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L'île enchantée d'Eric Chevillard.

RENTRÉE
«Le monde littéraire entre en ébullition des le début de l'été. Combien va-t-on publier de romans à la rentrée ? Passionnante énigme, il est vrai, car sitôt la réponse connue, une rapide soustraction permettra de chiffrer précisément l'augmentation par rapport à l'année précédente. L'information met en émoi les rédactions des journaux et magazines qui s'empressent de la relayer. Ces statistiques succèdent opportunément aux estimations concernant le nombre d'hectares de forêt incendiées pendant l'été qui n'intéressaient plus personne – cependant, le lecteur avisé se demandera s'il n'est pas question en d'autres termes de la même tragédie.»

547 titres en Janvier 2014 … et un Chevillard, un exercice de style qui se moque du réel, et de la littérature qui le plagie, et en oublie sa fantaisie et ses bestiaires.

De cet abécédaire de vingt-six chapitres, d'"ASPE" à "NUIT NEIGE NOËL", surgit une image de la machine à écrire d'Eric Chevillard comme une île enchantée, sur les plages de laquelle se croisent en désordre, le phacochère et la tarentule, le balbuzard et l'alligator, tous les rabat-joies qui contestent l'utilité de la littérature, foule de meurtriers efficaces de l'imagination (« les encadreurs supérieurs, les savonneurs de maîtres, les exportateurs d'importateurs délocalisés, … les anticipateurs grégaires, les assortisseurs de chaussettes, les agents immobiles… »), mais aussi une petite fille magnifique, une sorcière hideuse qui sent la rose, ou encore une marquise capricieuse.

Lorsque l'homme est devenu écrivain, qu'il a trouvé son style et s'est extirpé «de la gangue de la langue commune» (ce fut dans la nuit du 15 février 1985 pour l'auteur), il peut sortir de l'ennui ordinaire du quotidien et venir pour toujours habiter cette île. L'auteur se décrit comme un asocial qui déteste être mis en joue par le photographe, mais le lecteur entre ici à l'intérieur de son crâne, et tombe amoureux, une fois de plus, de son style, ce capharnaüm apparent et jubilatoire.

J'ai abordé un jour par hasard sur l'île d'Eric Chevillard. Ne venez surtout pas me secourir, je reste. Moi non plus, je n'aime pas la rentrée.

«Voici Septembre et notre coeur se noue. Tristesse des longs jours et des mois à venir. La fermeture à glissière des trousses neuves coulisse comme si tout allait de soi, la gomme est encore un parallélépipède parfait, marmoréen – ce savon sera vite entamé, rogné, aboli – on nous en passera d'autres -, tandis que les crayons interminables et les épais cahiers de liasses vierges donnent la mesure de la besogne à accomplir.»
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Eric Chevillard nous trompe encore, mais heureusement que je suis là pour le démasquer et dire au plus grand nombre que cet écrivain est un imposteur. Et les Editions de Minuit auront également à souffrir de mes sarcasmes, car elles participent de cette mascarade. Rien ne nous dit que ce livre est, en fait, un abécédaire. Et bien je vous le dis, comme ça vous êtes fixés. Et le désordre du titre, bien qu'il fasse preuve d'honnêteté (vous remarquerez que mon impartialité m'engage à la bienveillance quand elle s'impose), ne nous dit rien de ce choix incongru d'azerty? Pourquoi pas uiopqs ou sdfghj ou jenesaisquoiencore?
Non, vraiment, chers babelionautes, ce livre prête non seulement à méditer, mais surtout à rire.
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Défi solidaire 2024
Un livre-classement au genre inclassable.
J'ai un problème, une obsession, avec l'alphabet. Je suis alphadepte. Alors, quand j'ai vu en bibli ce livre d'un auteur du défi solidaire, j'ai vite compris que ce jeu littéraire allait me plaire. Cela dit, ça passe ou ça casse, pour le lire il faut entrer dans le délire, ou l'on se lasse. L'humour absurde, littéraire, les variations "musicales" autour d'un mot par lettre, il faut lire quelques citations pour en saisir le (non) sens. Ce livre est comme le sommeil : il est léger, profond et paradoxal.

