Ce n'est pas assez dire qu'on meurt seul : on meurt abandonné, trahi. Et non pas au dernier instant mais depuis des années. Le siècle où nous vivons nous devient étranger. Il appartient, et c'est justice, à ceux qui vont y vivre plutôt qu'à ceux qui vont le quitter. Abandonnés, trahis par l'oeuvre de nos mains. Les vieillards ne sont pas seulement dépaysés, mais amers.
La mort est un tourniquet où l'on passe un à un. Lorsqu'une guerre, une épidémie, une catastrophe en font un portillon où l'on s'engouffre, nous nous affolons.
Nous aussi, rois ou bergers, nous marchons vers notre Bethléem : vers la plus grande joie au sein du plus grand dénuement.
Saints, héros, dandys, leur force vient de ce qu'ils n'ont pas peur de la mort, que ce soit par la foi, par inconscience ou par frivolité.
Tous les "mystères" dont s'émerveillent ou s'épouvantent les hommes sont de pacotille. Il n'en est que deux essentiels, inconnaissables, incompréhensibles : l'Amour et le Mal, Dieu et la Mort - et ils communiquent.
Il y a donc deux morts : l'une dont le Christ nous a délivrés, l'autre à laquelle nul n'échappe - pas même lui.
Parce que notre existence n'aura été, en tout domaine, qu'un interminable contentieux, voici qu'en son dernier Instant, le souci de notre évidente indignité risque de nous cacher, de nous gâcher l'immense espoir de voir l'Amour face à face !
(Lieu à l'écart où Dieu m'attend. Longtemps ce fut l'église, à présent c'est la mort
Je les vois dans d'autres plaines
Vivant d'un autre printemps.
Je les vois au bord du Temps
Observant nos longues peines.
S'il leur restait une haleine
Leur coeur serait haletant.
Puisque enfin tu vas tout savoir sans apprendre, désapprends donc ce qui ne t'a rien fait savoir (Léon Paul Fargue)