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Citations sur Récits de la Kolyma - Intégrale (59)

En 1938, dans les camps, les truands furent ouvertement conviés à exterminer les trotskistes. Il tuaient et rouaient de coup des vieillards sans défense, des crevards faméliques...

Alors que même la propagande contre-révolutionnaire était punie de mort, les crimes des voleurs, eux, étaient sous la protection des autorités.
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L'isolation, c'était du repos, fût-il momentané ; comment savoir d'ailleurs s'il nous fallait un instant, un jour, un an ou un siècle pour retrouver notre corps d'avant ?
Quant à notre âme d'avant, nous n'escomptions pas la retrouver, jamais. Et nous ne l'avons pas retrouvée, bien entendu. Aucun de nous.
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Nous étions tous habitués à respirer l'odeur aigre des vêtements sales et de la sueur -- encore heureux que les larmes n'aient pas d'odeur.
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Une douleur persistante s'empara de mes muscles. Quels muscles pouvais-je bien avoir à l'époque, je l'ignore! Mais la douleur était là et elle me mettait en rage, car elle m'empêchait de m'abstraire de mon propre corps. Et puis je vis surgir en moi autre chose que la colère ou la rage. C'était l'indifférence, l'absence de peur. Je compris que tout m'était indifférent: être frappé ou pas, avoir ou non mon déjeuner, ma ration de pain. Et bien qu'on ne nous battît pas aux fouilles de prospection, à cette mission sans escorte -on ne tabassait qu'aux gisements-, je me souvenais des coups et mesurait mon courage à l'aune des gisements d'or. Cette indifférence, cette absence de peur jetèrent un pont fragile qui m'éloigna de la mort. La conscience qu'ici on n'allait pas me battre, car ici on ne battait pas, cette prise de conscience engendra de nouvelles forces et de nouveaux sentiments.

Après l'indifférence vint la peur, une petite peur: la crainte d'être privé de cette vie salvatrice, de ce travail salvateur de bouilleur, du ciel haut et froid et de la douleur persistante de mes muscles épuisés. Je compris que j'avais peur de partir d'ici et de retourner aux gisements d'or. J'avais peur et voilà tout. De ma vie, je n'avais lâché la proie pour l'ombre. Jour après jour, de la chair repoussait sur mes os. L'envie, tel est le sentiment qui me revint ensuite. Je me mis à envier mes camarades morts, ceux qui avaient péri en 1938. Je jalousai aussi mes voisins vivants en train de manger, de fumer. Mais je n'enviai jamais les gradés, ni le chef de travaux ni le chef de brigade: c'était un autre univers.

L'amour ne me revint pas. Ah, que l'amour est loin de l'envie, de la peur et de la colère! Comme il n'est pas nécessaire à l'homme! L'amour survient quand tous les sentiments humains sont déjà revenus. Il survient, il revient en dernier -d'ailleurs, revient-il vraiment? Mais il n'y avait pas que l'indifférence, l'envie et la peur pour témoigner de mon retour à la vie. La pitié à l'égard des animaux me revint avant la pitié envers l'homme.

(Maxime P88)
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- Le plus important, c’est de survivre à Staline. Tous ceux qui lui survivront seront sauvés. Vous comprenez ? Il est impossible que la haine de millions d’hommes ne se matérialise pas un jour. Vous comprenez ? Il mourra de cette haine générale. Il aura un cancer ou autre chose. Comprenez-vous ? Nous resterons en vie.
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Aucun des anciens de la Kolyma ne comptait revenir vivant du Nord, une nouvelle condamnation n'avait aucune importance.
Du moment qu'on ne vous fusillait pas, qu'on ne nous tuait pas. Et même...
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Je ne voudrais pas retrouver ma famille maintenant. Là-bas, ils ne me comprendront jamais, il ne peuvent pas.
Tout ce qui leur parait important, je sais que c'est du vent. Ce qui est important pour moi, ils ne peuvent le comprendre ni le partager. Ce que j'ai connu, un homme ne devrait pas le connaître, ni même savoir que cela existe...
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Non, il n'est pas seulement le prophète du temps. Le pin nain est l'arbre de l'espoir : c'est l'unique arbre à feuilles persistantes de tout le Grand Nord. Dans la neige blanche étincelante, sa ramure d'aiguilles vert mat raconte le Sud, la chaleur, la vie. L'été, il est modeste et passe inaperçu : tout fleurit alentour avec vélocité pour tenter d'atteindre un plein épanouissement pendant le bref été du Nord. Les fleurs du printemps, de l'été et de l'automne se succèdent, exubérantes. Mais l'automne approche, et tombent les petites aiguilles jaunies qui laissent les mélèzes à nu, l'herbe des champs se pelotonne et se dessèche, la forêt se dénude et on peut alors apercevoir sur l'herbe jaune pâle et sur la mousse grise le flamboiement des grandes torches vertes de pin nain.
J'ai toujours considéré le pin nain comme l'arbre russe le plus poétique, bien plus que le fameux saule pleureur, le cyprès ou le platane. Et ses bûches donnent davantage de chaleur.
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Je réfléchissais. Le pain était ici notre nourriture principale. La moitié des calories nous vient du pain. Pour le reste, l’alimentation est incertaine, elle dépend de facteurs divers : l’honnêteté du cuistot, s’il est repu ou non, s’il a envie ou non de faire son travail, des morceaux qu’il distribue à ses aides, du contrôle, de l’honnêteté des chefs, de l’honnêteté du planton, de l’honnêteté des gardiens et de leur appétit, de la présence ou de l’absence des ”droit commun”. Et enfin, événement tout à fait imprévisible, la louche de celui qui distribue la soupe peut accidentellement ne ramener que de l’eau de vaisselle.
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Je m'étais depuis longtemps juré que si on me frappait, ce serait la fin de ma vie. Je frapperais alors le gradé et on me fusillerait. Hélas, la faiblesse, une fois installée dans mon corps, gagna aussi ma volonté et mon jugement.

Parfois, l'homme doit se hâter pour ne pas perdre la volonté de se donner la mort.
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