En 1974,
L'Antivoyage parut, propulsant
Muriel Cerf, personnalité singulière, parmi les plus grands auteurs.
André Malraux avait d'ailleurs dit qu'elle « possédait le don de la narration ». Intrigué, je me suis procuré ce roman car j'avais envie de découvrir le style de
Muriel Cerf. Et quelle belle surprise ce fut ! Mais pourquoi avoir nommé ce roman «
L'Antivoyage » ? Pourquoi ne pas l'avoir
prosaïquement nommé « le Voyage » ? Plongez-vous dans sa lecture pour le découvrir !
Muriel, notre narratrice de vingt ans s'apprête à partir pour un long périple en Asie avec Rita, sa copine du lycée ! Je crois que j'ai rarement lu une écriture aussi vivante et puissante, on sent l'énergie de l'auteur dans ses termes, tantôt c'est un récit, tantôt un conte, tantôt journal de bord ! L'itinéraire de notre voyageuse est le suivant : après une escale au Caire, direction Bombay et là... c'est le temps de la désillusion. L'Inde et ses légendes ? En fumée ! Dispersées aux quatre vents !
Sous un soleil de plomb, la narratrice découvre la misère des autochtones, l'enfer des maisons closes et les fléaux qui ravagent le pays. Mais notre aventurière s'avoue-t-elle vaincue ? Non, elle en redemande, Bombay n'était qu'un échantillon de sensations fortes, cap sur Katmandou la chaotique !
Ouf, l'air est plus respirable est moins vicié qu'en Inde ! La nourriture est comestible ! Des sandwiches au ketchup ? Ils feront l'affaire, donnez, donnez ! de la noix de coco ? Vous en mettez partout ! Dans les cheveux, sur le corps et dans les plats ! Qu'à cela ne tienne, ça nous fera de beaux souvenirs, allez, adjugée vendue !
Tiens, un môme qui n'a pas la langue dans sa poche veut nous escorter ? Allez, on l'emmène, il connaît le coin ! Ce n'est plus un voyage mais un pèlerinage, une ascèse ! On perd du poids à parcourir tant de kilomètres ! Direction Calcutta. C'est épouvantable : cette odeur de terred, sueur, de calcination est insoutenable, il faut que je m'immobilise quelques instants tant le soleil m'accable. Tiens, un nouveau visage qui m'a l'air sous le charme de la narratrice. Difficile de savoir ce qu'il peut bien penser avec ses airs de Mazarin. Qui sait, peut-être n'est-il pas si méchant que cela... mais cela suffit, la narratrice s'enivre, s'amuse, se lasse... poursuivons ce périple à Singapour. Des hôtels, des couverts, des clients habillés à la mode occidentale ! J'en avais presque oublié leur existence ! Amaigrie et rougie par le soleil, dans son jean élimé, l'aventurière peut enfin entamer un retour à la civilisation... mais en a-t-elle réellement envie ? Après tout, ce périple ascétique n'est probablement pas encore achevé... Paris et les siens lui semblent si lointain, à des années-lumière même !