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Citations sur Récits de la Kolyma - Intégrale (59)

Ah ce témoignage crucial a fait date et il est bienheureux que des vrais écrivains y prennent pied et en remontent avec une éloquence heureuse ce qu'il faut savoir dans une vie. Ca fait du bien de s'échapper de notre confinement -de la plus belle des façons-, de ces épreuves d'impréparation à la vie devant la mort où nous entraîne le Coronavirus et son lot de bêtises que nous assènent les politiques qui se prennent pour des médecins quand ce ne sont pas des médecins qui se prennent pour des politiques ; pour ce qui est du comportement des français on savait déjà qu'ils continuent de chanter et de danser quand l'ennemi ou la cata nous commande. On savait déjà aussi que bon nombre n'ont jamais vu une vache, à part au salon de l'agriculture. Ce n'est pas à ceux-là qu'on va leur demander s'ils savent ce qu'est la mort !..

Le brillant Dominique Fernandez dans son "Transsibérien" remonte en effet ceci de "Récits de la Kolyma" de Varlam Chalamov
"La date de la mort est-elle sûre ? Je me souviens de la magnifique élégie funèbre écrite par Varlam Chalamov dans les Récits de la Kolyma, sous le titre : Cherry-Brandy (1958). "Le poète se mourait. Ses grandes mains gonflées par la faim, aux doigts blancs, exsangues et aux ongles sales, longs et recourbés, reposaient sur sa poitrine sans qu'il les protégeât du froid. Avant il les cachait sous son caban, contre sa peau nue ; mais, à présent , son corps ne gardait pas assez de chaleur. Ses moufles, on les lui avait volées depuis longtemps ; les vols se faisaient en plein jour, pour peu que le voleur eût du toupet (...). Toute une vie, il s'était hâté vers quelque but. Et c'était merveilleux de ne pas avoir à se dépêcher, de pouvoir réfléchir lentement. Alors, sans hâte, il pensait à l'auguste uniformité des mouvements d'un moribond, à cette chose que les médecins ont comprise et décrite avant les peintres et les poètes. Le moindre étudiant en médecine connaît la face hippocratique, le masque du moribond; (....) Il mourut vers le soir. Mais on ne le raya des listes que deux jours plus tard. Pendant deux jours, ses ingénieux voisins parvinrent à toucher la ration du mort lors de la distribution quotidienne de pain ; le mort levait le bras comme une marionnette. C'est ainsi qu'il mourut avant la date de sa mort, détail de la plus haute importance pour ses futurs biographes".
Peut-être pas pour ses biographes, mais à coup sûr pour tous ceux qui seront bouleversés par ce mélange de gravité et de dérision qui marquait la vie dans les camps."

Merci à ces brillants écrivains. Ca valait vraiment le coup que Chalamov protégeât avec une précaution rare son précieux témoignage de ce qu'est capable le monde des hommes ainsi que notre Goncourt 1982, toujours aussi judicieux, nous en fasse profiter une seconde fois.
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Les valeurs sont brouillées et chaque notion humaine, bien que désignée par un mot dont l’orthographe, les sonorités, l’assemblage familier de sons et de lettres restent les mêmes, renvoie à quelque chose qui n’a pas de nom sur le « continent » : ici, les critères sont différents, les us et les coutumes particuliers ; le sens de chaque mot est transformé.
Lorsqu’il est impossible d’exprimer un sentiment, un événement ou un concept nouveau dans le langage humain ordinaire, on voit naître un mot neuf, emprunté à la langue des truands qui sont les arbitres de la mode et du bon goût dans l’Extrême-nord.
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Prévoir sa vie plus d'un jour à l'avance n'avait aucun sens. La notion même de sens est sans doute inconcevable dans cet univers fantastique. Cette solution (vivre au jour le jour), ce n’était pas le cerveau qui l'avait trouvée, mais une sorte d'instinct animal propre aux détenus, l'instinct des muscles. C'est lui qui avait trouvé cet axiome irréfutable.

(Le gant P127)
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La pierre, le Nord s’opposaient de toutes leurs forces à cette œuvre de l’homme en refusant d’accueillir les cadavres en leur sein. La pierre qui devait céder, vaincue et humiliée, se promettait de ne rien oublier, d’attendre et de conserver le secret.
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Il est extrêmement difficile de fouiller dans les souvenirs d’un cerveau racorni par la faim. Tout effort de mémoire s’accompagne d’une douleur lancinante, purement physique. Les recoins de ma mémoire étaient débarrassés depuis longtemps de déchets inutiles comme la poésie.
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L'espoir, c'est toujours l'absence de liberté.
Un homme qui espère en quelque chose change de comportement, transige plus souvent avec sa conscience qu' un homme qui n'a aucun espoir.
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L'homme ne vit que grâce à sa faculté d'oubli. La mémoire est toujours prête à oublier le mauvais pour se rappeler uniquement du bon.
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Je suis un crevard, un invalide patenté voué à l'hôpital, sauvé, arraché aux griffes de la mort par les médecins. Mais je ne vois aucun bien dans cette survie, ni pour moi, ni pour l’État. Notre échelle de valeurs a changé, nous avons franchi les frontières du Bien et du Mal. Être resté en vie est peut-être un bien, peut-être pas, c'est une question que je n'ai pas tranché à ce jour.

(Le gant P122)
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En potassant soigneusement une leçon, je me rappelai le foyer des étudiants de la première université de Moscou, en 1926, la Tcherkaska, dont les étudiants en médecine, ivres de travail, arpentaient les couloirs sombres la nuit : ils ne faisaient qu'apprendre par cœur et répéter, en se bouchant les oreilles. La cité universitaire grondait, riait, vivait. Tout pétillant de vie, philosophes, littéraires et historiens se moquaient des malheureux tâcherons de la médecine. Nous méprisions cette science où il ne fallait pas comprendre, mais apprendre par cœur.
Vingt ans plus tard, je potassais l'anatomie. Pendant ces vingt ans, j'avais fort bien compris ce qu'était qu'une qualification — les sciences exactes, la médecine, le métier d'ingénieur. Et voilà que Dieu me donnait l'occasion de m'y mettre également.
Mon cerveau était encore capable d'assimiler et de restituer des connaissances.
(Les cours, p. 662.)
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J’avais très envie d’être porteur d’outils, ne fût-ce qu’une journée, mais je comprenais que ce garçon, cet écolier avec ses doigts gelés emmaillotés dans des moufles sales et la lueur affamée de ses yeux, était un candidat plus approprié que moi.
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