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EAN : 9782070383917
243 pages
Gallimard (04/06/1991)
3.65/5   87 notes
Résumé :
Fort-de-France, pendant le carnaval. Devant son public médusé, le conteur Solibo Magnifique meurt, foudroyé par une égorgette de la parole. Auto strangulation? Ou meurtre? Toute l'assistance est soupçonnée, notamment Bateau Français, dit Congo, fabricant de râpes à manioc, et qui aurait empoisonné Solibo avec un fruit confit. Bouaffesse et Évariste Pilon mènent l'enquête, allant jusqu'à garder vue Patrick Chamoiseau lui-même. Quant à Congo, suspect numéro un, il ser... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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A Fort-de-France, le conteur Solibo Magnifique meurt d'une égorgette de la parole. Mais qu'est-ce exactement ? La police débarque et interroge les dernières personnes à l'avoir vu vivant. Bien vite, elles deviennent suspectes, les mobiles de meurtre fleurissent...
J'aime beaucoup Patrick Chamoiseau, j'étais tombée sous le charme des Neuf consciences du Malfini. La narration est différente ici, on enchaine les personnes aux noms et aux surnoms incroyables, entrecalant les histoires de chacun à celle de Solibo. On pourrait presque s'y perdre, munissez-vous d'un papier et d'un crayon pour ceux qui se sentent submergés (comme moi).
Je me suis laissée bercée par ce beau créole (que je comprends), que j'ai aimé pour suivre cette comédie tragique sous des dehors d'un semblant d'enquête policière. Elle met en lumière le charme des mots et d'un public prenant plaisir à écouter.
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Lorsque Solibo meurt d'une "égorgette de la parole", c'est l'oralité, c'est le conte et sa tradition orale qui meurent, et toute la culture martiniquaise qui se trouve amputée.
Deux policiers mènent l'enquête afin de comprendre qui est coupable de la mort de Solibo. Patrick Chamoiseau, lui-même, figure parmi les suspects.
Cette enquête est aussi et surtout le prétexte idéal pour aborder l'histoire de l'oralité, la place qu'elle occupe aux Antilles et sa disparition. C'est l'identité de tout un peuple qui est mise en danger quand l'un de ses piliers s'effondre.
Je recommande ce livre à tous les amoureux des mots et à tous ceux qui en captent la musique enivrante et singulière.
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"Solibo Magnifique" raconte sous forme d'enquête la vie de ce personnage éponyme, qui à lui-seul, représente la communauté traditionnelle et éteinte de la Martinique. Doué d'une belle parole et d'un esprit antillais attaché aux racines de ses origines, Solibo meurt d'une façon inexplicable devant un public qui vient encore écouter ses perles de sagesse. Pour résoudre ce mystère, Bouafesse un Martiniquais qui désire monter les échelons au point d'oublier d'où il vient, et Evariste Pilon, un Français qui ne connait pas bien la culture du pays, vont interroger une poignée d'habitants qui étaient sur le lieu du crime et qui ont déjà eu la chance de côtoyer le conteur par le passé. Commence alors à travers le personnage de Chamoiseau, des anecdotes rapportées par ces personnages hauts en couleur qui vont nous aider à définir le mystérieux Solibo mais également montrer au lecteur ce qu'est devenu le beau pays de la Martinique avec le temps.

Je n'ai pas particulièrement accroché à l'histoire. Trop sombre pour moi et trop décousu dans la narration. Cependant, Patrick Chamoiseau décrit à sa manière une communauté difficile à entendre, mais surtout une culture qui se perd peu à peu. Je comprends donc tout à fait le langage traditionnel qui vient chambouler le récit français afin de ne pas disparaître, mais il est vrai que souvent, le lecteur est un peu déstabilisé par cette apparition et ne sait plus trop quoi penser.
Je conseillerai donc Soliba Magnifique à tous ceux désireux de découvrir une société martiniquaise en déclin et qui tente désespérément de sauver le peu qui lui reste. Par contre, je déconseille ce roman aux conformistes de l'écriture !
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Solibo le Magnifique commence comme un roman policier, par le procès verbal rédigé par Evariste Pilon, officier de police. Au pied du tamarinier, au cours d'une soirée de Carnaval, est retrouvé un cadavre

" le conteur Solibo le Magnifique mourut d'une égorgette de parole en s'écriant Patat'sa"

Sucette, le tambouié, Alcide Victor, commerçant, le surnommé Bête-Longue se disant marin-pêcheur, Doudou-Menar, vendeuse de fruits confits, Patrick Chamoiseau,  Bateau Français surnommé Congo ainsi qu'une demi-douzaine d'autres sont embarqués comme témoins de ce qui paraît aux policiers, un assassinat.


