Citations sur À un détail près (17)
Aujourd’hui, on est en plein cynisme. Nous sommes la société de la périphrase, des trembleurs, celle où les gens n’osent plus dire qu’un chat est un chat.
Je ne résiste plus. Même plus à la résistance elle-même. Je suis à la dérive.
(…) Je ne me change pas les idées, ce sont les idées qui me changent. J’étais la joie, je suis le désespoir. J’étais l’enthousiasme, je suis le ressentiment. On m’a précipité dans un désordre où rien ne compte. Ni hier, ni aujourd’hui, ni demain.
Un malheur, ça se couve. Le mien est bien au chaud.
Les gens qui ont perdu un être cher se ressemblent. Ils ressassent ce qu’ils étaient, ce qu’ils sont, ce qu’ils avaient, ce qu’ils n’ont plus. Moi, dans mes rêves, c’est toujours pareil. Victoire est là. Comme si elle n’était jamais partie. En dehors des douleurs, les regrets s’amoncellent. Oui, les regrets. Car les jouissantes perdues le sont à jamais. Quand je crois apercevoir Victoire au détour d’une rue, au sortir d’un commerce, elle me frôle tel un doux fantôme. J’éclate en sanglots. Où est-elle ? Je marche à tâtons, je titube, je hurle. Une fois j’espère, une autre je désespère.
Il y a un monde entre les croyants et nous. J’ai toujours cru que le premier prophète, chrétien, juif, musulman, hindou ou je ne sais quoi encore, a été le premier fripon à rencontrer le premier imbécile venu. Le doute persiste, puisque personne ne nous a raconté ce qui se passe de l’autre côté. Il est quand même permis de se demander si ce que nous assimilons à la vie éternelle n’est pas simplement l’expression de la jouissance que procure un repos pas vraiment mérité entre des millions de dégringolades.
Quelqu’un qui fait des paris sur le hasard ne gagne jamais. Je devrais méditer cette définition du hasard qui en dit long. Le hasard, c’est la logique de Dieu. Et aussi cette citation de Voltaire : « Dieu ? Nous nous saluons, mais nous ne nous parlons pas. » Exactement ça. Dieu ou le Grand Absent.
Quand on n'attend plus rien, on attend l'heure des repas.
D’ici, on pouvait voir ses jambes qu’elle croisait et décroisait, son décolleté qui tranchait sur l’ambiance générale. Elle ressemblait à une écuyère. Quand elle m’aperçut, elle me gratifia d’un petit coucou. Surpris par ce geste amical, je me suis rejeté en arrière.
C’est une fille joviale, un peu rude, laiteuse de peau, cheveux courts, toujours en débardeur et jupe courte. Qu’il fasse chaud ou froid, elle est légèrement vêtue. Pour moi, un mystère pâtissier. Quand elle lève les bras, ses aisselles s’offrent telles des fleurs ouvertes et humides, lisses, sans une ombre. Parfois, en passant l’aspirateur, elle prolonge le faisceau de ses cuisses. Ça remonte jusqu’à la culotte. Toujours blanche et dentelée. Je sens bien qu’elle essaie de me charmer.
Un malheur, ça se couve. Le mien est bien au chaud. Personne ne viendra le troubler. Un jour, tout s’arrêtera. Je ne verrai plus, je ne sentirai plus, je n’entendrai plus. Il sera temps de retourner aux fleurs. D’être poussière. Minéral. Exposé aux quatre vents du néant.