de chimie et qu'il a pour nemesis un être à la supériorité intellectuelle indéniable, maniant également l'art du déguisement et qu'un profond respect s'installe entre les deux hommes ?

Évidemment, vous pensez à Sherlock Holmes de Sir Arthur Conan Doyle. Et pourtant, 17 ans avant la première aventure du plus célèbre détective racontée en 1887 dans "Une étude en rouge", Henry Cauvain présentait les aventures de Maximilien Heller, un "Sherlock Holmes" avant l'heure.

C'est d'ailleurs assez troublant, pour tout "Holmésien" tel que moi, de découvrir, le personnage de Maximilien Heller après coup. Difficile, alors, de ne pas imaginer se trouver devant un pastiche du détective, une oeuvre apocryphe. Seul problème, Maximilien est l'aîné de Sherlock.

Aussi, on est en droit de se demander si Arthur Conan Doyle n'a pas lu le roman de Henry Cauvain avant d'écrire "Une étude en rouge". A la lecture des aventures du héros français, on est assuré que si.

Cependant, même en tentant de tenir à distance la ressemblance avec Sherlock Holmes, le roman de Cauvain est une oeuvre plus qu'appréciable.
C'est une aventure passionnante pour diverses raisons que Henry Cauvain nous conte là. Si l'on met de côté l'exaltation à l'idée de découvrir les points communs entre Maximilien et Sherlock, c'est également la découverte d'un personnage atypique et intéressant ainsi que d'une enquête relativement courte qui n'est polluée par aucun traitement extérieur prévalant dans la littérature moderne qui nous est ainsi proposée.

C'est par un ami commun que le narrateur, le docteur, dont on ne connaîtra pas le nom, fait la connaissance de Maximilien Heller, un ancien avocat ayant abandonné la profession par dépit de ne servir qu'à enrichir les déjà riches à défaut de servir la justice. le docteur découvre alors, un homme faible, pâle, fiévreux, qui se plaint d'un mal inconnu mais forcément fatal, selon lui, qui est dû à une lassitude et au manque d'activité de son cerveau supérieur. L'homme, un intellectuel, philosophe et riche, vis reclus, avec pour seule compagnie un chat, passant son temps allongé devant la cheminée.

Alors que les deux hommes conversent, la police frappe à la porte de Heller pour lui demander d'être témoin de la perquisition du logement de Guérin, un valet accusé du meurtre de son maître. Alors que tout désigne la culpabilité de l'accusé et que la police semble se satisfaire de cet état de fait, Maximilien, grâce à ses talents d'observation et de déduction, est convaincu de l'innocence du bonhomme et décide de tout faire pour prouver ses dires, plus pour démontrer sa supériorité intellectuelle, la faiblesse de la police et s'occuper l'esprit que par envie de faire le bien.
Alors qu'il se lance dans l'enquête en compagnie de son ami le docteur, Maximilien tombe sur un bien drôle de personnage, le Docteur Winckson, un être ingénieux et adulé mais qu'il soupçonne très rapidement d'être lié au meurtre. Heller décidera alors de se déguiser pour entrer au service du frère du défunt, sachant que l'affaire est bien plus compliquée qu'il n'y parait et qu'un génie du crime ayant échappé à la justice est derrière tout cela d'une manière ou d'une autre.

Outre tous les points de ressemblances déjà citées on retrouvera également des similitudes entre des points de l'histoire. Si le crime en pièce close (une victime, mais personne n'a pu entrer ni sortir de la pièce), n'est pas le monopole de Conan Doyle avec, par exemple, l'enquête de "La bande mouchetée", puisque d'autres ont conté ce genre d'enquêtes comme Gaston Leroux avec "Le mystère de la chambre jaune" ou Edgar Alan Poe avec "Double assassinat dans la rue morgue", certaines ressemblances entre les passages dans le château du maître en pleine nature et celles du "Le chien de Baskerville" ne sont peut être pas totalement une coïncidence.

