AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
270 pages
MARPON C. et E. FLAMMARION (31/10/1882)
4.75/5   2 notes
Résumé :
Troisième recueil de contes et de saynètes humoristiques d'Eugène Chavette, après "Les Petites Comédies du Vice" et "Les Petits Drames de la Vertu".
Comme son titre le suggère, "Les Bêtises Vraies" est un recueil d'anecdotes personnelles, de souvenirs amusants ou de nouvelles, tous basés sur des faits prétendument authentiques - bien qu'un certain nombre d'entre eux soient probablement imaginaires.

Préface : les bobèches cassées
I - Me... >Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Carte blanche pour Eugène Chavette pour ses dernières oeuvres. Liberté de parler si bon lui semble toujours avec légèreté et sarcasme de sujets à priori sérieux : nos colonies françaises, la royauté ; et tout aussi bien de petites scènettes de ménages ou bien encore du statut du mariage.

La bigamie est abordée avec un incroyable détachement, humour ou pas, on sent un fond de sincérité :

« Prenez 100 maris, et vous en trouverez 99 neufs ayant une maîtresse »
Certains diront : certes, le mariage est trop rigide, acceptons de rétablir le divorce !
Pas suffisant ! Nous dit l'auteur, il faut autoriser la bigamie : par humanité (1) par ordre de la nature (2) et dans l'intérêt des bonnes moeurs (3)

1°/ Par humanité :
Les pauvres hommes étaient si peu nombreux en France (guerre, comportements à risques…) qu'il était estimé qu'il y avait 2 femmes pour un homme (il exagère bien sûr…)
De cette infériorité numérique, il serait terriblement inhumain n'est-ce-pas de délaisser ainsi les femmes exclues par le jeu cruel des chaises musicales ? « Pourquoi ces charmantes créatures seraient-elles condamnées à danser devant le buffet du mariage ? »

2°/ Par ordre de la nature
Ici on sous-entend que tout le monde se trompe. Ne soyons pas dupe « prenez 100 maris et vous en trouverez 99 ayant une maîtresse »
« Mais écrierez-vous, on a vu des maris fidèles !
Oui, mais on a aussi vu des chiens qui jouaient aux dominos. Ces rares excentricités confirment la règle »
Bref, cette chose si naturelle doit s'officialiser.

3°/ Dans l'intérêt des bonnes moeurs (ou plutôt de faire des économies)
Qui dit maîtresse dit avoir un second foyer à entretenir… Eh oui tout cela coûte cher à ces pauvres maris infidèles !
Mieux que cela, la bigamie ce serait aussi « des dépenses extraordinairement réduites par la réunion et une recette doublée par l'encaissement de deux dots »
Cela vous choque ? « Eh ! Mesdames, ne vaut-il pas mieux posséder une bonne moitié du mari que d'arriver en quart ou en sixième dans la propriété d'un époux que le mariage, tel qu'il est institué aujourd'hui, rend infidèle, mais que la bigamie priverait de toutes ces excellentes raisons qui justifient son infidélité.
Vous savez, au fin fond de votre conscience, que l'infidélité est non seulement excusable, mais qu'elle est même obligatoire. »

Une lecture contemporaine pourrait même s'entendre (avec un peu d'efforts) puisqu'il consent qu'il puisse tout aussi bien y avoir de la bigamie chez les femmes (une femme pour deux hommes), à condition, bien entendu, que le rapport numérique femme/homme soit inversé (2 femmes pour un homme dans une société) - ouf !

Autres nouvelles : les vêtements, la toilette…

On le sait, les vêtements coutaient plus chers auparavant… le tailleur différait malicieusement le moment venu de présenter la fatale note, la redoutable facture : « me présenta à payer une note si fabuleuse que je regardais sérieusement sur la facture si on ne m'avait pas compté par erreur une maison de campagne ».
Mais c'est surtout l'extrême soin et l'attention portée à la « toilette » qui étonne et c'est le comble pour la haute noblesse parisienne.
Invitée à un bal, c'est à celle qui fera le plus d'effet parmi les nobles. La journée sera pleine de souffrances et de tracas pour un instant de gloire. L'argent pour la toilette est un mince détail, on déplacerait une ville entière s'il le fallait.
Le coiffeur (pas n'importe lequel, le meilleur) a 2 minutes de retard ? La crise cardiaque n'était pas loin…
Une fois coiffée, habillée, est-elle rassurée ? Absolument pas, elle doit encore se figer en statue car rien ne doit ébranler l'édifice.
Nullement question de picorer quoi que ce soit, la tenue ajustée au millimètre près ne doit souffrir d'aucune prise de poids, même minime « les heures s'écoulent lentement dans le double tourment de l'immobilité et de la faim »
Enfin « on met le pieds sur le champ de bataille… et c'est alors qu'on est saluée par ce fameux murmure d'admiration qui sera enregistré demain dans le journal de High-Life. Elle l'a bien gagné, n'est-ce-pas ? »
C'est à peine si l'invitée se réjouit des convives. Passé la première impression, la démonstration d'opulence, le bal est déjà terminé.

