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Edouard Glissant (Collaborateur)
EAN : 9782070408733
160 pages
Gallimard (30/11/-1)
4.08/5   71 notes
Résumé :
« Du temps de l'esclavage dans les isles-à-sucre, il y eut un vieux-nègre sans histoires ni gros-saut, ni manières à spectacle. Il était amateur de silence, goûteur de solitude. C'était un minéral de patiences immobiles. Un inépuisable bambou. On le disait rugueux telle une terre du Sud ou comme l'écorce d'un arbre qui a passé mille ans. Pourtant, la Parole laisse entendre qu'il s'enflamma soudain d'un bel boucan de vie. Ainsi m'est parvenue l'histoire de cet esclav... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
EPOUSTOUFLANT! J'avais déjà découvert la beauté du langage de Chamoiseau dans Texaco, mais on trouve dans L'Esclave vieil homme et le molosse une vivacité encore plus saisissante. On y retrouve la puissance du langage poétique de Césaire associée au caractère épique du face-à-face entre le vieil homme et le chien sanguinaire (qui n'est pas sans rappeler le vieil homme et la mer d'Hemingway). Chamoiseau brille encore par la variété des points de vue narratifs. J'ai trouvé la description du maître de la plantation très touchante et empreinte d'humanité. Il est un bourreau mais aussi une victime, rongée dans l'âme, prise au piège dans l'engrenage de l'Histoire. ENFIN que dire de ce passage que j'ai trouvé bouleversant et qui résume assez bien le ton du livre en nous livrant l'horreur de l'esclavage:

"Le vieil homme esclave ne se souvient pas du bateau, mais il est pour ainsi dire resté dans la cale du bateau. Sa tête s'est peuplée de cette haute misère. Il a le goût de la mer sur les lèvres. Il entend même en plein jour le museau dramatique des requins contre la coque. Il a aussi le souvenir des voiles, des barres, des cordages, comme s'il avait été de l'équipage, et cela se mêle à des visions du pays d'Avant, et même plus que des visions: des femmes, des êtres, des choses, des beautés, des laideurs, qui frétillent en lui, qui sont lui, et qui se mêlent aux chaos déclarés. le molosse est semblable, mais il dispose d'une masse d'instincts qui l'illusionne d'un sens à tout cela. Et ce sens s'est mêlé aux charnelles sanglantes que le Maître lui inculque comme principe d'existence. Il est l'âme désemparée du Maître. Il est le double souffrant de l'esclave."

A LIRE ABSOLUMENT!
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J'ai emprunté ce roman à la médiathèque pour deux raisons : La première, c'est Texaco que j'avais en poche dans ma propre bibliothèque et je ne souhaitais pas découvrir Patrick Chamoiseau par son prix Goncourt ; la seconde raison c'est le titre qui s'apparentait à un roman d'Hemingway "Le vieil homme et la mer".
"L'Esclave vieil homme et le molosse" est un magnifique roman avec beaucoup d'informations. Il est imprégné de mystères, d'occulte.
Dans une plantation de canne à sucre, dans une île des Caraïbes, il y a un esclave vieil homme dont les silences sont impénétrables. La propriété appartient à un maître-béké qui, un jour, revient du marché négrier avec un chien, un monstre, un molosse. Un matin, avant l'aube, l'esclave vieil homme plonge dans les hauts-bois, s'arrachant aux dents de ses chaînes.
C'est la Parole qui raconte, une parole communautaire, une parole incantatoire, une parole mémoire. C'est une parole qui déforme, digère, renouvelle la matière. La nature vivante (flore, faune) se mêle à la fuite du vieil homme. La nature personnifie la Mère sacrée. J'associe les hauts-bois au ventre d'une parturiente où le vieil homme rampe, plonge, avance, s'accroche à la lumière, poursuivit par le molosse. Ce molosse se transforme à son tour dans cette matrice.
Les mots créoles ne m'ont pas gênés pour entrer dans ce texte. Devant chaque chapitre se trouve un extrait de conte et en exergue un fragment poétique.
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Un vieil homme, présent depuis longtemps dans la plantation, prend la fuite alors que rien ne le laissait présager. le maitre lance alors son féroce molosse à ses trousses.
Patrick Chamoiseau utilise des termes locaux créoles pour que le lecteur s'imprègne bien de l'ambiance des îles-à-sucre où l'esclavage régnait. L'ensemble est savoureux et poétique. L'atmosphère n'est pas très joyeux, tout le monde craint la réprimande, le maitre et ses chiens. L'auteur arrive à nous faire sentir la peur des esclaves opprimés. le rythme augmente doucement avec la fuite puis la poursuite. Les phrases longues deviennent courtes. Un très beau conte même si la toute fin m'est apparu assez obscure. L'écriture de cet auteur m'a encore charmé, je lirai d'autres de ses livres.
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Une oeuvre aussi courte que poignante. Un esclave en fuite est poursuivi par un molosse.
Une course effrénée pour échapper à l'injustice, à l'inhumanité et à la cruauté la plus abjecte.
Le vieil homme n'en sort pas indemne et il n'est pas le seul...
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La Pierre est des peuples. Des peuples dont il ne reste qu'elle

