Il était bien plus simple de se faire distant, de se complaire dans ses rêves, de s'imaginer qu'un destin différent restait possible.
Vous m'avez appris alors quelque chose de plus laid encore chez vous que la colère ou la lâcheté. La résignation.
On pouvait compter les silhouettes présentes dans le cimetière sur les doigts des deux mains. Fedor n’en fut pas vraiment surpris.
Son père était un homme bon, mais peu aimé.
Près de la petite église de l’Annonciation, le jeune homme nota avec aigreur que son frère Dimitri était arrivé avant lui, soutenu par son épouse, Vanina. Comme si cela pouvait avoir une quelconque importance désormais, tenta-t-il de se dire en sentant la colère monter.
Fédor préféra ralentir le pas et détourner le regard. Les environs étaient étonnamment paisibles. Ironiquement, il était impossible à un visiteur anonyme de savoir que le duc Nikolaï avait chassé les moines du monastère du Petit-Saint-Lazare quelques années plus tôt : de toute façon, ces hommes avaient fait vœu de silence. Il ne restait que les bâtiments de pierre qui encerclaient le cimetière, surplombant le canal numéro trois de la cité lunaire. Parfois, quand le barrage alimentant la cité produisait trop d’énergie, il arrivait que le niveau du canal monte brusquement dans une escalade silencieuse. Alors, une brume luminescente s’infiltrait entre les tombes, reliant des fantômes aux histoires diverses.
Dans un coin, à l'abri des regards, quelques livres bien sûr. Des romans, pour l'essentiel. Il aimait les mots, leur patine, leur écrin. Tout l'attirait dans ces objets de papiers qui lui racontaient mille histoires.
-Tu veux que l'on enquête sur ces fous qui ne trouvent plus le sommeil et qui prétendent que la Lune leur parle?
Promets-moi que tu ne renonceras pas à tes rêves.
Alors, une brume luminescente s’infiltrait entre les tombes, reliant des fantômes aux histoires diverses.
Il aimait les mots, leur patine, leur écrin.
Après tout, il avait toujours rêvé de cette destination.
Le faste s’affichait à tous les coins de rue, le long de chaque avenue. Mais ces visions mirifiques pourraient-elles toucher l’automate, quand le vieux gardien lui-même ne les regardait plus que d’un œil indifférent, privé de tout émerveillement ?