Après ses huit heures, l'ouvrier rendait sa lampe de casque et récupérait sa taillette. Le lendemain matin, il l'échangeait contre une batterie chargée. Un jeton de trop à la lampisterie, c'était un homme resté au fond de la mine.
Depuis la mort de Jojo, mon cœur me faisait mal. Je n'ai jamais compris pourquoi j'étais vivant. Pourquoi je revenais à l'aube. Tous ces matins pour rien.
La pluie cognait la terre. Il faisait froid. J'ai respiré en grand. Je découvrais mon ciel. Je retrouvais décembre.
J'ai regardé mon enfance dans le rétroviseur. L'horizon de betteraves avait disparu. Les pyramides de Loos avait reverdi comme des collines idiotes. Braf le chien ne m'avait pas suivi jusqu'à la route en piaffant. Rien ne restait de moi.
Blessé, c'est un mot triste pour dire qu'il est vivant.
Tu n'iras pas au charbon, tu iras au chagrin. Même si tu ne meurs pas. Même si tu survis à la poussière, aux galeries mal étayées, à la berline qui déraille, à la violence du marteau-piqueur, à la passerelle glacée quand tu reviens au jour. Même si tu prends ta retraite sur tes deux jambes, tu ramèneras cette saloperie de charbon avec toi. Tu auras laissé du cœur au fond. Tu seras silicosé, Joseph.
Jamais je n’avais franchi autant d’obstacles dans un même couloir. Acier, grilles, barreaux. Je ne connaissais ni le grincement des portes coulissantes, ni le choc des barrières électriques, ni le cliquetis éprouvant des clefs. J’étais un entrant, un nouveau, une ombre frêle épiée par les caméras de surveillance.
Après ses huit heures, l’ouvrier rendait sa lampe de casque et récupérait sa taillette. Le lendemain matin, il l’échangeait contre une batterie chargée. Un jeton de trop à la lampisterie, c’était un homme resté au fond de la mine.
« Blessé, c’est un mot triste pour dire qu’il est vivant. »(p. 54)
« Tu ne savais pas que le grisou avait des complices ? » (p. 85)