Rapidement, la scène dégénère, l'action des forces de l'ordre tourne au pugilat grotesque. L'intervention des pompiers venus enlever le corps complique encore la bataille. Ce n'est plus une scène de polar mais Guignol.  La vendeuse du marché estnla plus enragée Un coup de matraque l'enverra aux urgences de l'hôpital.


L'interrogation des témoins est musclée. Les représentants de la loi et de l'ordre mènent l'enquête :


Enquête à charge. Jamais le brigadier n'imagine autre chose qu'un assassinat. Il est persuadé que la victime a été empoisonnée. Il va recourir aux pires sévices pour obtenir des aveux...Cette histoire serait tragique sans le génie comique de Chamoiseau (qui se met lui-même en scène) . le lecteur s'amuse énormément des jeux de mots entre le créole et le français

Trop occupés à obtenir des aveux, les enquêteurs ne s'intéressent guère à la victime. Qui était Solibo? de quoi est-il vraiment mort?

Qu'est-ce qu'une "égorgette de paroles"?

Saveur de la langue , entre oralité du conteur et écrit. J'ai pensé au dernier livre que je viens de terminer : le Conteur la nuit et le panier où Chamoiseau se réfère à Solibo. J'ai pensé aussi à la Traversée de la Mangrove de Maryse Condé qui est également une veillée mortuaire. 


Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
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Surprenant. Il n'y a pas d'autre mot, ou plutôt, si, mais tous plus ou moins synonymes... Et la surprise, là, était positive !

J'ai assez vite compris qu'on ne lisait pas ce roman pour son enquête policière, totalement à charge et qui n'avance qu'avec des oeillères. On le lit d'abord pour entendre cette "voix" qui traverse le livre et transcende les pages, cette voix qui s'étiole, qui s'éteint et qui meurt avec les traditions d'une "égorgette de la parole".

On se laisse porter, sans toujours comprendre (d'autant plus que, personnelle, je ne comprends pas le créole), mais ça ne paraît pas le plus important. Ce livre est éminemment musical, c'est par les sons que passent les émotions : l'incompréhension, la joie, l'horreur... Et l'écrit, lui, se dit constamment impuissant à porter cette musique, cette parole en déclin, il ne peut que "marquer" les choses, les faire vivre au-delà de soi mais une dimension qui ne rend pas compte de celle de la parole.
Mais la parole, je vous l'assure, est là, omniprésente, chantante, grondante... et dépaysante. On l'entend claquer de la langue, chuchoter, crier...

Tout cela sur un fond d'anticolonialisme compréhensible mais pas totalement manichéen - et la revendication ne prend pas toute la place, c'est aussi cela que j'ai apprécié.

Engagé, poétique et romanesque, que demander de plus ?
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
- Bien. Maintenant, Papa, tu vas parler en français pour moi. Je dois marquer ce que tu vas me dire, nous sommes entrés dans une enquête criminelle, donc pas de charabia de nègre noir mais du français mathématique... Comment on t'appelle, han?
- Onho.
- Ca, c'est ton nom des mornes. Je te demande ton nom de la mairie, de la Sécurité sociale...
- Bateau Français, articula Congo comme s'il mâchait un lambi chaud.
- Raconte-moi en français ce qui est arrivé à Solibo là...
- Han pa jan halé fwansé.
- Tu ne sais pas parler français? Tu n'es jamais allé à l'école? Donc tu ne sais même pas si Henri IV a dit "Poule au pot" ou "Viande-cochon-riz-pois rouge"?...
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Mais d'abord, ô amis, avant l'atrocité, accordez une faveur : n'imaginez Solibo Magnifique qu'à la verticale, dans ses jours les plus beaux. Cette parole ne se donne qu'après l'heure de sa mort tristesse, mi ! et même pas dans un dit de veillée, auprès de son corps parfumé aux bonnes herbes. Se figurant un crime, la police l'a ramassé comme s'il s'agissait d'une ordure de la vie, et la médecine légale l'a autopsié en petits morceaux. On a découpé l'os de sa tête pour briguer le mystère de sa mort dans sa crème de cervelle. On a découpé sa poitrine, on a découpé ses poumons et son coeur. Son sang a été coulé dans des tubes de verre blanc, et, de son estomac ouvert, on a saisi son dernier touffé-requin. Quand Sidonise le reverra, aussi mal recousu qu'un jupon de misère... roye! comment dire cette tristesse qu'aucune brave ne peut laisser noyer ses yeux ?... C'est pourquoi, ô amis, avant ma parole je demande la faveur : imaginez Solibo dans ses jours les plus beaux, en vaillance toujours, avec le sang qui tourne, le corps planté dans la vie en poteau d'acacia dans une boue dangereuse. Car, si de son vivant il était une énigme, aujourd'hui c'est bien pire : il n'existe (comme s'en apercevra l'inspecteur principal au-delà de l'enquête) que dans une mosaïque de souvenirs, et ses contes, ses devinettes, ses blagues de vie et de mort, se sont dissous dans des consciences trop souvent enivrées.

