Plaies vives

Nous avons pu pleurer aux souffrances des autres
Crier à leurs révoltes et répondre à leurs cris

Hélas plus démunis que les pauvres des villes
Plus meurtris que la mer qui s'étrangle aux canaux
Nous avons trop souffert des grands' peines des autres

Nos cœurs nos corps nos sangs battent au rythme des guerres que les autres ont faites
Se pencher et s'unir à ceux qui vont mourir
Et rien ne restera de l'écho de nos voix

O beaux mots dévoreurs des grands chagrins des autres
Bel alibi des compassions pourquoi mentir
Les pauvres les plus pauvres avaient leur coin de ciel
Et leur mal se disait sans la bouche des autres .

***** Leçon *****

Chien et loup se sont rejoints
A quoi bon serrer les poings
A quoi bon crier vengeance
La nuit toujours recommence

Flaques à peine teintées
Pavés à peine souillés
Mur à peine éclaboussés
Le sang vite est sang séché

Oublier ne se peut pas
Il n'est pas question de ça
Mais à quoi bon célébrer
Si personne n'est changé ?

***** LE PRISONNIER *****

Il aime les fleurs de muraille
qui roulent autour de son barreau
Il aime les fleurs de corail
que fait l'ombre quand il fait chaud
Il aime le grand bruit de l'eau
quand le vent rêve sur la mer
Il aime l'ombre des oiseaux
qui fend l'équerre de son mur clair

Il n'a que ces verdures grises
l'envers dédoré du soleil
le bruit des cailloux de la mer
le double d'ombre des oiseaux
Pour savoir que la terre bouge
de hautes flammes de grands feux
de torrents d'écumes de sources
de mille flèches d'hirondelles .

******D'ABORD ******

Il y a le mot : porte . Il y a le mot : fenêtre
Mot sur mot se bâtit la maison
Mais il y a le mot : mur
Mot sur mot s'érige la prison

C'est pourquoi
De la prison où je murmure
J'ai cherché d'autres mots
Pour trouer les murs

Bats bats bats tambour
Dis le jour
Dis l'amour
Fais ce bruit incontestable
Que les mots souvent n'ont pas
Bats bats bats
Et tais-toi

Car le silence d'après les mots
Le silence d'après tambour
Est plein de cris rentrés
De révolte et de lutte
Qui font des trous
Dans tous les murs .