« du temps de l'esclavage dans les isles-à-sucre, il y eut un vieux-nègre sans histoires ni gros-saut, ni manières à spectacle. Il était amateur de silence, goûteur de solitude. C'était un minéral de patiences immobiles. Un inépuisable bambou ».

Chacun e par la fenêtre ouverte ainsi sur le passé, pourrait composer une histoire à partir de ces quelques mots. Les phrases du conteur ravivent la mémoire du poids des « terres amères des sucres ». Patrick Chamoiseau prévient « Au démarrage de cette histoire, chacun sait que cet esclave vieil homme va bientôt mourir ». Pourtant en l'écrivant si sobrement, il instille un doute sur cette mort probable, il souffle le possible chant de la révolte.

Mais laissons cela pour l'instant et faisons connaissance avec le Maître-béké dont « le patrimoine vibre d'une particule », sa propriété l'Habitation et ses esclaves, le molosse « destiné à traquer les fourbins qui fuient les servitudes », l'histoire de cette terre, « Les Amérindiens des premiers temps se sont transformés en liane de douleurs qui étranglent les arbres et ruissellent sur les falaises, tel le sang inapaisé de leur propre génocide », les bateaux négriers, les « lentes processions de chairs défaites, maquillées d'huile et de vinaigre », le « déshumain grandiose », la confusion d'« existants dévastés, indistincts dans l'informe »…

Le molosse hurle à la mort, ce hurlement « défolmante la matière » du monde du Maître-béké, l'esclave vieil homme a maronné…

Je n'en dirait pas plus du vivant, des eaux, du lunaire, du solaire, de la Pierre, des os… et de l'auteur, « La parole du Papa-conteur l'emporte vers des confins étranges ».

En touchant aux os, l'écrivain fait « l'immense détour qui va jusqu'aux extrêmes pour revenir aux combat de mon âge, chargé des tables insues d'une poésie nouvelle ». La prolifération des mémoires, des lieux, des mots et des couleurs… de la révolte même dans le sommeil apparent…


Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
À la faveur de cette lumière qui défaisait ses équilibres



[…]