À terre dans Fort-de-France, il était devenu un Maître de la parole incontestable, non par décret de quelque autorité folklorique ou d'action culturelle (seuls lieux où l'on célèbre encore l'oral) mais par son goût du mot, du discours sans virgule. Il parlait, voilà. Sur le marché aux poissons où il connaissait tout le monde, il parlait à chaque pas, il parlait à chacun, à chaque panier et sur chaque poisson. S'il y rencontrait une commère folle à la langue, disponible et inutile, manman! quelle rafale de bla-bla... Au billard de la Croix-Mission, au vendredi du marché-viande à l'arrivage du boeuf, sur le préau de la cathédrale après la dévotion, au stade Louis-Achille tandis que nous assassinions l'arbitre, Solibo parlait, il parlait sans arrêt, il parlait aux kermesses, il parlait aux manèges, et plus encore aux fêtes. Mais il n'était pas un évadé d'hôpital psychiatrique, de ces déréglés qui secouent la parole comme on se bat une douce. Au Chez Chinotte, sanctuaire du punch, on s'assemblait pour l'écouter alors que pas un cheveu blanc n'habitait sur ses tempes, et le tafia n'avait même pas encore rougi ses yeux (seul le premier jaune sale avait touché le blanc) qu'un silence accueillait l'ouverture de sa bouche : par-ici, c'est cela qui signale et consacre le Maître.
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Charles Gros-Liberté, crié Charlot, répondit aux questions comme un somnambule, en caressant une traînée blanchâtre qui naissait sur sa joue. Pilon, pour l’aider à se détendre (effet qu’évoquer Solibo semblait leur faire à tous), lui demanda ce qu’il savait des dernières heures du Magnifique. Charlot dit qu’on ne pouvait rien en savoir : Solibo vivait sans montre et sans calendrier, et surtout sans habitudes. Il n’était réglé que sur la vente de son charbon, sur son punch à midi au Chez Chinotte, et sur le jour de la Toussaint où il honorait de bougies saint-antoine sa défunte manman Florise (une larme sur elle, Seigneur). Pour le reste, inutile de l’espérer là où tu l’attendais. Il aurait cadencé sa biguine à contretemps s’il avait été musicien, et sa mazurka n’aurait jamais été piquée au même endroit.
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Kongo pas sav l'A B C D et il est risible mais il n'est au garde-à-vous sur la montagne que devant le ciel et le soleil tandis que nous nègres à l'A B C D sommes debout à l'évangile devant le A devant le B devant le C devant le D oui patron merci patron et moi-même Solibo qui ka kalé djol mwen je crie Vive de Gaulle au 14 juillet même si j'écartèle ma gueule je crie Vive de Gaulle et je marche au pas mais j'écartèle ma gueule comme la marchande de sucreries qui crie gâteaux gâteaux gâteaux mais les gâteaux sont bons et elle peut parler mais moi moi moi Solibo vous dites que je suis magnifique qu'est-ce que j'ai à dire et qui m'a baillé la parole? personne personne ne m'a baillé la parole et je n'ai rien à dire je dis la parole c'est tout sans commandeur géreur atron chef et capitaine fout'la parole sans devant ni derrière merde au nègre à qui l'on a baillé la parole par-ici répondez!
- merde au nègre!
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Solibo Magnifique me disait: 'Oh, Oiseau, tu veux l'indépendance, mais tu en portes l'idée comme on porte des menottes. D'abord: sois libre face à l'idée. Ensuite: dresse le compte de ce qui dans ta tete et dans ton ventre t'enchaine. C'est d'abord là, ton combat...'
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Quel roman écrit dans un prodigieux cocktail de créole et de français remporta le prix Goncourt en 1992 ? Il raconte l'histoire d'un quartier de Fort-de-France…
« Texaco » de Patrick Chamoiseau, c'est à lire en poche chez Folio.
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