Si l'on peut avancer que Doyle a plus approfondi ses personnages que ne l'a fait Cauvain, il faut également préciser que ce dernier n'a conté qu'une seule enquête de son personnage et sur une courte distance alors que Doyle a ciselé ses personnages sur soixante aventures.

On peut même noter une expression de Heller, assez proche du "Lorsque vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, aussi improbable que cela paraisse, doit être la vérité." de Sherlock Holmes avec : "Je ne cherche qu'une seule chose : les faits. Quand je les aurai tous dans ma main, alors, au milieu de ces invraisemblances qui semblent d'abord si bizarres, vous verrez la vérité luire, plus éclatante que le soleil."

Mais, abandonnons les similitudes car, "Maximilien Heller" mérite beaucoup mieux que la seule considération d'être un Sherlock Holmes avant l'heure.

Enthousiasmant que ce personnage énigmatique qui ne paie pas de mine, souffreteux, pâle, maladif, lymphatique et qui, une fois lancé dans une enquête se révèle être un redoutable chasseur.

Encore plus intéressant cet homme qui s'épuise dans une enquête sans vraiment se soucier de sauver l'accusé mais qui n'oeuvre que pour flatter son égo ou s'occuper l'esprit. L'esprit d'observation et de déduction du personnage est également hautement intéressant. La relation toute particulière entre le docteur et l'enquêteur, alors que les deux hommes se connaissent, au final, si peu, est également là une autre particularité intéressante.

Mais le traitement du roman est également particulier puisque celui-ci se découpe en quatre parties (dont une semble imposée par l'éditeur pour atténuer les côtés négatifs de Maximilien Heller, mais j'y reviendrai).

Effectivement, la première partie est narrée par le docteur. Ce dernier nous raconte de quelle façon il a rencontré cet être supérieur et particulier qu'est Maximilien Heller ainsi que toute l'admiration qu'il lui voue très rapidement. le docteur raconte ensuite le début de l'enquête, à laquelle il participe, jusqu'à ce que Maximilien se déguise pour entrer au service du frère de la victime. Ensuite, c'est Maximilien lui-même qui raconte la suite de l'enquête par l'intermédiaire de lettres qu'il envoie à son ami. Vient ensuite le temps où Heller résout l'enquête et explique la façon dont il s'y est pris.

Puis, la quatrième partie qui semble avoir été imposée à l'auteur tant elle dénote, et par le ton, et par l'esprit du héros. le docteur retrouve Heller qui a décidé de disparaître après l'enquête et l'invite à prendre du repos à la campagne afin d'y visiter un château bien curieux. A défaut de château, il s'agira de la ferme de Guérin, l'homme que Heller a sauvé de l'échafaud et à qui il a offert une petite somme d'argent pour le dédommager de ce que la justice lui a infligé. Vient alors des remerciements très politiquement corrects qui ne font qu'affadir le personnage que l'on avait pourtant aimé tel qu'il était.

C'est grâce à cette quatrième partie que l'on doit sûrement se féliciter du peu d'intérêt qu'avait Doyle pour son personnage, au départ, puis de sa rage envers lui, par la suite, ce qui a probablement imposé, dans sa plume, une volonté de ne jamais rendre Sherlock Holmes humain et appréciable. Car, ce qu'on aime chez Sherlock Holmes, c'est d'aduler un personnage que l'on détesterait en vrai. Effectivement, si le détective est admirable, l'homme est exécrable et c'est ce qui fait tout son intérêt qui l'a imposé comme le personnage littéraire le plus adulé de tous les temps.

Là, Henry Cauvain se voit probablement contraint à polir un peu son héros et à proposer une fin heureuse.

C'est donc le succès inespéré des nouvelles de Sherlock Holmes dans les magazines, et, donc, la position de faiblesse des éditeurs qui se trouvaient face à un auteur qui n'aimait pas son héros qui a probablement contribué à son succès et à conserver Sherlock Holmes dans sa position d'anti-héros.

Au final, Maximilien Heller est un excellent roman policier qui se lit très rapidement, avec un grand plaisir et qui enthousiasme le lecteur tant par ses propres qualités qu'en tant que précurseur du plus grand détective que la terre ait porté.
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