Léger, par son humour et ses sauts d'un thème à l'autre. Même au sein d'un chapitre, on passe par exemple d'une partie du corps à l'autre, lorsque l'auteur tente de fragmenter le corps humain. Sur le langage pur, comme en témoigne les poétiques accumulations. Sur l'origine, avec des biographies d'hommes préhistoriques. Sur Dieu, avec fausse grandiloquence, il trace un parcours croyant/athée agressif/athée tolérant, avant de prouver la non existence de Dieu car le monde est bien trop cohérent pour avoir été créé. L'auteur nous propose aussi de faire "un grand bond en avant" en nous nommant Kangourous. Il arrive aussi (exploit) à nous parler WC sans vulgarité. Il s'offusque de l'origine de son nom, dans une réflexion onomastique.

Profond, par sa réflexion et ce livre-musée, exhibition de vocabulaire, accumulation géante. L'auteur s'amuse à exhiber ses mots car c'est une petite provocation, il peut semer la discorde ainsi (c'est dit dans le premier chapitre) mais c'est fait avec espièglerie. L'amusante critique de la rentrée littéraire, la comparaison du roman à une île (et tout le travail sur l'île...)Même un thème comme l'âge de l'auteur est traité avec cette profonde légèreté littéraire. La réflexion sur la construction du style, qui n'est pas un exercice (ah bon ?), le valorise. L'amour pour les deux filles qu'il a faites (sa compagne a contribué), le journal qu'il écrit, la réflexion sur les personnages avec sa marquise. L'auteur parle même de la réception de ses livres, aussi peu compris que lui comprend les maths.

Et paradoxal, car c'est un livre du classement qui est lui-même inclassable. en cela, il peut évoquer Penser/classer de Perec, lu il y a quelques années, voire la liste de Prévert. Réflexion tantôt animalières, tantôt humaines; sur une espèce particulière : l'écrivain (par exemple, son rapport avec la théorie). L'auteur se plait à relever des paradoxes, sur la photographie par exemple, sur la question taxinomique du genre littéraire, ou sur l'humoriste, un vrai rabat-joie. le livre n'est pas engagé, à l'exception du chapitre "banc", qui évoque la façon dont les bancs sont inconfortables pour les SDF (https://fr.wikipedia.org/wiki/Mobilier_urbain_anti-SDF).

En fait, ce désordre azerty est l'objet d'une certaine cohérence : forme de "biographie" des idées, qui porte sur le métier d'écrivain, forme de blog, mais matière de livre. le chapitre "littérature" lui-même, à L, donne envie d'écrire à notre tour.

Le mot est apparu plus tôt dans ma critique, c'est un livre espiègle et créatif. C'est un peu un humour de prof de français, mais je n'ai rien contre les profs de français, tant qu'ils me mettent de bonnes notes. Moi, je mets cinq sur cinq.
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26 mots rendus au sens, en suivant le clavier de l'ordinateur. Intelligence et joie.

Désormais sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/02/13/note-de-lecture-le-desordre-azerty-eric-chevillard/
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L'auteur utilise le clavier AZERTY pour définir son abécédaire. Pour chacune des lettres de ce clavier, il choisit un mot et décide de décrire, réfléchir, interroger sur ce mot. L'auteur commence par le mot ASPE (dont j'ai cherché la définition car fortement intriguée) et de son utilité ou non de connaître ce qu'il définit ; en passant QUINQUAGENAIRE, FILLE, JOURNAL (pas comme on pourrait le penser) ; VIRGULE ….