Eugène Chavette nous offre à la fois, dans ses 20 nouvelles, de l'observation, de la finesse, des détails piquants avec la légèreté d'un humour lent ou contextuel, du sarcasme rarement méchant ou aigri et qui invite à la gaieté.
Commenter  J’apprécie          70
Avec pas loin d'une trentaine de contes, souvent très efficaces et toujours d'une lecture agréable, « Les Bêtises Vraies » est à compter parmi les recueils les plus réussis d'Eugène Chavette. Pourtant, ce n'est pas sans appréhension qu'il le présente au travers d'une préface intitulée « Les Bobèches Cassées ». Nous avons bien oublié ce qu'était une bobèche, bien que ce fut un accessoire quotidien pour nos ancêtres. Il s'agit de la petite pièce de métal soudée sur un chandelier ou une lampe à incandescence, sur laquelle on pose ou on insère une bougie. La bobèche permet non seulement de fixer la bougie, mais aussi, par ses rebords plus ou moins évasés, de recueillir la cire brûlante et de l'empêcher de s'écouler au sol, ou sur la table où le chandelier est posé.
« Casser sa bobèche » était une expression populaire courante, qui signifiait paniquer, s'affoler, ne plus savoir comment réagir. Pour Eugène Chavette, c'est nécessairement ce qui attend l'artiste ou l'homme de lettres vieillissants. Il a conscience que ce troisième recueil peut tout à fait être celui de trop, attendu qu'il a conscience d'appliquer une recette certes éprouvée mais dont il voit lui-même les limites. Conscient de casser ses propres bobèches, il en appelle à l'indulgence du lecteur : certes, il est là où on l'attend, mais il a donné de son mieux pour nous faire rire, et il espère modestement y parvenir.
Précautions bien inutiles : Eugène Chavette signe un recueil qui ne donne pas le moins du monde un sentiment de répétition, puisque non seulement il retrouve sa verve et son inspiration, mais le caractère anecdotique nouveau qu'il insuffle à ses récits parvient à renouveler assez bien son style. Qui plus est, ses scrupules devaient sans doute être superflus, le lectorat de ceux que l'on appelait dans les années 1880-1910 les « auteurs gais » (expression qu'il serait ambigu de reprendre au siècle qui est le nôtre) attendaient surtout qu'ils les mettent en gaieté, qu'ils les amusent, et n'en espéraient pas une folle créativité. Depuis la Monarchie de Juillet, une littérature dite « légère », représentée par des auteurs comme Louis Reybaud, Jules Noriac ou Pierre Véron, avait su séduire de nombreux lecteurs dans toutes les classes sociales. On a retenu de cette époque essentiellement des écrivains sérieux et massifs, comme Balzac ou Stendhal, mais il existait toute une littérature volontairement comique et goguenarde, souvent assez subversive ou critique envers la société ou le régime en place, et dont la drôlerie n'a parfois pas si mal passé le cap des ans.
« Les Bêtises Vraies » conclut donc brillamment une trilogie de recueils cyniques et féroces, qui mériteraient d'être redécouverts, d'autant plus que ce sont des documents tout à fait pertinents sur le mode de vie et les mentalités de la deuxième moitié du XIXème siècle. D'une lecture facile et fluide, ces trois recueils sont d'amusants et d'instructifs voyages dans le temps, guidés par un auteur roublard, aimable et bon vivant, bien qu'un peu fanfaron et volontiers mythomane. Son style comme ses contes font preuve d'une spontanéité créative charmante, même si très logiquement, elle reflète une inspiration inégale, ou des thématiques parfois dépassées. Comme dans les précédents recueils, il n'y a pas que des chefs d'oeuvre dans « Les Bêtises Vraies », je passe sous silence de courtes histoires qui font un peu « pschitt », mais ce qui n'est pas drôle n'est pas nécessairement d'une lecture désagréable. Au final, on suit les contes d'Eugène Chavette un peu comme ceux d'Alphonse Allais, on sait à peu près où on va, mais jamais complètement et il est plaisant de se laisser prendre à ces farces qui sont souvent drôles, et qui, même quand elles ne le sont pas, témoignent d'un esprit caustique et observateur d'autant plus charmant qu'il est finalement peu aigri et nullement revanchard. Rire de la bêtise nous console de son omniprésence, tel est un peu le message de l'auteur, qui nous invite effectivement à rire de tout, et surtout de ce qui est affligeant.
