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Citations sur Choix de poèmes (98)

À PRAGUE

La demi-mort,
allaitée avec notre vie,
était là tout autour de nous vraie d'images de cendre —

nous aussi
nous buvions encore, entrecroisés d'âme, deux dagues,
cousus à des pierres de ciel, nés de sang de mot
dans le lit de nuit,

nous avons grandi et grandi
de plus en plus l'un au travers de l'autre, il n'y avait
plus de nom pour
ce qui nous poussait (l'une des trente
et combien
était-elle, mon ombre vivante,
qui grimpait l'escalier de délire jusqu'à toi ?),

haute tour,
l'À-moitié s'allait construire dans le vers où,
Hradschin
de pur Non-de faiseur d'or,
un hébreu d’os,
moulu en sperme,
s’écoulait dans le sablier
que nous traversions à la nage, deux rêves maintenant,
sonnant
contre le temps, sur les places.

p.259-261
Extraits, RENVERSE DU SOUFFLE (ATEMWENDE), Gallimard 1998.
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J'AI ENTENDU DIRE



J'ai entendu dire : il y a
dans l'eau une pierre et un cercle
et au-dessus de l'eau une parole
qui met le cercle autour de la pierre

J'ai vu mon peuplier descendre à l'eau,
j'ai vu son bras aller s'accrocher dans la profondeur,
j'ai vu ses racines supplier le ciel que vienne une nuit.

Je n'ai pas couru derrière lui,
j'ai seulement ramassé par terre la miette
qui de ton œil a la forme et noblesse,
j'ai ôté à ton cou la chaîne des formules
et j'en ai ourlé la table où la miette se trouvait maintenant.

Et je n'ai plus vu mon peuplier.


/traduit de l'allemand par Jean-Pierre Lefebvre
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SOMMEIL ET REPAS



Le souffle de la nuit est ton drap, la ténèbre se couche contre toi.
Elle t’effleure la cheville et la tempe, te réveille à vie et sommeil,
elle te traque et déniche dans un mot, un désir, une pensée,
elle couche avec chacun d’eux, elle t’appâte et débusque.
Elle te peigne le sel des cils et te le donne à manger, à l’écoute
   de tes heures,
elle en recueille le sable et te le sert à table.
Et ce que, rose, elle fut, ombre et eau, elle te le verse.


/Traduction : Jean-Pierre Lefebvre
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Corona


traduction n° 2

L’automne me mange sa feuille dans la main :
                   nous sommes amis.
Nous délivrons le temps de l’écale des noix et
lui apprenons à marcher :
le temps retourne à l’écale.

Dans le miroir, c’est dimanche,
dans le rêve on est endormi
la bouche parle sans mentir.

Mon œil descend vers le sexe de
                             l’aimée :
nous nous regardons
nous nous disons de l’obscur,
nous nous aimons comme pavot et mémoire,
nous dormons comme un vin dans les coquillages,
comme la mer dans le rai de sang jailli de la lune

Nous sommes là enlacés dans la fenêtre,
    ils nous regardent depuis la rue :
Il est temps que l’on sache !
Il est temps que la pierre se résolve enfin à fleurir.
qu’à l’incessante absence de repos batte un cœur.
Il est temps que le temps advienne.

Il est temps.


/Traduction de Jean-Pierre Lefebvre
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Soleils-filaments
au-dessus du désert gris-noir.
Une pensée haute comme un arbre
accroche le son de lumière : il y a
encore des chants à chanter au-delà
des hommes.
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NATURE MORTE

Bougies avec les bougies, scintillances avec les scintillances,
lueurs avec les lueurs.

Et ici en dessous, ceci : un œil,
dépareillé et clos,
frangeant de cils le Tard qu'on voyait poindre
sans être le soir.

Devant, le Non-connu, dont tu es l'hôte ici :
le chardon sans lumière
dont l'Obscur fait cadeau aux siens,
depuis le Lointain,
pour demeurer inoublié.

Et puis encore, ceci, porté disparu dans le Sourd :
la bouche,
pétrifiée et les crocs refermés sur des pierres,
hélée par la mer
qui toutes les années roule vers le haut ses glaces.

p.101
Extraits, de seuil en seuil (von schwelle zu schwelle), Gallimard 1998.
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MANDORLE

Dans l'amande — qu'est-ce qui est dans l'amande ?
Le néant.
C'est le néant qui est et se tient dans l'amande.
Il est là et continue d'être.

Dans le néant — qui donc est là et se tient ? Le roi.
C'est le roi qui est là, le roi.
Il est là et continue d'être.

Boucle de juif, tu ne seras pas grise.

Et ton œil — vers quoi se tient-il ton œil ?
Ton œil se tient et fait face à l'amande.
Ton œil, c'est au néant qu'il fait face.
Il se tient et reste du côté du roi.
C'est comme ça qu'il est, tient, continue d'être.

Boucle d'homme, tu ne seras pas grise.
Amande vide, bleu roi.

p.193
Extraits, LA ROSE DE PERSONNE (DIE NIEMANDSROSE), Gallimard 1998.
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DANS LA LANIERE DE PRIERE BLANCHE -- le
Seigneur de cette heure
était
une créature d'hiver, c'est
pour lui plaire
qu'est arrivé ce qui est arrivé--
ma bouche grimpante a mordu, s'est accrochée, une fois
encore,
quand elle t'a cherchée, trace de fumée
toi, là-haut,
silhouette de femme,
toi en voyage vers mes
pensées de feu dans le gravier noir
au-delà des mots de scission à travers
lesquels je t'ai vue partir, haute
perchée sur tes jambes et
ta propre
tête
aux lèvres lourdes
sur le corps vivant de mes
mains
mortellement exactes.
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Solstice (« Sonnenwende »)

Toute bleue, la nuit fleurit : pour qui ? pour qui ?
À l’est, que verrons-nous donc, ici ?
La haie avec sa couronne d’incandescence
A imposé aux armes d’entrer en danse.

La fille à qui j’ai ordonné de s’endormir
De son grand cœur s’en va férir.
La lune – qui l’a décapitée ? – observe, blême,
Comment mon âme puise à la fontaine.

(…)

À toi, là-bas, sous le menton je dessine
La blessure que je suis moi-même.
Si ma cendre ressemble à la tienne,
Ton Vrai Empire sera peut-être en gésine.
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Schibboleth

Parmi mes pierres
grandies sous les pleurs
derrière les grilles
ils m'ont traîné
au milieu du marché,
là-bas
où se déploie le drapeau auquel
je n ai prêté aucun serment.
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