L'Auteur et Moi

À peine avais-je rencontré l'amour que je devais songer au moyen de faire disparaître le corps.

… puisqu'il est mort pour apprendre encore un chose à l'auteur, après lui avoir appris la vie, pour lui apprendre la mort, que l'on meurt, ce que l'auteur croyait savoir, sur quoi l'auteur écrivait volontiers et qui lui fut révélé pourtant quand son père mourut, qui lui fut révélé comme s'il n'en avait jamais rien su, cette révélation aussi surprenante que l'eût été pour lui celle d'une vie sur la lune, une révélation stupéfiante, douloureuse, car c'est aussi le fils qui meurt quand meurt le père, tout ce temps partagé qui d'un coup rejoint le passé révolu, la préhistoire, c'est la vie du fils qui se fractionne, qui soudain n'est plus enclose dans celle de son père et désormais s'inscrit dans le vide..

Les livres de l'auteur (...) suivent un cours digressif et déconcertant. Le lecteur n'en peut sauter un mot sans en perdre le fil mais il ne lui est pas recommandé non plus de s'attarder trop, car alors il s'y emberlificote. (...) Toute lecture bien comprise est d'ailleurs affaire de vitesse.Il s'agit de trouver la bonne. Il en est une adaptée pour chaque écrivain qui sera fatale au lecteur s'il n'en change pas en s'engageant dans le livre d'un autre. Aussi est-il malavisé, selon l'auteur, de prétendre traverser toute la littérature dans une voiturette de golfeur.

Cependant, en fait d'arrière-arrière-petit-fils, il s'agissait d'un arrière-arrière-petit-neveu de Désiré Nisard, dont cette dame si cordiale tenta donc de susciter l'ire afin de traîner l'auteur en justice, et non Albert Moindre, inaccessible en vertu de son immunité de personnage fictif, anéantissant sans vergogne ce faisant un siècle de réflexion théorique sur les notions d'auteur et de narrateur.