Puisque notre monde n'est ni uni, ni unique — non plus satisfaisant, voire plutôt inquiétant et tyrannique —, voici
l'illustre contre monde dans lequel nous convie Ronan Cheviller, comme un
Lautréamont rigolard qui serait passé par le surréalisme, en y perdant un peu de son vieux soufre. le voyage est ébouriffant, grouillant d'incessantes questions et d'aphorismes où l'énigmatique le dispute au poétique : «art de creuser les questions (…) art de chevaucher les questions sauvages». Tout discours se trouve ici moqué, détourné par la fantaisie d'un auteur qui se joue des frontières de l'absurde.
Pénétrant intervieweur d'auteurs dramatiques sur Jet FM, comédien, metteur en scène et animateur du Théâtre Amok (Nantes), Ronan Cheviller se singularise par cette curiosité sans borne propre aux autodidactes et aux passionnés n'ayant pas été contraints dans les parcours balisés du conformisme éducatif. En sorte que ce lecteur insatiable, passant des classiques latins aux contemporains les plus expérimentaux, ne pouvait rien écrire d'attendu. L'auteur est aussi original que l'homme, rien ici de l'épigone.
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L'Illustre Contre monde" se présente comme un théâtre portatif d'entresorts à lire à haute voix pour la jubilation d'une langue qui tape, gesticule, bonimente et interroge en trente-trois formulations, de «N'est-il pas difficile de s'exprimer en français» à «Que s'est-il passé ?» en passant par «Peut-on juger quelqu'un si on n'a pas marché un kilomètre dans ses chaussures?» — sans compter les questions de l'appendice.
Dans cette pièce, riche matériau dramatique, ouvert et multiforme, joyeux délire soufflant le chaud et le froid, entrecoupé de notes décalées, il apparaît assuré que nombre de praticiens de théâtre trouveront de quoi faire librement leur miel.
Critique parue dans "Encres de Loire" n° 52 page 12, été 2010
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