Comme l'auteur l'écrit : « je distinguerai une littérature qui développe oui qui délaye et une autre qui concentre, qui condense ». Il joue avec les mots de notre langue riche et utilise différents styles sur quelques pages. Cette oeuvre est inclassable, à mon sens, avec des textes hétéroclites mais qui a de la profondeur. C'est une oeuvre qui m'a demandé de la concentration et, par moment, j'avais du mal à suivre car j'étais assez fatiguée. Au final, je suis contente de l'avoir lu car j'ai aimé les mots, les jeux de mots, les styles et la légère pointe d'humour.
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Chevillard se livre, se dévoile et se raconte au rythme des touches d'un clavier français dans un abécédaire désordonné. C'est l'auteur qui se commet dans cet exercice de style au genre soutenu, à la plume vive. C'est l'auteur qui se met lui-même en marge des catégories et qui a de la littérature une vision éclatée. Cet autoportrait, car on peut bien le qualifier ainsi, est teinté du rapport qu'entretient Chevillard avec l'écriture, du rapport qu'il entretient avec le livre et la société sur laquelle il repose. Cela donne un fouillis, mais un gai fouillis où partout se glisse l'auteur, où partout s'étonne le lecteur. Si, dans son blogue L'autoficif, Chevillard se permet quotidiennement des fragments de littérature sur 2 à 5 lignes, le désordre Azerty peut bien en être le prolongement, l'excroissance sinon la proéminence. C'est une suite anarchique d'aphorismes jubilatoires. On en redemande.
Lien : http://rivesderives.blogspot..
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Lire Éric Chevillard demande de la souplesse. de la souplesse et du souffle. Car cette lecture n'est pas loin de la pratique de la gymnastique de haut vol, option contorsionnisme.
Muni d'un bon dictionnaire, on se plonge ici dans 26 chapitres de trapèze, où une grande capacité respiratoire est requise. Car Chevillard aime les digressions, passer du coq à l'âne, suivre le fil de ses pérégrinations intellectuelles et déteste les points, surtout s'ils sont finaux.
Tout le clavier azerty y passera, tous les signes de ponctuation également, dans cette logorrhée à la première personne.
Ça semble foutraque, mais l'auteur tient bien son fil d'Ariane, s'en éloignant souvent pour mieux y revenir.
On appréciera le style soutenu et la vivacité du propos, même si l'on se demande parfois à quelle vitesse il frappe à l'ordinateur pour tenir le rythme !
Un maelstrom plein d'humour et de bons mots, mais à picorer en plusieurs fois pour éviter la lassitude.
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La lecture d'une oeuvre d'Éric Chevillard; comment ne pas paraître fat - terne - banal (voilà un trio d'adjectifs à la Cambremer…) en parlant d'un ouvrage qui d'ailleurs défie le compte rendu… disons qu'entre le début de chaque entrée et son point final, l'auteur nous aura fait suivre un court chemin inattendu mais qui donne envie d'y revenir.

À chaque page un sourire, à chaque page une envie de recopier une phrase, et toujours le sentiment qu'à partir d'une idée dont on reconnaît immédiatement la justesse sans l'avoir eu soi-même, un fil se tire jusqu'à des conséquences aussi logiques qu'aberrantes, comme ces lignes de l'entrée "Rentrons" qui s'interrogent sur la culpabilité actuelle de tous ces enfants qui posaient pour des publicités de rentrée au mois d'août… Les entrées qui proposent des variations sur un thème donné ("genre", "marquise") font partie des plus savoureuses à mon sens, les meilleures restant peut-être "Chevillard" et la dernière, "Nuit de neige".

Un livre à lire en complément de "Monotobio" (l'article "Journal" éclaire d'ailleurs celui-ci).
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"Littérature, ma belle, sais-tu que tu emmerdes tout le monde ?" (136)

En cette fin d'hiver brumeuse où l'humidité de trois mois pleins a fini par avoir raison de ma lucidité et de mon équilibre mental, je suis atteinte du syndrome "Guerre et Paix" – que j'écoute par ailleurs. Une sensation de n'avoir pas tiré tout le sens, d'avoir mal cerné les nouveaux personnages apparus dans un chapitre qui me pousse à relire, réécouter au moins une fois, voire deux, voire trois, chaque page des livres que j'ai entre les mains. Un doute gustatif, un vide au creux de l'estomac, un flottement des perceptions. L'expérience n'est pas déplaisante ne fusse un temps de lecture rallongé à l'image de cet hiver tout de gris uniforme qui n'en finit pas. Aller et revenir entre "Kangourou", "Fille", "Beckett" et "Utilité" dans le grand désordre Azerty de l'univers météorique Chevillard, telle a été mon expérience de ce volume. Champ lexical soigneusement mis en orbite et associations d'idées frôlant la matière noire sans s'y égarer, les fantaisies littéraires prennent leurs aises, pendiculent, s'allongent voluptueusement dans l'atmosphère. le seul effort à faire pour atteindre avec elles à la transfiguration immédiate est de se laisser flotter.

"Mais, pour le lecteur, qu'elle aubaine, un écrivain qui a du style ! Voici enfin toute l'expérience humaine reformulée." (91)


Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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