Notre petit château individuel de science et de culture où se mélangent et se fracassent entre eux tous les styles, avec une porte imposante, une tour maîtresse plutôt fière, presque droite, puis des renforts de tôle et de carton sur les ailes et des emprunts incongrus, des blocs venus de l’autre bout du monde, montés à l’envers, mal jointoyés, tenus par un mortier de salive, et dont la silhouette baroque, branlante, comique, se hérisse d’inutiles pignons, de gargouilles intarissables, de flèches rompues, d’antennes vibrantes et d’une unique girouette qui fait tourner toute la bâtisse sur son axe, ce château toujours en chantier, rattrapé par la ruine, assiégé en permanence par les châtelains du voisinage et dont un seul termite fragilise la charpente et fait pleuvoir les tuiles – se découpe sur le ciel blanc, le ciel béant de notre ignorance sans fond ni bords.
Puis je me réconcilie avec le festival de musique mécanique qui a envahi les rues paisibles de ma ville. Car pour une fois l’intolérable vacarme n’est pas produit par une jeunesse efflanquée et chevelue arc-boutée sur ses guitares saturées, mais par de ventripotents et rubiconds moustachus coiffés de canotiers qui tournent inlassablement leurs manivelles, et cette dérision de Woodstock enchante mon esprit rebelle.
Moi, je vois surtout que les affaires des mendiants prospèrent si bien qu’ils ne cessent d’embaucher.
La main enfouie dans sa poche, il fait tinter ses clés en marchant afin que nul n’ignore qu’il possède des maisons, des coffres, des voitures, mais le passant se dit plutôt que cet homme décidément doit avoir de nombreux prisonniers.
Je suis ta nounou, tu peux m’appeler tata.
Certainement pas, répond Agathe, j’appelle toute mes nurses ma brave Henriette.
Les activités de l’homme moderne sont tenues pour responsables de la déforestation et du réchauffement climatique, ce qui n’est guère contestable, mais on les condamne à ce titre et on parle de catastrophe écologique quand il ne s’agit que d’étendre au prix de lourds sacrifices l’habitat naturel du fennec et de la gerboise.