- Je ne peux pas, dis-je.
Mouvement de sourcils de la partie adverse. Jeunes garçons à qui on apprend dans les écoles des choses bien inutiles sur les longueurs des grands fleuves, Spinoza et le participe passé, sachez la seule chose qui vaille la peine : les sourcils des femmes sont des sources d'infinies terreurs.
- Et pourquoi tu ne peux pas ?
Finalement j'ai mis la rouge à pois noirs. Je parle de la cravate. Je l'ai enlevée dans la voiture en partant et l'ai remise à l'arrivée. La peur du débraillé a été supérieure à la volonté du nonchaloir. Ca se dit encore ça "nonchaloir" ? Depuis quelques temps, je me trouve le vocabulaire daté.
Je vais replonger. Au bout de ma ligne, il doit bien y avoir encore un goujon de souvenir, une ablette du passé… de quoi m'enfouir dans la mémoire jusqu'à l'instant de vérité. Je vais fermer les yeux à nouveau et remonter la canne à pêche...
Les fleurs sont des choses odorantes dont la fonction sert à éviter les drames.
Nous sommes amants. Je la regarde, pimpante, joyeuse, avec cette mobilité qui lui fait, même assise, la hanche virevoltante, et je n'en reviens toujours pas. Pourquoi moi ? Comment ça s'est fait, comment est-ce possible, moi si filandreux, si indigne..
On pourrait supposer qu'un garçon aussi futé et brillant que moi, puisque distingué professeur de l'Université de Paris, aurait naturellement des pensées acérées et finement ciselées. Pas du tout. Pour être intelligent, il faut que je force. J'ai une propension à ma laisser aller au vagabondage guilleret dans les vastes et verdoyantes vallées de la stupidité. J'ai grande joie à ma vautrer sous les accueillantes frondaisons de la couillonnade.
"De plus en plus nous nous réveillerons avec les dents jaunes"