En ce sens, avec ce troisième volume, et contrairement à ce qu'il redoutait, Eugène Chavette n'a pas cassé ses bobèches, et c'est peut-être là le plus important.
Lien : https://mortefontaine.wordpr..
Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
– Voyons, viens-tu à Asnières ?
Ainsi mis au pied du mur, le Parisien crut s’en tirer par l’aveu suivant :
– C’est que, vois-tu, je n’aime pas la campagne. Je trouve qu’elle manque trop de distractions.
– Pas à Asnières, je te l’affirme.
– Oui, je sais, on a la pêche, le bain froid, le bal champêtre, mais tout cela ne remplit pas assez le temps.
– Ah, ça, malheureux ! Tu oublies donc la spécialité d’Asnières, son "great attraction" !! En un mot, la distraction, toute particulière à cette localité chérie des canotiers, qui fait qu’on ne s’y ennuie jamais… On y a droit à deux noyés par jour… Quelquefois, les dimanches de grande fête, par exemple, on en pige quatre ou cinq, mais c’est de l’extra… Tant mieux ! Profitez-en, mais n’en faites pas une exigence… Tandis que vos deux noyés quotidiens, on vous les doit, ils sont comptés dans le prix des locations ou des terrains à bâtir… On les cote comme distractions… Ils remplacent la musique militaire.
– Qu’avons-nous comme noyés aujourd’hui ? se demandent deux Asniérois qui se rencontrent.
La question leur part d’instinct, tout naturellement, comme ailleurs on dirait : « Tout le monde va bien chez vous ? ».
– Les canotiers n’abondent pas ce matin, aussi n’a-t-on repêché qu’un petit jeune homme, répond l’autre Asniérois, qui a déjà été faire son tour de berge.
– Diable ! Un seulement hier ! Cela ne fait pas notre compte.
– Oui, mais nous redevons un noyé du 16 courant, où nous en avons eu trois.
– Ta ta ta, voyez vous, moi je n’aime pas les comptes… On finit toujours par être fourré dedans… Je ne demande que mon dû, mais il me le faut… Ce n’est pas quand on nous augmente les contributions que nous devons nous laisser frustrer de notre droit.
– En déduisant celui du 16, je crois que nous sommes au pair.
– Taisez-vous donc avec votre « au pair ». Est-ce que l’an dernier nous y étions au pair ? Rappelez-vous !
– Le fait est qu’on n’a jamais vu aussi peu de canotiers pochards que l’an dernier. C’était à croire qu’ils allaient exprès faire leur imprudence en haute Seine… Mais, pour être juste, nous devons avouer que 1880 s’est soldé par un boni.
– Un boni ! Où avez-vous vu un boni en 1880 ? Ne vous souvient-il pas que nous n’avons rien eu les 14 et 26 juillet ! (Avec colère.) Justement des jours où j’avais du monde !!!
Car à Asnières, ces deux noyés remplacent les ruines du vieux château, la forêt ou le point de vue qu’on montre partout ailleurs aux amis venus de Paris.
À Asnières, après déjeuner, l’habitant dit à ses visiteurs :
– Allons faire un tour sur la berge.
Et on gagne le bord de l’eau où se tiennent les bateliers qui, la gaffe de sauvetage en main, semblent s’impatienter.
– Eh ! Père Jean, où est le noyé du matin ? crie-t-on à l’un d’eux.
– Nous l’attendons, monsieur, il est un peu en retard aujourd’hui.
– Avez-vous des espérances ?
– Tout un canot de gens, ivres comme des Polonais, qui vient de partir à la voile… Le vent est à la méchanceté; il ne tardera pas à les renverser dans la limonade.
– Parfait !
– Et puis, là-bas, à la pointe, il y a trois baigneurs qui viennent de se mettre à l’eau et qui ont l’air de savoir un peu moins nager que des andouilles.
