Claude Roy croque le portrait le plus affûté de Marguerite : « Elle avait un esprit abrupt, une véhémence baroque et souvent cocasse, une ressource infinie de fureur, d’appétit, de chaleur, d’étonnement, une brutalité de chèvre, une innocence de fleur, une douceur de chat. [...] Et ce mélange, inimitable, de la Religieuse portugaise et d’Edith Piaf, la préciosité baroque et la simplicité d’une paysanne qui va aux champs avec sa petite serpette et son petit panier. »
Marguerite a perdu deux fois un enfant : à dix-douze ans, la fille abandonnée par la mendiante et à vingt-huit ans, un fils à la naissance. L'écriture chez Duras sert de barrage contre la folie : folie maternelle qui lui donne "un enfant à mourir", propre folie de Marguerite qui, à plusieurs reprises, se sent proche de cet état.
Que racontait-elle ? Essentiellement des histoires d'amour, vues sous l'angle du désir, d'amour-passion, d'amour-à-mort, d'amour au-delà de l'amour.
Tout au long de sa vie, elle a développé une mystique de l'écriture, où mère et mer s'entendent au-delà de l'homophonie, où cri et écrit sont des mots qui vont bien ensemble. Elle ne cède sur rien. Elle suit la pente de son désir.
L'amour est la grande affaire de Marguerite Duras, dans sa vie comme dans son œuvre. Sismographe du cœur, elle est l'écrivain du désir, l'auteur de la passion. Elle a vécu, décrit, mis en scène, filmé l'amour. Ses titres y font référence: L'amour, L'amant...
Duras incarne la figure de l'écrivain avec l'écriture pour destin et le livre comme fétiche. C'était sa raison de vivre ou plutôt de ne pas mourir, "un risque mortel" entouré de solitude. Et si on la raille, si on la pastiche, c'est parce qu'elle a un style à elle, unique dans la littérature. Sa petite musique tient de l'incantation.