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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une nuit en Martinique : deux truands de bas étage braquent un automobiliste et le forcent à participer à leurs casses. Or ce conducteur s'avère être un tueur.
Face à face en forme de confession entre un tueur et le commandant de police qu'il tient en joue. Il s'agit de l'un des derniers titres de la série "Vendredi 13" qui compte 13 romans écrits par 13 écrivains de renom. Ici c'est Patrick Chamoiseau (prix Goncourt en 1992) qui s'essaie à l'exercice, avec le talent qui le caractérise, dans cette collection de bonne qualité dirigée par Jean-Bernard Pouy.

Lien : https://collectifpolar.com/
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Quel bonheur et quelle joie de recevoir en exclusivité deux livres gentiment envoyés par une maison d'édition que je ne connaissais pas encore…

Je remercie Les Editions La Branche pour la confiance qu'ils m'accordent.

Cette maison d'édition toute nouvelle s'emploie à publier, je cite, « une nouvelle génération de polars modernes, courts, incisifs et rythmés, rassemblés sous une collection inédite dirigée par le « poulpesque » Jean-Bernard Pouy». Plusieurs collections ayant chacune sa spécificité y contribuent. le livre que je présente aujourd'hui appartient à la sélection « Vendredi 13 ». Pour cette collection, la maison d'édition a fait le pari de demander à treize écrivains de renom de leur fournir treize romans d'action contemporains ayant pour fil conducteur cette date. Voici donc treize romans qui, selon les dires de l'éditeur, réunissent ce qui peut apparaitre comme « le plus représentatif possible des diverses tendances du roman français ». Cette collection contient ainsi une belle brochette d'écrivains triés sur le volet afin de démontrer que le roman noir est « un genre littéraire qui englobe tous les autres, un point de vue sur le monde qui s'adapte à tous les styles, une contrainte d'écriture qui, loin de restreindre la liberté de l'écrivain la fait jaillir de la façon la plus inattendue. »

Suivant la présentation alléchante de cette maison d'édition, voici quelques mots concernant l'auteur de ce livre. Né à Fort-de-France en 1953, Patrick Chamoiseau est un auteur prolifique qui aime varier les plaisirs : romans, contes, essais, scénarii, bande dessinées, autobiographies, textes pour le théâtre. Nous pourrions croire qu'il s'est arrêté là, cependant ce serait mal le connaître. Cet homme est avant tout un grand défenseur du créole. Il est à ce titre considéré comme un grand théoricien de la créolité et cela se ressent fortement dans le livre que j'ai reçu. Récompensé à maintes reprises par différents prix et notamment le très recherché prix Goncourt en 1992 pour son roman Texano, cet écrivain a réussi à m'époustoufler. Pour reprendre une célèbre réplique de Tintin, des Dupont et Dupond, « je dirai même plus » : il a réussi à me porter de bout en bout alors que des réflexions d'ordinaire essentielles à mes yeux pour abandonner ma lecture m'ont taraudée : «Ce n'est pas un policier. le genre policier est un prétexte ici. Où est le rythme ? Où est l'intrigue ? »




Résumé de la quatrième de couverture :
« le commandant fut happé par l'idée que, dans une ironie malencontreuse du sort, il était en train de vivre ce qu'il avait ardemment désiré au fil de sa longue et monotone carrière : la rencontre avec un tueur considérable, une bête de sang demeurée inconnue des forces de police. Et c'était là, durant la merde de ce vendredi 13, ultime nuit de garde de sa longue carrière, qu'il découvrait son existence, et qu'il se retrouvait soumis au bon plaisir de ce que la Martinique avait sans doute produit de plus épouvantable… »Tenu captif, le commandant de police écoute le récit hypnotique du tueur. Car tant que la confession dure, la mort est tenue à distance.



Mon avis:
Eloi Ephraim Evariste Pilon est commandant de police à Fort-de-France. Ce vendredi 13, il effectue une dernière fois une ronde nocturne avant de partir à la retraite et de profiter de ce temps libre pour s'occuper de sa fille qu'il n'a jamais vraiment connu. Toutefois ce soir-là, Eloi Ephraim Pilon tombe nez-à-nez avec un tueur en série qui fait subir à ses victimes les sévices les plus cruels. Commence alors une nuit au cours de laquelle ce policier va affronter le dangereux Hypérion…
Tenu en joug par le tueur, le commandant se voit alors forcé d'écouter les confessions du tueur, un homme habité, dit-il, par« l'Archange », un être qui lui permet de supprimer les personnes nuisibles à la société martiniquaise : maquereaux, dealers etc. Eloi Ephraïm Pilon, apeuré, écoute.

Approche originale, n'est-ce pas? Attention, notre effarement va aller crescendo. Ouvrez bien vos oreilles, mes chers lecteurs, et surtout enlevez vos oeillères. Ici, tout va de travers. Rien ne suit les schémas prédéfinis.

