«
Enfin le royaume »… Comme un lieu situé au bout d'un long chemin, d'un long périple, comme un point de destination longtemps recherché, enfin atteint.
Le titre de ce recueil de
François Cheng, plus qu'un lieu géographique, une contrée localisée, évoque plus un état intérieur de l'être, une disposition du moi porté vers l'écoute, le silence et le recueillement.
Un chemin qui part de soi et qui, par un long détour, revient à soi. Ce royaume, c'est ce pays qui s'ouvre au regard qui se porte vers les choses simples, sur le don inépuisable de la nature, vers cette « vaste réserve, inépuisable, que contient pourtant ce coeur nôtre ».
Au travers de tous les quatrains qui composent «
Enfin le royaume », il est aisé de reconnaître l'influence du taoïsme, ce courant de pensée de la Chine du IIIème siècle avant notre ère, très préoccupé de l'individu, de sa conscience et de sa vie spirituelle, en quête incessante d'une harmonie avec la nature et l'univers.
Cette influence imprègne toute l'écriture de
François Cheng et tout particulièrement ce recueil. le corps du sujet n'est ici jamais évoqué ou dépeint. le sujet est pleine conscience de l'instant et du rapport qu'il entretient avec la nature, avec son environnement. Seule la pensée structure son être.
Dans chaque poème du livre, les mots fertilisent la pensée de l'auteur, l'éveillent dans un haut degré de perfection. Chaque texte éveille, suscite ensuite chez le lecteur une émotion, une révélation qu'il faut prendre le temps d'accueillir en soi pour qu'elle trouve sa pleine expression, à des degrés divers.
Ici l'intime contient le tout. Il s'incarne jusque dans la matière, dans le rythme fluctuant des mots. Souvent à la lecture des courts poèmes, les images affluent, dont la précision du trait et la naïveté du thème ressemblent à des estampes, à des représentations venues d'un lointain imaginaire.
Plus peut-être que d'autres recueils de
François Cheng, j'ai particulièrement apprécié la lecture d'«
Enfin le royaume ». Une écriture détachée mais tout entière dévouée à ce qui fait sens et créé du lien, une écriture « où tout demeure en soi et se change en son autre ».
Héritière d'une pensée et d'une tradition anciennes, l'écriture de
François Cheng ne cesse d'instruire dans un temps qui nous appartient mais qui, aussi, va au-devant de nous, malgré nous.
« le vrai toujours
Est ce qui tremble
Entre frayeur et appel,
Entre regard et silence »