Citations sur Holden mon frère (24)
La bibliothèque, c'est le seul endroit chauffé où il ne faut rien payer, en tout cas dans mon quartier.
A cet instant il me semble que rien ne peut me résister si je l'enveloppe de mots; ces mots que j'ai pris goût à enfiler me donnent un réel pouvoir, ils trouvent un écho dans le monde qui m'entourent. Je peux gagner la considération de mon père, charmer la première de la classe, empêcher ma plus vieille amie de se gâcher la vie par amour-propre. Quant à moi, je peux être qui je choisis d'être.
Dans cette classe, les deux tiers d'entre nous sont issus de familles traces de chiens. Je craignais les réactions, quand j'ai commencé ma lecture : qui se sentirait visé, moqué, dénigré, attaqué ? Qui serait perturbé ?
Les premiers éclats de rire m'ont fait frémir, mais il m'est bientôt apparu qu'ils soulignaient chaque passage où, avec une tendresse narquoise, j'avais voulu tourner en dérision les travers de la vie traces de chien.
Elle s'approche de moi et incline exagérément la tête pour approcher ses lèvres des miennes, sans parvenir à empêcher une collision suffisamment forte pour réveiller la douleur dans mes cloisons nasales. Je reste stoïque. Ses lèvres atterrissent sur les miennes à angle droit, c'est doux et chaud, tendre, voire un peu moi. J'aime bien. Je souris quand je découvre les joues intégralement roses de Laurie, une inondation d’innocence forte pour se limiter à ses pommettes. Après ça, elle fait comme si rien ne s'était passé, comme si je n'avais pas été là pendant la chose.
D'abord je me suis limité aux mangas. La série que j'avais commencée comporte quarante-trois volumes, assez pour occuper le reste de mes vacances royales. Mais dès le tome trois, je me suis posé des questions; je me suis dit: "Mon petit Kévin, tu n'es vraiment pas une lumière. Je crois bien que tu es en train de lire cette histoire pour la troisième fois."
Après vérification, ce n'était pas le cas. "Mon petit Kévin, certaines subtilités doivent t'échapper. Les mangas, c'est trop ardu pour toi." Alors j'ai élaboré un stratagème dont je ne suis pas peu fier: quand j'arrive à quatorze heures, je vais directement chercher Le Grand livre des motos sur son étagère, je l'ouvre en grand et je glisse dedans un album des Schtroumpfs.
Tu crois quoi?
Que tu vas devenir ingénieur? Alors écoute-moi bien avant de nous regarder de haut: les gens comme nous, ça devient pas ingénieur. Les gens comme nous, ça trime pour des patrons et en prime ça paie pour les fainéants.
Connais ta place Kévin.
Je me rends compte que je n'ai pas pensé aux Pimpettes depuis deux jours. Ils ne m'impressionnent plus. S'ils me voyaient pousser la porte de mon repaire et qu'ils se gondolaient bruyamment à mes frais, je serais prêt à leur faire quelques pointes de petit rat de l'opéra en cadeau bonus. Qu'ils me filment avec leur portable si ça leur chante. Je suis devenu plus fort qu'eux parce que désormais ils m'indiffèrent - eux, leurs avis sur toutes choses et leur petite cour d'admirateurs débiles.
Des salves de rires gras, de sifflets et d'obscénités fusent un peu partout autour de nous. Je ne doute pas un instant qu'ils nous soient adressés. L'indifférence n'est pas toujours la clé de l'invisibilité, mais je décide de persister malgré tout. Peut-être est-elle au moins la clé de la sérénité. Peut-être même nous vaudra-t-elle le respect des imbéciles. (p. 183)
Drôle d'idée que de lire des romans, quand on y pense bien : on s'attache à des personnages qui n'existent pas, on se sent moins seule alors qu'il suffirait de lever la tête de sa page pour constater que l'on est toujours autant dans le vrai monde, et après, tout est fini. p. 117-118
A cet instant il me semble que rien ne peut me résister si je l’enveloppe de mots ; ces mots que j’ai pris goût à enfiler me donnent un réel pouvoir, ils trouvent un écho dans le monde qui m’entoure. Je peux gagner la considération de mon père, charmer la première de la classe, empêcher ma plus vieille amie de se gâcher la vie par amour-propre. Quant à moi, je peux être qui je choisis d’être.