Lorsque Babelio m'a proposé ce roman lors d'une masse critique privilégiée, j'ai tout de suite été intriguée par le titre et la quatrième de couverture. Je n'avais jamais entendu parler de
Bélhazar, ni de
Jérôme Chantreau, j'aime les romans basés sur des faits réels, j'avais donc très envie de découvrir celui-ci.
Mais tout d'abord, que se passe-t-il derrière ce titre ?
Bélhazar est le second prénom d'un jeune garçon, Antoine
Bélhazar Jouen. Lorsqu'on le rencontre au début du livre, il a dix-huit ans, il vit à Dinan, ses parents, Armelle et Yann sont séparés.
Bélhazar va mourir un soir du 13 février 2013. Un contrôle de police qui tourne mal au pied de son immeuble,
Bélhazar a une arme sur lui, et il se serait suicidé lorsque les policiers l'ont arrêté. Est-ce vraiment un suicide, un accident, ou une bavure policière ? Armelle ne croit pas au suicide de son fils. L'affaire va arriver jusqu'aux oreilles de
Jérome Chantreau, par l'intermédiaire de son fils qui a connu
Bélhazar. Lui-même, en tant que professeur, a eu le jeune homme comme élève. Il décide alors de mener une sorte d'enquête, il rencontre les parents, qui lui parlent de leur fils unique, chacun à leur façon. Armelle veut savoir la vérité, refuse la thèse du suicide. le père, Yann, accepte plus la situation et parle de qui était son fils.
Car
Bélhazar est un jeune homme hors du commun, un dandy qui ne porte jamais de tee-shirt, il n'est pas tellement assidu au lycée, c'est un artiste, un rêveur, poète à ses heures, il se passionne pour un tas d'autres choses, dont les armes à feu dont il fait la collection, son père l'a inscrit à un club de tir,
Bélhazar veut faire des études pour être armurier.
Jérôme Chantreau va essayer de comprendre son ancien élève, et surtout essayer de faire avancer l'enquête. Il se rendra vite compte qu'une sorte de malédiction rôde autour du jeune homme, même mort. Son premier avocat, très pugnace, se suicide. le second trouve la mort au Bataclan. À croire que même dans la mort,
Bélhazar ne veut pas qu'on sache la vérité sur lui et qu'on laisse plutôt planer un certain mystère sur lui.
On va ainsi suivre
Jérôme Chantreau dans sa quête de vérité sur la vie et la mort de ce jeune homme qu'il apprend à mieux connaître au fur et à mesure de ses rencontres avec ses parents. Il va se rendre compte que son ancien élève était un jeune homme hors du commun. Il est une véritable encyclopédie, il s'intéresse à tout, collectionne des objets hétéroclites, se passionne pour la première guerre mondiale et notamment sur la mort mystérieuse d'un grand-oncle. Bref, l'auteur va découvrir un jeune homme très intéressant. Et il va aussi vivre aux côtés de son père et de sa mère, les suivre dans leur acceptation de la mort de leur fils, différente selon Armelle ou Yann, leur reconstruction, leur quête de vérité.
Et moi aussi, en tant que lectrice, j'ai eu tout de suite envie, dès les premières pages, d'en apprendre plus sur ce jeune homme, sa vie, les circonstances de sa mort. Je me suis attachée à lui dès le départ, et je pense que ce sera pareil pour tout lecteur, il est quand même difficile de rester de marbre face à la mort d'un jeune homme. Et
Jérôme Chantreau parle tellement bien de lui que c'est compliqué de faire autrement. J'avais très envie de savoir ce qu'il s'était réellement passé cette nuit du 13 février 2013.