À la faveur de cette lumière qui défaisait ses équilibres, les fulgurances fuligineuses voulurent le submerger. Elles paraissaient provenir de partout, sillons de terres, zinzole de parlers, siwawa de peuples, grands bouquets de personnes. Pour la première fois depuis qu’il l’affrontait, le magma sembla prendre le dessus. Pourtant, lumière était en lui, pillage ouvert, froidures. Des architectures inconnues se redressaient tremblantes, puis s’éparpillaient en fulminantes déroutes. Un maillage de clairs-obscurs enserra son esprit. Sensations d’étourdi. Le vieil homme qui fut esclave parvint à se mettre genoux, et-puis à se hisser tremblant, dos plaqué contre un tronc, et-puis à tituber, et-puis à essayer de reprendre sa course. Il courait sous l’urgence d’une agonie. Chaque pas déclenchait l’avalasse des éclaircies et des coulées fumagineuses. Mais il avançait. Il parvenait à avancer. Il crut que la vitesse réinstallerait l’équilibre perdu. Lumière le tisonnait à travers ses paupières devenues transparentes, il les avait perdues, et ses pupilles s’exposaient au rayonnement pas soutenable. Il courut encore, ou il essaya de le faire, en tout cas il eut, dans un balan à travers les Grands-bois, l’aveugle sensation d’avancer. Mais la terre se déroba. Un man-man-trou. Profond. Le vieil homme qui fut esclave s’y engloutit d’un coup. […]
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Sans savoir pourquoi, je veux m'offrir un nom. M'attribuer un nom comme à l'heure des baptêmes que le Maître ordonnait. Je ne trouve rien. Il y a tant de noms en moi. Tant de noms possibles. Mon nom, mon Grand-nom, devrait pouvoir les crier tous. Les sonner tous. Les compter tous. Les brûler tous. Leur rendre justice à tous. Mais cela n'est pas possible. Rien ne m'est désormais possible. Tout m'est au-delà du nécessaire et du possible. Au-delà du légitime. Ni territoire à moi, ni Histoire à moi, ni Vérité à moi, mais à moi tout cela en même temps, à l'extrême de chaque terme irréductible, à l'extrême des mélodies de leurs concerts. Je suis un homme.
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Depuis l'arrivée des colons, cette île s'est muée en un magma de terre de feu d'eau et de vents agité par la soif des épices. Beaucoup d'âmes s'y sont dispersées. Les Amérindiens des premiers temps se sont transformés en lianes de douleurs qui étranglent les arbres et ruissellent sur les falaises, tel le sang inapaisé de leur propre génocide. Les bateaux négriers des seconds temps ont ramené des nègres d'Afrique destinés aux esclavages des champs-de-cannes. Seulement, ils ont vendu aux planteurs-békés, nullement des hommes, mais de lentes processions de chairs défaites, maquillées d'huile et de vinaigre. Elles ont semblé non pas émerger de l'abîme mais relever à jamais de l'abîme lui-même. Les colons sont les seuls à mouvoir les masses charnelles de ce magma (baptiser, assassiner, libérer, construire, s'enrichir), mais ils ressemblent mieux à des fermentations qu'à des personnes vivantes ; et leurs yeux régentant les actes d'esclavage n'ont sans doute plus de ces jeux de paupières qu'autorisent l'innocence, la pudeur, la pitié.
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L'habitation est — à l'instar de toutes choses de ces temps — désenchantée, sans rêves, sans avenir que l'on puisse supposer. Le vieil esclave y a blanchi sa vie. Et, au fond de cette soupe, son existence n'a eu ni rime ni sens apparent. Juste les macaqueries de l'obéissance, les postures de la servilité, la cadence des plantations et des coupes de canne, la raide merveille du sucre qui naît dans les cuves, le charroi des sacs vers les gabarres du bourg. On ne lui a jamais rien reproché. Il n'a jamais rien quémandé à quiconque. Il répond à un nom dérisoire octroyé par le maître. Le sien, le vrai, devenu inutile, s'est perdu sans qu'il ait eu le sentiment de l'avoir oublié. Sa généalogie, sa probable lignée de papa maman et arrière-grands-parents, se résume au nombril enfoncé dans son ventre, et qui zieute le monde tel un oeil coco-vide, très froid et sans songes millénaires. L'esclave vieil homme est abîme comme son nombril.
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"Le vieil homme esclave ne se souvient pas du bateau, mais il est pour ainsi dire resté dans la cale du bateau. Sa tête s'est peuplée de cette haute misère. Il a le goût de la mer sur les lèvres. Il entend même en plein jour le museau dramatique des requins contre la coque. Il a aussi le souvenir des voiles, des barres, des cordages, comme s'il avait été de l'équipage, et cela se mêle à des visions du pays d'Avant, et même plus que des visions: des femmes, des êtres, des choses, des beautés, des laideurs, qui frétillent en lui, qui sont lui, et qui se mêlent aux chaos déclarés. Le molosse est semblable, mais il dispose d'une masse d'instincts qui l'illusionne d'un sens à tout cela. Et ce sens s'est mêlé aux charnelles sanglantes que le Maître lui inculque comme principe d'existence. Il est l'âme désemparée du Maître. Il est le double souffrant de l'esclave."
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Quel roman écrit dans un prodigieux cocktail de créole et de français remporta le prix Goncourt en 1992 ? Il raconte l'histoire d'un quartier de Fort-de-France…
« Texaco » de Patrick Chamoiseau, c'est à lire en poche chez Folio.
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