– Bonne affaire !
Alors on se couche sur le gazon de la rive pour prendre patience. Vingt minutes, vingt-cinq tout au plus, s’écoulent et subitement, une animation se manifeste chez les mariniers qui sautent dans leurs embarcations. Tout le long de la berge, les maisons ouvrent leurs fenêtres où apparaissent des curieux. Des restaurants du rivage sortent en masse des consommateurs, la serviette au cou, qui ont quitté la friture ou la matelote qu’ils mangeaient.
– Qu’est-ce ? demande l’ami de Paris, étonné de cet élan général.
– C’est le noyé qui nous arrive, répond l’Asniérois avec ce petit sentiment de fierté du propriétaire qui vante les charmes de sa localité.
Et c’est vrai… Il est là… Un peu inexact, mais enfin il est là ! N’allez pas croire qu’on vous triche, que ce soit un noyé d’hier qu’on vous ressert… Non, il est frais, c’est bien le plat du jour.
Selon l’heure à laquelle il s’est fait repêcher, le noyé a plus ou moins de succès.
Tout l’engouement est pour celui du soir !!! L’heure de l’absinthe lui vaut un nombreux public d’hommes, et, à ce moment, le retour de la promenade amène les dames qui, le matin, n’osaient venir en négligé d’intérieur.
C’est la mode ! Avant dîner, on va faire le tour du repêché, comme à Paris on fait son petit tour de lac. Dans le high life d’Asnières, rien de plus usité que cette phrase : « Le tour du noyé était fort animé ce soir, n’est-ce pas, duchesse ? ».
Ainsi, quand, dans la mâtinée, la pêche a fait coup double, on met de côté le plus blanc et le plus potelé pour le soir. Pour un peu, on l’entourerait de cresson.
Le matin, on a écoulé celui qui était le moins de défaite. À quoi bon gaspiller un joli sujet, quand chacun est allé à Paris pour ses affaires et qu’on sait que les dames ne viendront pas ? Pour l’exhibition matinale, on utilise celui qui a été se noyer en bas, à la sortie de l’égout collecteur… Un malpropre, quoi ! On ne l’estime pas, mais on le sert parce qu’il faut donner le compte et que les Asniérois crieraient si on leur en faisait tort.
Ils sont si intimement convaincus de leur droit que, pour eux, tout homme qui se fait repêcher avant d’être complètement noyé, n’est qu’un voleur !… Comme qui dirait un misérable qui aurait bu l’huile des illuminations publiques… Un empêcheur de danser en rond !
Pour l’Asniérois, la noyade est une sorte de turf dont les mariniers sont les jockeys. On s’engage volontiers pour tel ou tel. À ce cri : « Au secours ! », on ouvre aussitôt son livre de paris.
– Hardi, Pierre ! Quel coup de gaffe ! Il ne gâte pas le sujet ! Vingt louis pour Pierre contre Baptiste.
– Tenu pour Baptiste… Il connaît tous les bons trous… Baptiste a la vogue et il la mérite, car il en est à sa cent vingt-sixième pêche heureuse… Avec ses primes, il soutient une vieille tante qui a perdu la vue à piétiner de la pâte pour fabriquer le macaroni !…
Après ce long plaidoyer en faveur de sa localité, celui de mes deux voisins de table qui venait de parler, s’arrêta encore pour respirer, puis d’un ton sévère, reprit en forme de péroraison :
– Il se peut que la campagne t’ennuie, mais maintenant, tu n’oseras plus soutenir qu’à Asnières, on manque de distractions !
Commenter  J’apprécie          10

Livres les plus populaires de la semaine Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (2) Voir plus



Quiz Voir plus

Philosophes au cinéma

Ce film réalisé par Derek Jarman en 1993 retrace la vie d'un philosophe autrichien né à Vienne en 1889 et mort à Cambridge en 1951. Quel est son nom?

Ludwig Wittgenstein
Stephen Zweig
Martin Heidegger

8 questions
159 lecteurs ont répondu
Thèmes : philosophie , philosophes , sociologie , culture générale , cinema , adapté au cinéma , adaptation , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}