Je découperais ce roman en trois grandes parties. La première, l'auteur nous parle de la personnalité de
Bélhazar, son enfance, ses parents, son éducation, on apprend à le connaître plus intimement. Dans une seconde partie, on suit en détail et pas à pas les circonstances de sa mort, l'enquête juste après, l'acharnement de la mère qui veut des réponses. J'ai vraiment bien accroché à ces deux parties, je les ai lues avec beaucoup d'attention et une certaine avidité. Je voulais savoir ce qui était arrivé au jeune homme, et aussi apprendre à mieux le connaître. Par contre, j'ai plutôt été déroutée sur le chemin que me faisait prendre l'auteur dans sa troisième partie, beaucoup plus onirique et ésotérique, avec des références à Alice au pays des merveilles. Comme on dit, il faut alors ouvrir son esprit, je suis d'un esprit très cartésien et j'ai beaucoup de mal à penser qu'il y a quelque chose après la mort, donc je suis plus dubitative quand on me présente l'inverse dans une histoire. Mais je comprends tout à fait ce qu'a voulu faire l'auteur, et surtout cela montre ce que pensait
Bélhazar et ce qu'il a voulu laisser comme message après sa mort. Cette dernière partie ne m'a pas plus dérangée que cela, même si je dois bien avouer avoir préféré tout le reste du livre.
Comme je l'ai dit plus haut, je me suis très vite attachée à
Bélhazar. Il faut dire que la narration aide beaucoup, c'est
Jérôme Chantreau qui parle, donc il emploie la première personne du singulier, cela m'a permis de rentrer dans sa tête et de vivre les découvertes à travers lui. J'ai aimé aussi qu'il instaure une sorte de dialogue avec le jeune homme en employant le « tu » pour lui parler directement. J'ai trouvé que cela donnait un rendu encore plus intimiste et je me suis ainsi sentie très proche de tous les personnages. Armelle et Yann sont des parents qui m'ont profondément touchée, qui ne réagissent pas de la même manière face à la mort de leur fils, qui se battent différemment pour continuer à le faire vivre. Ils m'ont beaucoup émue.
Jérôme Chantreau décrit très bien les sentiments qui traversent chacun des personnages sans jamais aller dans le voyeurisme, tout est fait de manière très pudique, et avec beaucoup de subtilité. Son style est très bon, très fluide, il a su m'intéresser dès les premiers mots, et j'ai lu les trois-quarts du livre en très peu de temps. J'ai juste un peu peiné à la fin, mais cela ne m'empêche pas de garder une très bonne sensation de lecture. Et puis, cette fin colle au personnage de
Bélhazar, que ceux qui l'ont connu appelaient « le Regardeur de soleils". C'est cela que je veux retenir de lui, un être hors du commun, qui avait son regard à lui sur le monde et qui enchantait ce monde à sa façon.
Je n'avais jamais entendu parler de
Bélhazar, dont la mort est passé dans les faits divers, et a dû juste passer au journal régional de Dinan. Et pourtant, je me suis sentie tellement proche de lui.
Jérôme Chantreau a eu raison de lever le voile sur cette affaire, et la porter à notre connaissance. J'aime beaucoup quand mes lectures ont ce pouvoir d'enrichir mes connaissances. Certains diront que c'est un fait divers comme il en arrive malheureusement trop souvent, ces derniers temps, on entend beaucoup parler de Marseille, mais ce n'est pas une raison pour que cela passe en trois minutes aux infos. On oublie alors qu'il y a des êtres derrière ces morts, qui avaient une vie, des parents, une famille, et que beaucoup souffrent. Des
Bélhazar, il y en a d'autres, mais lever le voile sur lui, c'est lui rendre hommage à lui et aussi à tous ces jeunes qui sont morts dans les mêmes circonstances.
Jérôme Chantreau a aussi fait ici un sacré travail, il avait promis à Armelle un livre sur son fils, c'est chose faite, et très bien faite. Ce livre est un très bel hommage à ce jeune homme, il lui rend la vie le temps d'une lecture. Je ne connaissais pas du tout cet auteur, j'ai découvert en faisant des recherches sur lui, qu'il avait écrit deux autres romans, très personnels également, et j'ai vraiment très envie de continuer à lire cet auteur, découvrir ses deux autres romans et le suivre pour lire le prochain. Je suis vraiment conquise par sa plume. Et je ne peux vraiment que vous conseiller ce livre, rien que pour redonner vie à un être exceptionnel qu'est
Bélhazar.
Il ne me reste plus qu'à remercier
Jérôme Chantreau pour tout ce qu'il m'a fait vivre pendant ce roman. Et je remercie également les éditions Phébus et Babelio qui m'ont permis de faire cette belle découverte.