Dès les premières pages on est surpris par la construction très originale de ce livre. Contrairement à l'appellation « roman » aperçue en première page, ce livre comporte trois parties que l'auteur ne nomme pas chapitres comme on pourrait s'y attendre mais bel et bien « Acte ». On revient en arrière, soucieux d'avoir mal lu mais le mot « roman » écrit en lettres majuscules nous interpelle à nouveau. Nous n'avons pas rêvé. Ce livre se présente comme un ovni. Nous poursuivons la lecture, étonnés mais curieux. Rapidement l'ovni s'avère être un vaisseau spatial. Toute une colonie d'étrangetés semble avoir envahi le livre. Ainsi, comme la plupart des pièces de théâtre, le roman s'appuie en grande partie sur des monologues. L'auteur nous apporte également quelques indices scéniques, sonores pour la plupart. Interpellée par cette architecture étrange, je continue ma lecture. La ressemblance avec une pièce de théâtre s'arrête là. Pour autant, Patrick Chamoiseau continue à s'amuser avec son lecteur.
L'histoire en effet nous offre une histoire à deux voix alternées et appuie son intrigue sur les flashbacks incessants de l'un ou de l'autre. Nous sommes ainsi balancés de droite et de gauche, portés soit vers le tueur, soit vers le commandant. Visiblement la nausée causée chez le lecteur par les horreurs du tueur en série n'était pas suffisante d'après l'auteur pour nous posséder. Il faut également qu'il nous donne quelques vertiges, en nous forçant bien souvent à revenir en arrière, afin de nous rappeler quelle est l'identité de l'interlocuteur. Mauvaise qualité littéraire? Méfiez-vous des apparences. L'écrivain ne nous démontre pas ici les méfaits du rhum bu en trop grande qualité. Tout est bien millimétré avec lui. C'est que nos deux impressionnants personnages ont bien plus en commun qu'il n'y paraît….

Rajeunissant totalement le genre policier, ce livre déroutant, mordant est succulent de bout en bout pour un lecteur sensible à la recherche linguistique, à la poésie des mots et des émotions humaines plongées dans leur paroxysme le plus absolu. On continue la lecture, hagard, totalement retourné par une histoire humaine qui touche de par sa grande transversalité : transversalité de style, d'écriture mais aussi de sujet.
Ce livre nous fait visiter tous les genres. Transversal, tel aurait pu être le titre de ce roman. C'est en tout cas le qualificatif que j'emploierai ici pour décrire la capacité de l'auteur à user de la liberté d'écriture dont tout auteur est doté. Avec Patrick Chamoiseau pour écrivain, cette histoire voyage au gré de la liberté littéraire pour choisir la langue dans laquelle l'histoire sera narrée, pour suivre ou non la mode avec laquelle la tradition policière littéraire s'habille d'habitude.


Ici, l'intrigue se base sur des souvenirs et des flashbacks sans cesse renouvelés pour nous présenter deux géants : le commandant de police et le tueur en série.
Pour décrire l'affrontement devant lequel nous sommes soumis, le langage a une place de la plus haute importance. Patrick Chamoiseau aime les mots et il nous le confirme ici en jouant sans répit avec eux. le langage revêt différentes traditions martiniquaises, différents pays et différentes musiques. le langage dont il use est très mélodieux. On a parfois l'impression de l'entendre nous raconter cette histoire. Sauvage, brut, philosophe, sérieux ou discret, le langage est là pour rendre une histoire banale hallucinante et nous offrir en bouquet final une langue explosive en images singulières, choquantes et à mon sens sonores.
Le mot ici devient prétexte ou excuse mais jamais, il ne se suffit. Un mot en cache toujours un autre. Nous commençons le livre en français, puis finissons sans préambule une phrase en latin, en créole, en anglais ou dans toute autre langue. J'ai même aperçu du québécois… Les mots voyagent. Ils valsent. Ils sont singuliers, déchirés, magnifiques. Ils ont même le pouvoir de défier le temps : présent, passé, peu importe, ils sont libres. Tant de linguistiques pour un si petit livre.

Le « polar » est un roman qui traite d'un policier qui résout une énigme? « Mais allez donc vous recycler », pourraient nous rétorquer l'auteur et l'éditeur!

Patrick Chamoiseau nous démontre en effet ici qu'il n'a pas de limites. Tous les mots qu'il emploie participent à créer à la fois une atmosphère chargée d'émotions, une intrigue surprenante, un rythme original mais tout de même haletant, le tout accompagné de réflexions philosophiques.

A travers les flashbacks de nos deux héros, des conversations de l'instant que tous deux se font, alternant monologue et dialogue, Hypérion Victimaire Martiniquais épouvantable, est un ouvrage qui nous apprend à désapprendre: désapprendre la langue pour mieux la parler, désapprendre la Martinique telle qu'elle est véhiculée bien souvent dans les médias pour mieux l'apprécier et désapprendre l'humain pour mieux l'appréhender. Lorsqu'on lit ce livre, on se rend compte que les choses ne sont pas si simples et aussi manichéennes qu'il n'y parait. Ici, l'habit ne fait pas le moine. le meurtrier que l'on côtoie se révèle tellement doux et sensible que l'on se surprend à le plaindre. Parallèlement, le commandant, normalement du côté de la justice de par son statut, manifeste de surprenantes ressemblances avec le tueur en série. Deux hommes réunis en un temps t dans un lieu x… Deux faces d'une même pièce...

Riche à tous points de vue, ce roman policier développe le concept de liberté littéraire en vue, peut être, de démontrer par a + b que le polar n'a pas de frontières.

Lien : http://aupetitbonheurlapage...
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